Algérie

Kaouther Adimi : « Pour moi, Alger est une mine d’inspiration »



Kaouther Adimi : « Pour moi, Alger est une mine d’inspiration »
Le samedi 17 février 2018, la librairie l’Arbre à dires située au « 48 » boulevard Sidi Yahia à Alger a accueilli l’écrivain Kaouther Adimi pour une rencontre autour de son troisième roman « Nos richesses » paru aux éditions Barzakh en Algérie et aux éditions du Seuil en France en 2017.

« Un soir, Ryad, 20 ans, étudiant à Paris, arrive à Alger; il se rend au 2 bis de la rue Hamani, ex-Charras, avec les clés des Vraies richesses, minuscule librairie délabrée : sa mission est de faire place nette. Il s’y attelle sans état d’âme, lui que les livres indiffèrent, mais c’est compter sans le vieux Abdallah, gardien du temple, qui va progressivement l’initier à la magie du lieu.

Car Ryad ignore tout du passé de l’endroit – poumon de la vie culturelle dans l’Alger colonial des années 30-40 -, animé par Edmond Charlot, libraire et éditeur passionné, proche de Jean Sénac et de Jean El Mouhoub Amrouche et qui, entre autres, révélera le jeune Albert Camus », lit-on sur la quatrième de couverture des éditions Barzakh.

Journal d’Edmond Charlot :

A propos du journal (fictif) d’Edmond Charlot présent tout au long du roman, Kaouther Adimi a expliqué que, du fait de la destruction de la quasi-totalité de archives de l’éditeur lors du second plasticage par l’OAS de sa librairie « Rivages », elle n’avait trouvé que très peu de documentation. Pendant un an, elle a voyagé, entretenu des correspondances avec les amis et la famille d’Edmond Charlot, lu des biographies de personnes qui de près ou de loin l’ont connu, regardé des films, des documentaires et tenté de rassembler tous ces fragments en un ensemble cohérent. Elle a cependant assuré que tous les faits cités dans le journal étaient vérifiés et qu’elle n’avait fait que combler les vides en imaginant les réactions de Charlot face à quelques épisodes marquants.

Personnages :

Le personnage du jeune Ryad, Khaouther Adimi dit l’avoir volontairement fait inconsistant. Pour elle, il était important qu’il soit sans nostalgie pour la ville et sans amour pour les livres. « Je ne voulais pas de scénario holywoodien où le personnage refuse finalement de détruire la librairie en s’enchaînant à la porte », a-t-elle expliqué en riant. Avant d’ajouter : « Ryadh est amoureux, tout ce qui le sépare de Claire qu’il a laissée à Paris est une corvée pour lui ».

Concernant Abdellah, l’auteur a expliqué que le personnage du vieux constamment drapé dans son linceul pour « être enterré rapidement et n’embêter personne le jour de sa mort » était inspiré d’une rencontre faite à Alger quelques années auparavant. « Là encore, j’ai voulu un personnage qui ait un profond respect pour les livres et pour les lieux sans pour autant être un lecteur assidu. Un personnage qui n’est pas allé à l’école et qui a appris le français très tard me semblait plus crédible ».

Alger :

Alger, ville où elle a vécu jusqu’en 2009, Kaouther Adimi l’aime sous la pluie, sous un ciel gris. « J’en avais marre qu’on ne me parle que du soleil d’Alger, d’Alger la blanche, des palmiers et de la mer. J’avais envie de m’éloigner de ces clichés ». Elle a expliqué que son rapport à la ville avait changé au fil du temps. Elle en parle avec moins de colère, moins de véhémence que dans ses premiers romans. Elle a ajouté : « Pour moi, Alger est une mine d’inspiration. Peu importe l’endroit d’Alger que vous choisissez, il y a forcément quelque chose d’intéressant qui s’y est passé ou qui s’y passe sous vos yeux ».

17 Octobre 1961 :

Répondant à une question à propos du passage du livre qui relate les massacres du 17 Octobre 1961, Khaouther Adimi a expliqué : « J’ai utilisé un style frénétique, des phrases courtes et entrecoupées, sèches, violentes et la narration à la première personne du pluriel par des policiers français parce qu’il m’a semblé important de redonner leur place à ces massacres dans la mémoire collective, surtout française. Beaucoup ont oublié. Beaucoup ne savent pas ce qui s’y est passé. Beaucoup confondent encore entre le 17 Octobre 1961 et les manifestations de Charonne du 8 février 1962 malgré leurs ampleurs très différentes ».

Beaucoup d’autres thèmes ont été abordés pendant la rencontre. Des détails biographiques de la vie d’Edmond Charlot, les raisons qui l’ont empêché de s’intéresser davantage aux auteurs francophones algériens, les femmes dans l’oeuvre de Kaouther Adimi et la pudeur des sentiments et des corps qui transparaît de cette dernière. A ce propos, elle a dit en souriant : « Comme Lyes Salem le disait à propos de son film Mascarades, je veux peut être que mes livres puissent être lus par toute la famille ».


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