Algérie

Khaled Chiheb, réalisateur du film Khamsa Le puits de l'oubli «L'animation est un genre qui me passionne»



Publié le 25.08.2024 dans le Quotidien l’Expression

Premier film d'animation en Algérie qui sort au cinéma, réalisé selon les standards internationaux, le film Khamsa. Le puits de l'oubli est à l'affiche dans 7 salles à Alger, Oran et Constantine. Vynom, est réalisateur de films d'animation et motion designer. Après avoir abandonné ses études d'ingénieur en mécanique, il étudie le graphisme à l'École des Beaux-Arts d'Alger. Il y obtient son diplôme en 2008. Auparavant, en 2005, il s'associe avec des amis pour créer D-clik Production, une société spécialisée dans la communication et les contenus audiovisuels, où il occupe actuellement le poste de directeur artistique. Passionné de cinéma, de bande dessinée et d'animation, Vynom s'investit alors pleinement dans la création de films d'animation et exerce dans plusieurs postes clés: illustration, story-board, animation, direction artistique. Fort de 15 ans d'expérience dans le domaine, il se lance dans la réalisation de son premier long métrage d'animation, Khamsa - le Puits de l'oubli, produit par D-clik Production. Le film est terminé en 2022. L'histoire est racontée à travers les yeux d'Adi. Cet enfant docile et naïf évolue dans un décor disproportionné par rapport à sa taille. A la recherche de ses souvenirs, Adi se retrouve dans des lieux hostiles et assez violents, créant ainsi en lui le doute sur l'origine et la nature de ses souvenirs. Son réalisateur nous dévoile ici les dessus de cette superbe aventure, en salle, enfin, depuis le 23 aout.

L'Expression: Tout d'abord, pourquoi avoir mis tout ce temps à faire ce film dont on sent que son équipe a mis tout son coeur à l'ouvrage pour le mener à terme dans un format des plus qualitatifs..

Khaled Chiheb: Faire un film d'animation, ça prend du temps à la base et puis c'est mon premier film. Il fallait tout mettre en place, recruter l'équipe, trouver la façon de travailler pour bien gérer les choses et comme c'est notre première expérience, on ne voulait pas liquider la chose. On voulait faire les choses doucement, d'ailleurs on a refait pas mal de séquences juste pour atteindre un certain standard. Le but était de mettre ce film dans les festivals internationaux. On voulait avoir une chance pour postuler dans les grands festivals de cinéma. Toute l'équipe vient du milieu de la communication. C'est notre métier. L'équipe de D-clik Production -dont Kamel Mouhoune est le producteur de cette boîte qui existe depuis 18 ans- a toujours fait de la communication et de l'animation. On s'est fait une petite expérience dans ce domaine. On s'est dit qu'on était peut être prêt pour se lancer dans un long métrage, mais en même temps c'est un projet assez difficile à faire. C'est notre première expérience, on voulait faire bien les choses. Donc on a pris notre temps.

Khamsa est une fable assez mature et tragique à la fois qui laisse à méditer sur nous -mêmes. Comment vous est venue l'idée de son histoire? Et comment pourriez-vous la synthétiser pour le public qui voudrait le voir?

Je dirai que le thème principal du film se situe dans le rapport qu'il y a entre la mémoire et l'identité, c'est-à-dire comment notre mémoire façonne notre identité. Le film parle d'un petit enfant amnésique qui essaye de retrouver sa mémoire et donc son identité. On ne voulait pas créer une intrigue simpliste pour enfant justement. D'ailleurs, on l'a mentionné à plusieurs reprises. Ce n'est pas un Pixar, on a même mis déconseillé au moins de douze ans pour qu'on comprenne qu'il ne s'adresse pas aux enfants et qu'il est un peu plus complexe qu'un film pour enfants..Il y a aussi thème secondaire effectivement qui réside dans le rapport maman/fils et qui est le fil conducteur de comment Adi essaye de récupérer ses souvenirs. Ce qu'on a essayé de faire en tout cas c'est de laisser l'espace à l'interprétation de chacun.

Quels ont été vos modèles, inspirations ou références pour réaliser ce film?

En terme de références, peut être que les gens vont le remarquer, il y a une bonne touche de patrimoine algérien, et maghrébin en général. Il y a l'architecture de terre du sud, l'éclairage qu'on trouve dans le désert, ses couleurs, les costumes, le bernous stylisé par exemple et la khamsa, mais aussi les symboles tifinagh. C'est de notre devoir en tant que créateur de rendre hommage à ce patrimoine et essayer de le sauvegarder d'une certaine manière. c'est pour cette raison qu'on a essayé de puiser de cette culture qu'on connait très bien et on voulait s'en servir quelque part..Pour les inspirations, il y en a beaucoup. Si on parle de narration il ya le jeu vidéo, la bande dessinée et de l'animation. En matière de BD il y a «Blame!» du japonais Tsutomo Nihei. Ce dernier est architecte, ses décors sont extraordinaires, super détaillés. C'était notre inspiration par rapport à la mise en scène pour certaines séquences particulières. Il y a aussi le film de monsieur Mamoru Oshii, qui s'appelle «Angel's Egg», son premier film qui possède un rythme et une ambiance particulier, très peu de dialogue et une mise en scène soignée. D'ailleurs quand on a été au festival de film d'animation au japon, c'était lui le président du jury, et c'est lui qui m'a remis le trophée, c'était pour moi quelque chose d'extraordinaire. Il a même déclaré dans la presse que son film préféré était khamsa. Quand on voit ça, on se dit que notre film a du potentiel et qu'il vaut peut être quelque chose car, quand on travaille sur un film aussi longtemps, on perd le recul. On ne sait pas ce qu'on est en train de faire. Partir en festival et mettre le film en compétition aux côtés d'autres films, ça nous permet de connaitre la valeur de notre film. Surtout que l'animation en Algérie n'est pas très présente, hormis dans la pub un peu.

Justement c'est quoi l'avenir de ce film qui a déjà fait de nombreux festivals?

Il en a fait 11 pays, douze festivals et a remporté trois prix dont le grand prix en Argentine, la meilleure direction artistique au Brésil et le Kabuku award au Japon. Maintenant, le film ne nous appartient plus. Il appartient au public.

Adil se fond dans les décors qui sont magnifiques..

Dans Khamsa, les décors sont considérés comme un autre personnage. On leur a donné beaucoup d'importance. Le décor est important car il reflète l'état psychologique du personnage principal. Quand il est dans le désert, ce dernier est plus lumineux, coloré et spacieux et plus on avance dans l'aventure, au fur et à mesure qu'il récupère ses souvenirs, le décor change en fonction de son humeur. Même la palette de couleur change. C'est pour créer cette déconnexion entre ce que vit Adi réellement et ses souvenirs aussi.

Un mot sur la bande sonore et composition musicale du film qui sont pleine de finesse mais aussi les voix des personnages?

La musique a été crée par Tobias Lilja. Un concepteur sonore (sound designer) et compositeur de musique suédois actif depuis 2001. En tant qu'artiste solo, il a sorti quatre albums, chacun explorant différentes facettes de la musique électronique. Il est spécialisé dans les musiques de jeu de vidéo. Il est très connu et respecté dans ce domaine. Il a fait aussi tout les effets sonores dans le film, notamment le bruitage, le soud design en général. Ce fut un plaisir de travailler avec lui. Il a travaillé en fait sur un jeu que j'aime bien dont j'ai aimé la musique. On s'est dit qu'on allait le contacter car on n'a rien à perdre. On lui a présenté le projet et il accepté. C'était franchement très fluide. Sur le plan professionnel c'est quelqu'un qui a de l'expérience et qui est à fond dedans. En terme de voix, l'artiste principal est la chanteuse et actrice Dima Torkan, elle n'est plus à présenter car son papa Larbi Torkan a travaillé beaucoup sur les dessins animés avec lesquels on a grandi. Il possède une vielle boite qui a cette tradition de doubler les dessins animés. Elle est installée au Moyen Orient. Dima Torkan a fait les trois voix, c'est-à-dire Adi, la maman et Tidar. Elle est très douée. Je rajouterai un mot sur Kamel Zakour, le directeur artistique du film, qui a fait aussi les beaux arts. Il est extrêmement talentueux. J'ai eu la chance de travailler avec lui sur ce film. Il connait bien le désert, il était notre guide sur les concepts «art». Si ce film a ce look là, c'est grâce à lui aussi.

Quels sont vos projets aujourd'hui, et pensez- vous continuer dans la voie de l'animation ou passer au cinéma fiction classique?

L'animation est un domaine qui nous passionne donc on espère continuer dans ce sens. On ne fait pas ça pour atteindre un but lucratif ou autre. Je pense, on espère en tout cas, qu'on va continuer. Khamsa était pour nous une sorte de test. On a commencé avec rien, on ne savait pas comment fabriquer un film d'animation. Avec cette expérience et les contacts qu'on s'est fait avec des distributeurs notamment, là je pense qu'on a une base plus solide pour faire quelque chose de mieux.

O. HIND



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