Il est architecte, affable et très courtois. Il m'apostropha d'emblée, à l'effet
d'éviter de lui parler d'histoire, de révolution ou de politique. L'entretien
se limiterait donc au métier de l'architecture, au Conseil de l'Ordre et aux
situations qui le caractérisent. Curiosité oblige, opiniâtreté journalistique
aidant, il a pu quand bien même, à ma résolution, me confier, à petits mots : «
Si je n'appartiens à aucune organisation politique, c'est pour pouvoir
apprécier le menu complet, et ne pas me distinguer de l'autre. Il y a la
certitude que diviser c'est mieux régner, moi, je préfère l'union et l'union
qui fait la force ».
Le Quotidien d'Oran : Vous êtes à la tête du Conseil de l'Ordre national
des architectes depuis décembre 2008. Quel constat aviez-vous fait à la prise
de vos charges en qualité de président ?
Khaled Benboulaïd : J'avais une idée de la partie apparente de nos
problèmes, soit de tous ceux liés à tous mes collègues architectes, et je ne
prévoyais pas me contenter de faire de la figuration passive, mais plutôt
accomplir une lourde mission … comment, contre qui et quoi ? C'est jouable, me
disais-je. Mais avec qui ? C'était la vraie équation. Après la décantation
déterminant qui est qui, une équipe s'est distinguée (le bureau dont : Madame
Ouada, secrétaire générale, Monsieur Loucif, trésorier, Monsieur Dob, membre
résolu, déterminé et honnête, en plus d'une secrétaire permanente et d'un
administrateur qualifié), déjà une condition réglementaire suffisante à
confirmer que l'Ordre est en état de fonctionner et s'attelle à la besogne.
Nous attaquons la partie cachée.
Q.O.: Comme chaque corporation professionnelle, l'Ordre des architectes
n'est pas épargné de crises organiques, de conflits de représentativité ou de
guerre de communiqués. De quelle nature sont ces écueils, si évidemment leur
existence est à constater ?
K. B.: C'est vrai que le schéma des divergences se ressemble à travers la
plupart des corporations professionnelles, nous n'en sommes pas épargnés
malheureusement. Pour la boutade, c'est le mauvais sort!
Mon diagnostic aujourd'hui révèle
un acharnement par un groupe, tous anciens de la corporation, à demeurer :
représentants, décideurs et au dessus des textes, sans comptes à rendre à
personne.
J'explique : par un règlement
intérieur confectionné sur mesure, avec l'assurance et les préparatifs
minutieux de maîtrise, où seuls les élus des conseils locaux sont éligibles au
Conseil national, présidents ou responsables des conseils locaux, membres du
Conseil national par là même, à ce moment, qui contrôle qui ? (juge et partie).
La question est de savoir comment
moi j'ai atterri là ? À croire que je ne cadrais pas dans les apparences
trompeuses. Eh bien tant mieux, c'est le mektoub de tous ces architectes qui
pour la plupart ont perdu confiance et espoir.
Q.O.: Quelles sont les principales actions entreprises sous votre
présidence ? Et quels effets ont-elles induit sur la pratique du métier
d'architecte ?
K. B.: Je reviens au diagnostic : à la création de l'Ordre, il y a seize
ans déjà, nous étions seize conseils locaux (régionaux), et ça ne fonctionnait
pas déjà, pour les distances, d'une part, et les querelles régionales, d'autre
part, et au lieu de remédier à cette situation, ils l'ont compliquée en passant
à sept conseils locaux (régionaux). A quelles fins ? L'argent et le pouvoir.
Pour sept à huit mille
architectes cotisant (8000.00 D.A.) par année chacun, à diviser en sept
régions, sans comptes à rendre à personne c'est tentant à qui veut bien.
L'équipe du Conseil national,
avec qui nous assumons notre programme (communication et assainissement),
s'attelle, avec l'aide précieuse de tous les architectes, à remédier à tous les
maux qui ont bloqué l'évolution positive de notre institution. En ayant réglé
les conflits des instances parallèles qui existaient avant nous, en corrigeant
les textes qui nous régissent, en libérant un conseil local par wilaya, en
contrôlant l'éligibilité à l'exercice de notre profession (documents
infalsifiables à code barre vérifiables à tous moments), en imposant les
contrôles utiles et réglementaires de toutes les instances, nous avons
introduit la proposition de réévaluation de nos honoraires de maîtrise d'Å“uvre.
Ainsi, l'architecte pourra libérer son génie à s'exprimer pour l'art et non le
salaire. Nous avons domicilié le Conseil national à une adresse décente, le
vrai siège, accessible, tel Internet, site officiel, nouvelle charte graphique,
édition d'un tableau national après seulement une année d'exercice (un tableau
en 14 ans avant nous ), réapparition de l'Algérie sur les podiums
internationaux (sans payer les lourds arriérés). Dans l'assainissement, nous
sommes passés de 8.000 et quelques architectes pratiquant de façon douteuse à
4.296 inscrits de façon très régulière au tableau national. Et pendant que nous
poursuivrons notre mission, la justice prendra le relai.
Q.O.: Il n'échappe à personne que nos villes sont mal dessinées. Nos
cités se ressemblent. Nos habitations, infrastructures et structures de base
aussi, à quelques rares exceptions. Pourquoi ce manque d'innovation ? Avez-vous
le crayon lié ? Etes-vous associé, en tant qu'Ordre à l'initiation des lois et
règlements relatifs à la construction, l'urbanisme, le cadre de vie, etc. ?
K. B.: Le constat de monotonie dans notre bâti n'a échappé à personne
jusque-là, encore moins à notre président de la République, il a lui-même
recommandé le virage vers la qualité , mais ce changement doit s'opérer d‘abord
à l'université où il faut rehausser la qualité et le contenu des programmes
pédagogiques en les synchronisant avec les orientations du Conseil de l'Ordre,
réglementer la réalisation et le statut des spécialités du bâtiment, toujours
en observation des orientations du Conseil de l'Ordre, voire même à réviser les
programmes fonctionnels selon les orientations du Conseil de l'Ordre,
répertorier le détail architectural, local, régional, national, références de
notre patrimoine et bases de notre éventuel futur, pour le cahier de charges
approprié, contraignant automatiquement à mieux. D'un autre côté, le challenge
entre maître d'ouvrage et maître d'Å“uvre, perdu d'avance par l'architecte,
devra cesser. Nos prédécesseurs ayant subi la réglementation subjective et
l'ingérence des responsables n'ont rien pu faire jusque-là, mais aujourd'hui,
notre tutelle nous ouvre des portes avec réserves, et nous avec de la maturité,
et avec tact comme nous l'ont appris nos anciens, nous arracherons
tranquillement nos droits. Il y va de soi que c'est là non seulement une
revendication mais une ouverture cohérente vers le cadre bâti espéré, résultant
d'un savoir libre et certain, déliant ainsi nos crayons, l'archicad, l'autocad,
etc., évidemment.
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Posté Le : 06/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com