Algérie

Kamel Labidi. Journaliste, président de l'Inric : «Certains sont nostalgiques de la dictature»



Kamel Labidi. Journaliste, président de l'Inric : «Certains sont nostalgiques de la dictature»
Rencontré à Tunis en marge de la conférence organisée par l'Unesco à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Kamel Labidi, actuellement président de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (Inric),
revient dans cet entretien sur la situation de la presse en Tunisie. Il est journaliste, ancien consultant, ancien coordinateur du programme d'éducation aux droits de l'homme pour la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord à Amnesty International.
-Qu'est-ce qui a changé pour la presse tunisienne après la chute du régime de Ben Ali '
La plupart des lignes rouges ont disparu. La Tunisie était l'un des pays où la liberté de la presse n'existait presque pas. Nous nous demandions comment l'Algérie voisine, qui connaissait beaucoup plus dur et faisait face à beaucoup plus de problèmes en matière de sécurité et de problèmes socioéconomiques, offrait une marge de liberté supérieure à celle qui existait en Tunisie. Jamais les Tunisiens n'ont été aussi libres pour s'exprimer mais il y a encore des défis, c'est-à-dire que sans le cadre juridique approprié et qui soit protecteur de la liberté de la presse et des journalistes, la situation ne s'améliorera pas. Il s'agit pour la Tunisie, actuellement, de réformer les médias, surtout les médias publics, en se basant sur les normes internationales en matière de liberté d'expression et en s'inspirant des pays qui sont passés par cette phase de transition. Je parle des pays qui ont réussi à tourner la page de l'autoritarisme à l'image de l'Afrique du Sud, la Pologne, l'Espagne, le Chili et l'Argentine. Il s'agit pratiquement de prendre connaissance de ce qui a été fait dans ces pays en matière de réformes des médias.
-Toutefois, on a assisté ces derniers temps à des répressions à l'encontre des journalistes dans l'exercice de leur fonction. N'est-ce pas inquiétant '
Si c'est inquiétant. Ce qui est inquiétant, c'est que ceux qui ont perpétré des agressions contre les journalistes n'ont pas été arrêtés, n'ont pas été traînés devant les tribunaux pour répondre de ces crimes. Le 9 avril dernier, plusieurs journalistes ont été agressés, et ce, en plus des autres agressions et emprisonnements qui ont eu lieu dans le passé. Les Tunisiens sont convaincus qu'on ne peut pas faire de pas importants sur la voie de la démocratisation si on ne met pas un terme à l'emprisonnement des journalistes pour l'exercice de leur profession. La route qui mène à la démocratie est encore très longue. Il y a parmi les Tunisiens certains qui sont nostalgiques de la manière forte. Il y a des gens qui ne croient pas à cette liberté et se sentent mieux sous une dictature.
Ce qui est également inquiétant est cette hésitation de la part du nouveau pouvoir. Il y a des textes de loi qui sont conformes aux normes internationales organisant la profession journalistique et les médias audiovisuels et ils ont parus dans le Journal officiel depuis novembre dernier, mais le pouvoir hésite à les mettre en application. Il y a aussi des pressions sur les journalistes, surtout ceux qui sont dans les médias publics.
-Justement, croyez-vous qu'il y a une réelle volonté politique de la part du gouvernement actuel '
C'est-à-dire qu'il s'agit de traduire dans les faits ce que le président de la République a dit et ce que le chef du gouvernement ne cesse de répéter, à savoir que le fait que le pouvoir exerce une tutelle sur la profession journalistique est révolue. Je crois que le droit à la liberté de la presse, le droit à l'accès des journalistes à l'information va être inscrit dans la nouvelle Constitution, mais le combat pour la liberté de la presse est un combat continu. Même dans les pays démocratiques, il y a une vigilance continue car le prix de la démocratie et de la liberté d'expression est la vigilance. Nous espérons que la Tunisie continuera à faire des pas importants sur la voie de la démocratie. Je pense qu'aucun journaliste, aucun média et aucun patron de presse ne devrait être traîné devant une cour ou inquiété pour l'exercice de sa profession. Le travail du journaliste conforme aux normes de la profession ne devrait être sanctionné ni par une peine de prison ni par une amende.




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