Algérie

Khelli l'bir beghtah


Khelli l'bir beghtah
Chaque 16 avril, à travers l'ensemble des établissements scolaires, on sort des portraits de l'illustre penseur Abdelhamid Ben Badis. On les dépoussière pour les étaler dans certaines cours de récréation en prenant soins de passer en boucle les seules paroles que nos écoliers ont appris par c'ur : «Le peuple Algérien est musulman et à l'arabité il appartient». D'ailleurs, qui peut se targuer de connaître la pensée de cet immensément érudit algérien qui prôna la tolérance comme première vertu de l'Islam allant jusqu'à décréter tous les adeptes du marxisme comme « le levain du peuple ». Pour dire la grande mansuétude de l'homme, aujourd'hui superbement ignoré au profit d'escrocs idéologiques importés à grand frais pour nous enseigner ce qui est licite et ce qui ne l'est pas. Cette indigence de la pensée algérienne se nourrit dans un immense complexe vis-à-vis d'un clergé s'arrogeant outrageusement le droit d'édicter un mode de vie et s'octroyant le statut de directeurs de consciences. Pour qu'un barbu criminel planqué dans les montagnes Afghanes serve de modèle à une partie de notre jeunesse, c'est que quelque part notre système éducatif a lamentablement échoué. Nous avons pourtant notre barbu à nous, penseur émérite, grand témoin de son temps et exégète reconnu, mais nous avons tourné le dos à notre propre histoire, lui préférant celle de charlatans dont l'un d'eux a sévi dans la ville même de Ben Badis où, suprême hérésie, il fut adulé comme le porteur d'un message de délivrance et consulté comme le détenteur de la vérité infuse. Ce gourou importé d'Egypte a déclaré le gigantesque Kateb Yacine indigne de reposer dans la terre de ses ancêtres sans que personnes ne s'offusquât, hormis quelques timides réactions. Nous payons là le tribut de l'inculture alors qu'il suffisait de s'en tenir aux percepts de l'auguste philosophe. Aujourd'hui, on se rappelle son existence une fois l'an et la commémoration dure le temps d'un dépôt de gerbe de fleurs, d'un défilé de scouts et d'une conférence où l'on ressasse la même prose dithyrambique que l'année dernière. Il fut un temps pas très lointain où tout le mois d'avril donnait lieu à d'énormes festivités entre le festival du malouf, le théâtre, les cycles de cinéma et des colloques en veux-tu en voilà. Cette déshérence de l'activité culturelle dans la ville même de ce chantre du savoir ne s'explique pas uniquement par l'oubli dans lequel on a confiné le penseur, mais par une démission collective. Par paresse. Par couardise surtout puisque le terrain fut laissé libre aux marchands d'idéologie jusque dans l'université et au sein d'une jeunesse auprès de laquelle un leader terroriste passe pour un maitre à penser, lui dont la barbe comporte autant de poils que de victimes. La sienne de barbe à Ben Badis était aussi authentique que le savoir qu'il dispensait dans la médersa, dans la vieille ville, là où il aimait cheminer parmi ce peuple qu'il aimait tant et qu'il s'évertua à éveiller de l'obscurantisme. Apparemment, il a échoué. Enfin, de quoi je me mêle ' Khelli l'bir beghtah.


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