Kateb Yacine ou l'épopée d'un écrivain d'exception

Réalisé par Taghzout Ghezali, ce documentaire retrace le parcours fascinant de l'auteur de "Nedjma" à travers des témoignages de ses proches, ainsi que par des images et des vidéos d'archives.Homme de théâtre, romancier, poète, militant...voilà les multiples casquettes connues et reconnues de Kateb Yacine. Qu'en est-il de sa personnalité, de son humilité, de sa générosité et de sa timidité ' Ces vertus qui font son humanité et de l'auteur de Nedjma un homme d'exception sont évoquées d'une manière poétique et intimiste dans le documentaire Des hommes libres de Taghzout Ghezali.
Dans ce film de 65 minutes, dont la sortie est prévue au printemps 2021, la réalisatrice, aux côtés de son époux Amazigh Kateb (leader du groupe Gnawa Diffusion, fils de l'écrivain), part à la rencontre des proches de l'"agitateur". De Sétif à Alger, puis à Paris, un grand nombre de témoignages tendres, sincères et bouleversants sont livrés à c?ur ouvert face à la caméra.
Parmi ces protagonistes ayant connu de près ou de loin Kateb Yacine, nous pouvons citer sa s?ur Fadila, Merzouk Hamiane (comédien), Dahmane Ikariouen (comédien-musicien), Salim Bensdira (metteur en scène), le jeune poète Sofiane Baroudi ou encore le réalisateur Kamel Dahane. Outre ces rencontres, le film est appuyé par des images d'archives entre vidéos et images.
D'ailleurs, dès les premières secondes, nous sommes d'emblée propulsés dans l'univers katébien, où nous découvrons une lecture du Cadavre encerclé par un autre monstre de la culture algérienne, en l'occurrence l'artiste Mohamed Issiakhem.
À propos de ces images, la réalisatrice nous a indiqué que "la quête d'archives a commencé dans le cercle familial où j'ai découvert les premières archives de Kateb Yacine. Amazigh étant le légataire universel, il m'a donné accès à la totalité de ses archives (textes et photos)".
Et de poursuivre : "Quant aux archives vidéographiques, cela a été plus compliqué, notamment pour des questions de droits. Néanmoins, et contre toute attente, j'ai pu acheter les droits de diffusion de certaines images à l'Entreprise publique de télévision algérienne."
Pour revenir à ce documentaire, Des hommes libres revient sur le parcours du poète, depuis son adolescence jusqu'à son décès en 1989. Evoquant des aspects personnels de ce personnage, les protagonistes font revivre l'auteur de Mohamed prends ta valise tel un phénix qui renaît de ses cendres. Au sujet du combat indéfectible pour la cause algérienne, Fadila Kateb a insisté sur le fait que "la révolution était en lui ; il a commencé à écrire dans la tragédie.
Il s'est battu toute sa vie pour son peuple, il était relié à tous les peuples opprimés". Dans ce road-movie dans lequel Amazigh part sur "les traces de ses ancêtres", nous découvrons diverses anecdotes sur l'enfance du "rebelle", qui se nourrissait de "sa maman, une artiste complète, une grande femme de culture", son expérience à l'école, mais aussi un aperçu sur cette jeunesse confisquée qui a donné naissance à ce symbole de la littérature.
"Il n'a jamais eu 20 ans. Il était toujours dans la lutte pour survivre", confie avec émotion sa s?ur. Par ailleurs, pour narrer cette "épopée", le film est accompagné par une voix off, celle de Kateb extraite de vidéos d'archives, qui donne plus de justesse et d'ampleur au long-métrage. Tout au long de ces 66 minutes, sont abordés son combat politique à travers la poésie, sa relation et "communion" avec les émigrés, son apport et son expérience au théâtre, un "théâtre politique, d'éveil des consciences"...
Cet intellectuel, dont la voix résonne encore aujourd'hui et dont le combat est toujours d'actualité, était d'"une énergie pure", "son grand pouvoir, sa lumière", a livré Amazigh. Des hommes libres est absolument à voir pour découvrir ou redécouvrir ce symbole de liberté.
Pour la réalisation du documentaire, la réalisatrice est remontée aux sources et lieux qui ont vu naître et forgé ce monstre de la littérature. "je suis retournée à la source, et avec Amazigh, nous sommes partis sur les traces de son père, de Bougâa, Sétif et Birbouhouch à Alger, en passant par Paris.
Découvrant des lieux où il a vécu ou qu'il a fréquentés, rencontrant ceux qui l'ont connu de près et ceux qui ? comme moi ? ne l'ont pas connu mais dont il a estampillé la pensée, même après son départ. Malheureusement, les moyens limités dont je dispose ne m'ont pas permis d'interviewer toutes les personnes que je voulais faire témoigner, notamment Hans, le fils aîné de Kateb Yacine, et certains spécialistes de ses ?uvres.
J'ai donc essayé de reconstruire un bref récit de sa vie à travers les témoignages de ses proches, de ses amis et admirateurs et de quelques archives. Le tournage de ce documentaire, qui a débuté en mars 2019, a été une sacrée aventure humaine, pleine d'émotions, de découvertes et de belles histoires", raconte Taghzout Ghezali.

Hana M.