Moussaoui Abderrahmane, maître de conférences à l’IDEMEC d’Aix En Provence, rapporte que, selon Ibn Abdessalam Annaciri, Kenadsa était connue sous le nom de ‘La`wîna’. Et ce n’est qu’avec la venue du Saint Sidi M’hammed ben Bouziane que ce ksar changea de nom pour s’appeler désormais Kenadsa. Par Ahmed Messaoudi
Dans quelle mesure le lien phonétique qu’établit la mémoire locale entre le dialectal gandûz (élève) et Kenadsa , justifierait-il le sens que les habitants n’hésitent pas à donner au toponyme Kenadsa? Un pluriel, disent-ils, de gandûz (ganâdiza). Appuyant ses allégations par des références étymologiques puisées dans le monumental dictionnaire d’az-Zubaydî: Tâjal-`arûs, Merzak, quant à lui, estime vraisemblable que l’appellation Kenadsa soit en rapport avec la qualité de son illustre hôte, le saint Sîdî M’hammad ben Bouziane. Car en arabe classique, constate-t-il, qandasa et taqandasa, veulent dire faire acte de pénitence, et par extension, épouser la voie du taçawwuf. En nous attardant de la sorte sur un toponyme, nous ne voulons pas sacrifier à un quelconque rituel, ni céder à un simple plaisir d’érudition.
La question est importante parce qu’elle révèle le changement fondamental dans la « fonction urbaine » principale, comme on aurait dit aujourd’hui. En effet, d’une simple étape caravanière, Kenadsa devient un foyer culturel structurant. A cette fonction principale, s’y adjoindront bientôt d’autres, économiques celles-là, pour faire du modeste ksar de départ, un centre relais incontournable. Ceci explique et justifie amplement l’avènement de ce toponyme qui particularisera le ksar, le tirant de l’anonymat où le reléguait une appellation si commune dans ces régions.
En effet, le toponyme ‘La`wîna’, petite source, n’a rien d’original dans une contrée où la rareté de l’eau élève celle-ci au rang de valeur sémiologique. C’est un nom… commun dans un pays où la toponymie est essentiellement hydraulique. ‘Ayn’ (source), ‘hâsî’ (puits), ‘wâd’ (rivière), précèdent souvent les noms des localités dans l’ensemble du Maghreb. Kenadsa devient alors ce nom propre qui désormais distingue une localité des autres. Comme tous les noms propres, il a pour fonction essentielle, de singulariser. C’est ainsi que notre localité, tout en obéissant aux invariants commandés par l’écosystème, se distingue, à beaucoup d’égards, du reste des ksour.
La venue du saint et la fondation de sa zâwiya vont influer considérablement sur le mode d’organisation de son espace. Cependant, cette distinction se veut signifiante d’une appartenance à une matrice. Ici, tous les récits recueillis en ce qui concerne la toponymie du lieu, qu’ils soient écrits ou oraux, établissent un lien entre Kenadsa et le `ilm’ (science religieuse) ou la spiritualité. La mémoire n’attribue au vocable Kenadsa que des sens relevant de la science religieuse, donc du sacré.
De tous les ksour répertoriés dans la wilaya de Béchar, le Ksar de Kénadsa est de loin le plus représentatif du type d’architecture adaptée aux conditions climatiques arides de la région du sud algérien. Ses ruelles tortueuses et étroites sont couvertes pour garder la fraicheur en été. Isabelle Iberhard, qui passa quatre mois dans la zaouia, formula une impression paradisiaque sur les lieux : «Des ruelles ombragées sous lesquelles on entend ruisseler l’eau sans la voir…». Les maisons ont presque toutes un but utilitaire puisque le rez-de-chaussée abrite la famille et le premier est réservé à la mansouria, sorte d’habitation durant les nuits chaudes de l’été et d’abri des bêtes domestiques, «beit chièh».
Le ksar de Kenadsa doit son originalité à la zaouia Kendoussia. Depuis sa fondation par Sidi M’Hamed ben Abderrahmane ben Abu Ziane , connu sous le non de ben Bouziane, la zaouia de Kenadsa fut un pôle de rayonnement du savoir dans la région du sud-ouest, un lieu de réconciliation et de règlement de différends entre les tribus avoisinantes et un refuge pour les fuyards pour un délit quelconque.
Son fondateur, Sidi M’Hamed ben Abderrahmane ben abu Ziane, communément appelé Ben Bouzianeb, est né vers la seconde moitié du XVIIe siècle, dans une famille chérifienne vivant à l’embouchure de l’oued Daraâ. Certaines sources font un étalage détaillé de sa vie et plus particulièrement l’écrit de Mustapha ben Hadj Bachir, intitulé « Taharat el anfasse oua el arwah el jousmaniah fi tarika chadilia ziania ».
A la mort de son père, le cheikh M’Hamed ben Abu Ziane quitta le ksar de Téhata, dans les environs de Kenadsa, et se dirigea vers la zaouia de Tafilalet, lieu de résidence du cheikh Abu Bakr Benazza, grand propagateur de la Tarika Chadlia. Ce cheikh lui enseigna le Coran et les fondements de la Tarika Chadilia. Selon l’écrit « El mourabitoun wa l’ikhouan », il eut pour autre initiateur Cheikh Mébarek ben Abdelaziz. Son initiation terminée, il se déplaça à Fez suite aux conseils de ses précepteurs. Il y demeura huit ans comme élève de grands ulémas de l’époque, tels l’imam Mohammed ben Abdelkader El Fassi, Cheikh Soussi et son cousin Mohammed ben Ahmed El Fassi, Abu Mohammed Abdeslam ben Ahmed Jassous El Fassi et Ahmed ben Larbi connu sous le nom d’ibn El Hadj El Fassi entre autres.
Après sa pérégrination entre Tafilalet et Fez, il entreprit un voyage vers les Lieux Saints de l’Islam pour accomplir le pèlerinage. Sur le chemin du retour, il visita le Caire, Tripoli et Tunis où il fut entouré par de nombreux demandeurs du savoir. Il rentra par la suite chez lui et il entreprit la construction de la zaouia autour de laquelle s’érigea le ksar de Kenadsa. Le rayonnement de ce lieu de culte et de savoir se répandit sur la région et devint un pôle d’attraction pour des visiteurs venus de toute part, les uns à la quête du savoir, les autres pour régler leurs différends. Selon les sources de la zaouia Ziania, Sidi M’Hamed ibn Abderrahmane ben Abu Ziane est le 37e dans l’ordre des Cheikhs de la Tarika Chadilia fondée par Abou El Hassen Chadli au lieudit Chadla, situé aux environs de Tunis, et qui s’est fixé au Caire jusqu’à sa mort.
Cheikh M’Hammed ben Abderrahmane ben Abu Ziane mourut au mois de Ramadhan de l’an 1145 hégirien, correspondant à l’an 1733 grégorien. Il est enterré dans la vieille mosquée du Ksar.
Selon Sidi Abderrahmane Laâredj, Cheikh de la zaouia de Kenadsa à l’époque, la bibliothèque de la zaouia de Kenadsa renfermait 3.000 manuscrits en 1950. Il y avait aussi un astrolabe, ce qui porte à croire que l’astronomie, science qui étudie les astres de l’Univers, tels que les planètes et leurs satellites, les comètes, les astéroïdes, les étoiles, ou encore les galaxies, était étudiée dans la zaouia de Sidi M’hammed ben Abu Ziane à Kenadsa.
A.M.
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Posté Le : 25/07/2015
Posté par : mortada