Kamel Messaoudi a, en quelques années de carrière musicale, créé un nouveau style de chaâbi destiné à un nouveau public. A son époque, il n'avait pas seulement défié des conservateurs de chaâbi, mais aussi des intégristes. Il a osé, risqué mais innové et puis s'est positionné à jamais. Il était simplement un phénomène à part entière. Hommage et témoignages.«Il vit pour chanter». C'est ainsi que Abdennour Tata, auteur compositeur qui l'a longuement côtoyé, préfère parler de Kamel Messaoudi aujourd'hui. 20 ans après. Kamel Messaoudi est décédé le 10 décembre 1998. On venait de le voir à la télévision, et quelques heures plus tard, de retour chez lui, le jeune chanteur est mort dans un accident de la route.
Comme beaucoup de chanteurs qui ont investi dans leur art, son ?uvre est toujours intacte. Et elle le sera encore pour de longues années. Immortelle même. Car il a su «créer son style», dit Hacen Ahras, chanteur kabyle qui l'a beaucoup côtoyé.
Il témoigne : «A côté du chaâbi d'El Anka, d'Ezzahi et d'El Ankis, Kamel Messaoudi s'est taillé une place à part et fait une place. Il se positionnait à l'aise. C'est du néo chaâbi. Aujourd'hui, nous avons un style chaâbi de Kamel Messoudi.
Pas facile de le reproduire. D'ailleurs, Kamel Cherchal, poète et parolier du défunt, préfère que les jeunes «chanteurs d'aujourd'hui créent leur style et ne pas tenter vainement d'imiter Kamel Messaoudi». Car ce dernier était simplement un «phénomène qui ne se reproduira plus». Et Cherchal de préciser : «L'art, c'est de ramener du nouveau. Et Kamel l'a brillement fait.» Il a simplement osé dans son style.
Un style qui avait pourtant ses conservateurs qui refusaient l'idée d'introduire du nouveau ou de toucher au patrimoine. Pour Kamel Cherchal, c'était un chanteur qui «aimait les défis». C'était, se rappelle Cherchal, celui qui a introduit le bendir et la zorna dans la chaâbi ! Pas facile d'y toucher. Il n'avait peur de rien, témoigne-t-il encore.
D'ailleurs il raconte l'histoire de la chanson Nebghi Tkouni Mestoura, une chanson qui avait fait polémique au moment où les intégristes imposaient leur loi sur le port du hidjab. Kamel Cherchal se souvient : «Il n'avait pas peur de la réaction du public.
Il a osé. Il aimait contredire les idées reçues et les préjugés.» Le public a finalement compris l'âme de la chanson qui ne versait surtout pas dans l'esprit de l'intégrisme. Son défi se résume aussi au fait de réussir à s'imposer au moment où le raï faisait fureur. C'était une voix qui parlait aux jeunes.
Kamel Messaoudi est simplement venu au bon moment. Au moment où ces jeunes cherchaient un refuge dans la musique et des paroles appropriées. Une noblesse. Ils se retrouvaient dans ses textes. Des paroles qui reflétaient leurs angoisses, peurs, désespoirs et inquiétude d'un avenir incertain.
Jeunes
Il comprenait le problème de ces jeunes. Une jeunesse meurtrie par les fléaux sociaux et surtout par le terrorisme. Un réconfort pour eux. Pour ceux qui le connaissaient, on disait de lui qu'il était «timide», mais, nuance, il était «percutant» et «tranchant» où moment où il fallait. Kamel Cherchal : «Il était très méticuleux et astucieux dans ses démarches artistiques.»
Avec ses compétences musicales et sa présence particulière sur scène, il a créé un nouveau public de chaâbi, dit encore le poète. Il est décédé à l'âge de 37 ans. Il est parti trô tôt. Lui qui avait des projets d'avenir dans son chant, des ambitions artistiques.
Avec Hacen Ahras, ils avaient rendez-vous au studio d'enregistrement pour sortir un album exclusivement en kabyle. Car il visait aussi le public kabyle. Hassen Ahras raconte «l'histoire d'amour» de Kamel avec son public kabyle. Le public qui avait déjà adopté à bras ouverts Dahmane El Harrachi était fan de Kamel Messoudi.
Durant les années de terrorisme, témoigne Hacen Ahres, Kamel se produisait à El Mougar, à El Harrach et un peu partout à Alger, mais il faut dire que les salles n'étaient pas combles. Il avait peur. «Mais Kamel Messouadi était surpris par les salles archi-combles lors de ses concerts à Tizi Ouzou.
Il a fini par être convaincu qu'il fallait s'adresser à eux en kabyle, une sorte d'hommage qu'il voulait leur rendre.» Le projet est lancé et Hacen Ahras écrit 7 chansons en kabyle pour le chanteur. Elles étaient toutes de Kamel, comme Chem3a ou autres avec les mélodies déjà chantées en arabe. Mais le destin a voulu que le chanteur décède 20 jours plus tôt.
Mais il est parti en star. Hacen Ahras dira : «Il a su faire la différence avec les autres avec ses techniques de voix et sa touche particulière.» Une touche qui s'est imposée même après sa mort. Car il y a bien des jeunes aujourd'hui, nés après sa mort, qui écoutent et admirent le chanteur.
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Posté Le : 14/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nassima Oulebsir
Source : www.elwatan.com