Algérie

Karim Younès. Ancien président de l’APN au Soir d’Algérie: «Je garde intacte l’envie de me battre pour mes idées»



Karim Younès. Ancien président de l’APN au Soir d’Algérie: «Je garde intacte l’envie de me battre pour mes idées»




Entretien réalisé par Kamel Amarni

Parmi les séances de vente-dédicace qui ont eu lieu au SILA, celle organisée par Karim Younès, lundi dernier, aura certainement été celle qui a attiré la grande foule. Cela s’explique aisément: le public algérien n’a pas l’habitude de voir ses hommes politiques, ceux qui ont exercé de hautes responsabilités de surcroît, s’adonner à l’exercice si exigeant de l’écriture. Aussi, et à la veille d’échéances politiques cruciales pour le pays, le témoignage d’un ancien président de l’APN, ancien ministre et ancien responsable du FLN ne laisse pas du tout indifférent. Le concerné s’explique sur tout cela.

- Le Soir d’Algérie : La vente-dédicace de votre dernier livre a attiré bien du monde. Est-ce l’homme politique ou l’écrivain qui a suscité tout cet intérêt?

Karim Younès : La présence d’un lectorat, des militants politiques mais aussi des universitaires, des professeurs et des étudiants, des professions libérales venus en très grand nombre, ou encore de simples citoyens connus ou anonymes, me rend heureux et conforté. Cette présence délivre un message : le Livre a toujours ses adeptes dans notre pays. L’écriture est un espace de liberté, un acte de liberté avant tout. J’y ai élu domicile. Je m’exprimerai sur ce que je sais, sur ce que j’en pense. C’est aussi un moment de paix où l’on construit quelque chose. On laisse une trace de son passage, un témoignage de son époque…

- Vous en êtes à votre deuxième publication en quelques mois. Qu’est-ce qui motive, chez vous, l’homme politique, ce besoin de se consacrer à l’écriture, sur l’histoire de notre pays en particulier?

Le moment de l’écriture est venu pour moi tant j’ai ressenti le besoin de m’exprimer sur certains sujets qui me tiennent à cœur et par devoir pour ceux qui s’intéressent à mon propos, aux problématiques développées. Et l’écriture est un cadre stratégique d’expression qui s’offre à moi. Je suis, vous êtes, nous sommes les fils de l’accouchement le plus prometteur mais également le plus tragique de l’histoire de notre pays. Et cet accouchement a pu être rendu possible grâce à la fécondation porteuse qu’a réalisée Novembre 1954. Nous avons eu la chance d’en être les contemporains, d’abord victimes, puis témoins et enfin dans mon cas acteur anonyme puis privilégié. Nous avons le devoir, la responsabilité historique particulière de témoigner. Jamais à chaud pour des raisons évidentes, mais dès que les circonstances vous permettent d’opérer avec le recul nécessaire. Ce moment-là est venu pour moi.

- Il s’agit d’un livre-témoignage, alors? Une sorte de mémoires d’un témoin privilégié?

Au Portes de l’avenir, 20 siècles de Résistance, 50 ans d’indépendance, est un livre, loin de prétendre être un long cours sur l’histoire ancienne ou même contemporaine de notre pays, est une rétrospective historique nécessaire qui aide à instruire une lecture et une analyse des caractéristiques principales des différentes étapes de la trajectoire de développement économique de l’Algérie d’après-indépendance.

Il s’agit donc d’un récit historique orné d’une réflexion délibérément proactive sur notre passé. Il s’agit aussi de dresser un bilan de 50 ans d’indépendance, d’identifier nos succès mais aussi, et nous avons le droit de le faire, de crier notre colère sur ce qui n’a pas marché.

Notre pays aurait pu aujourd’hui rivaliser avec la Turquie, l’Espagne, l’Irlande, la Corée du Sud, et bien d’autres encore, ce sont des exemples frappants. La connaissance de notre passé lointain ou récent du point de vue politique et moral est fondamentale. On ne bâtit pas une vision politique sans l’inscrire dans l’Histoire.

Nous ne pouvons pas inventer demain sans avoir fait le point sur hier et aujourd’hui. Nous ne pouvons pas nous développer en ignorant notre passé car, l’Histoire est un perpétuel recommencement.

- C’est finalement, aussi, un livre-rupture dans la mesure où vous n’épargnez pas votre parti, le FLN.

Oui, je cultive un esprit libre, libéré des carcans organiques et mon seul souci est le devenir de notre pays. Vous savez, dans toute trajectoire politique, il y a une logique des événements. Il suffit simplement de faire la lecture adéquate et en tirer les enseignements. Mais je garde toujours intacte, en permanence, l’envie de me battre pour les idées auxquelles je crois, de participer à la réalisation du projet d’une Algérie plus juste, plus équitable, plus équilibrée. Par l’écriture, j’ouvre une fenêtre sur la société pour examiner les problèmes dont elle souffre, et de proposer des solutions pour améliorer son fonctionnement. C’est surtout cela, le sens à donner à la politique à mon sens. Ou si vous voulez faire de la politique autrement que par l’organisation archaïque et archaïsante des structures devenues obsolètes en ce siècle des innovations. L’écriture, je le dis encore une fois, est un cadre stratégique d’expression qui s’est offert à moi.
La modestie doit être la valeur morale première de tout engagement à servir son pays, son peuple. Modestie et humilité doivent être les maîtres mots qui doivent guider en permanence l’action militante.

K. A.



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