Algérie

Karim Keïta, «fils de» entraîné dans la chute d'IBK



Surnommé affectueusement «Katio», c'est-à-dire «petit Karim» en langue locale, ou «Kim Jung 2», Karim Keïta, visé par un mandat d'arrêt international, était omniprésent dans le monde politique et des affaires au Mali jusqu'à la chute en 2020 de son père, le président Ibrahim Boubacar Keïta. La justicemalienne réclame que Karim Keïta,
42 ans, «vienne s'expliquer» sur la disparition en 2016 d'un journaliste d'investigation, Birama Touré, qui aurait été en possession de dossiers compromettants pour le fils aîné du président. En Côte d'Ivoire depuis le putsch du 18 août 2020 qui a renversé son père, réélu deux ans auparavant malgré la crise sécuritaire, sociale et économique au Mali, Karim Keïta a toujours fermement démenti toute implication dans cette disparition. Son sort dépend à présent des autorités ivoiriennes, qui doivent décider si elles mettent à exécution le mandat d'arrêt international délivré lundi par un juge de Bamako. «Sans Karim, je n'aurais jamais été élu», confiait son père, dit «IBK», en 2013, l'année de son accession au pouvoir. Cette même année, Karim était élu député, en dépit, dit-il, des réticences du nouveau président. «Son père est son modèle et sa première légitimité. Il le savait et en jouait. Tout le monde se mettait au garde-à-vous devant lui du temps d'IBK», explique le sociologue Mohamed Amara Diallo, selon qui «le père adorait également le fils».
Mais le pouvoir de Karim Keïta, président de la puissante commission de la Défense et de la Sécurité de l'Assemblée nationale, pouvait irriter jusqu'aux chefs d'Etat étrangers. Lors d'un sommet de l'organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), le président français Emmanuel Macron a fait part du «problème Karim» à son homologue malien, s'agaçant de son omniprésence, un facteur selon lui de l'impopularité de son père, ont indiqué plusieurs sources diplomatiques maliennes et étrangères. Quelques mois plus tard, «IBK» répondait publiquement que ce n'est pas parce qu'il est son fils que Karim a «moins de droits que les autres Maliens». Karim Keïta a toujours cherché à s'affranchir de son image d'affairiste. «On me met tout sur le dos. Certains arnaquent en mon nom», a-t-il confié un jour. Né en France, Karim Keïta a vécu une partie de son enfance à Bamako, avant de passer son bac à Bruxelles puis d'étudier l'économie au Canada. En 2008, deux ans après son retour au Mali, il monte sa société de location de véhicules puis dirige un cabinet de conseil aux entreprises. Alors que son père enchaîne les postes de haut fonctionnaire, ministre, Premier ministre et président de l'Assemblée nationale, Karim reste dans l'ombre. Mais après le coup d'Etat de 2012 contre le président Amadou Toumani Touré, il prend langue avec les putschistes, oeuvrant en coulisses pour faciliter la transmission du pouvoir à son père un an plus tard à l'issue d'élections. Elu député, il se montre de plus en plus visible aux côtés de son père, multiplie les visites de terrain, réveillonne avec les troupes ou interpelle les ministres à l'Assemblée. On le voit aussi assister, radieux, à une parade des nouveaux hélicoptères acquis par l'armée. Quand ceux-ci s'avèrent défectueux, il déclare que le Mali a «peut-être été floué», mais une partie de l'opinion soupçonne plutôt des détournements lors de la passation du marché public.
Niant profiter de sa situation pour s'enrichir, Karim Keïta gagne l'image d'un homme d'affaires prospère, généreux avec les oeuvres de bienfaisance. Mais avec sa réputation de bon vivant, ses larges lunettes de soleil et ses nombreux voyages, il finit aussi par personnaliser aux yeux de certains Maliens les travers d'un régime de plus en plus contesté.
En juillet 2020, alors que la colère populaire gronde, de vieilles vidéos surgissent sur Internet, le montrant au milieu d'une fête joyeuse ou sur un yacht de luxe, en compagnie d'amis consommant des boissons alcoolisées et de jeunes femmes peu vêtues. S'il se défend une nouvelle fois de s'amuser aux frais de ses compatriotes, il démissionne de la présidence de la commission de la Défense en dénonçant un «délit de patronyme». «Rien ne m'aura été épargné», dit-il alors. Un mois plus tard, lorsqu'un groupe de colonels chasse son père du pouvoir, Karim disparaît pendant quelques jours, avant de refaire surface en Côte d'Ivoire.


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