Khaled Amraoui* à InfoSoir

InfoSoir : Peut-on connaître votre opinion sur le rôle de la presse en général '
M. K. Amraoui : La presse, écrite ou audiovisuelle est l'agora des temps modernes, le lieu de concentration démocratique par excellence même si, ici ou là, on conteste ses vertus cardinales, et ses débats outranciers. Il ne fait aucun doute que, chez nous par exemple, un grand chemin a été parcouru. A peine tolérée il y a quelques années, la presse écrite algérienne dispose d'une légitimité et d'une visibilité que nombre de pays lui envient. Creuset constant du bouillonnement intellectuel, elle manifeste, malgré tous les aléas, une relative santé. Chaque organe est devenu une entreprise privée d'opinion qui défend une opinion relative aux grands enjeux sociopolitiques du moment. Le pluralisme des idées et des opinions trace son sillon. Toute entrave au libre exercice du métier d'informer, et donc à l'accès à l'information, est considérée comme une atteinte aux libertés fondamentales du citoyen'
Mais il y a ce journalisme qui se transforme en ordonnateur du réel, confondant son rôle avec celui de fabricant d'information.
Lorsque le journaliste, observateur averti de la réalité, et acteur critique de l'espace public, se transforme en ordonnateur du réel comme vous le dites, confondant ainsi son rôle avec celui de fabricant d'information, on peut dire qu'il y a péril en la demeure. Prenons l'exemple de cette chaîne parasitaire, El Jazeera.
Vous avez suivi comme nous, je dirais son dernier ratage à l'encontre de notre pays. Dans ce cas, l'absence de réserve et de respect des règles d'éthique, comme nous venons de l'observer dans ce pitoyable discours, ne peut être que préjudiciable aux règles déontologiques élémentaires.
Puisqu'il s'agit de notre pays, doit-on dire que cette chaîne de télévision tente d'influencer et de diriger l'opinion publique à la veille d'une échéance électorale '
Plus grave encore, cette chaîne satellitaire ne fait pas uniquement dans l'influence. La quête au scoop, la surenchère dans les titres et les sujets à débattre pour retenir l'attention, ont pour but d'accentuer le climat délétère d'hostilité et de violence en participant à la déstabilisation des esprits et de porter atteinte au processus démocratique irréversible, instauré dans notre pays. Cette chaîne constitue un danger pour le monde arabe en général, les pays du Maghreb en particulier. Derrière la polysémie des mots et l'invective des discours, se dessinent clairement d'autres combats douteux et d'autres violences verbales auxquels il faut faire attention. Le seul tournant qui vaille la peine d'être pris chez nous, est celui de l'ouverture du champ médiatique pour contrer les chaines parasitaires. Sinon, le retard pris sera irréversible. En repartant à l'inverse, le balancier ne calmera pas les esprits.
*Politologue. Université de Cambridge aux USA