Algérie

Kamel Daoud, la quadrature du cercle écrit


Kamel Daoud, la quadrature du cercle écrit
Le roman de Kamel Daoud vient relancer le débat sur l'écriture et son pouvoir. Au-delà de sa proposition esthétique, «Zabor ou les psaumes» vient rejoindre la réalité qui dépasse de loin la fiction. Là où l'?uvre fictionnelle audacieuse de l'écrivain Daoud, la réalité du débat sur cet écrivain électrique refait surface comme le ferait un sous-marin pour recharger ses batteries après un âpre combat mené sous l'onde marine.Dans «Zabor ou les psaumes», on parcoure un roman qui tourne en rond, mais détrompez-vous chers lecteurs le roman tourne en rond dans une spirale entretenue, clinique, voulue par l'auteur, cette spirale qui puise ses lignes fondamentales et son inspiration écrite dans les profondeurs de l'humanité est dans la logique esthétique de son auteur.
Il s'agit d'un écrivain, d'une sorte d'Aristophane cynique, qui se départit de son humour légendaire pour se fixer comme un anachorète obligé qui sauve le monde à huis-clos de son village d'Aboukir. Il est une sorte d'ermite sans âge qui possède le pouvoir étrange de sauver les vies misérables ancrées dans la tradition la plus obscure, dans les rituels les plus anciens, où la richesse possède ses propres règles dans le panurgisme limité à ce village.
L'écrivain Daoud qu'il faut considérer du point de vue de la proposition esthétique fait tourner son récit dans justement le caractère cyclique de sa biographie (autobiographie !') qu'il construit au fil de ces 328 pages d'un récit foisonnant d'une écriture à la poésie féconde, jamais ennuyeuse qui, de par son aspect délectable, nous laisse en haleine jusqu'au paroxysme d'une éloge de la folie qui, de par son aspect tonitruant, montre la sincérité de cet artiste qui dans ce livre nous donne à voir, à lire un roman honnête que l'on pourrait placer dans le premier roman.
Drôle de caprices chronologiques, ce roman est sans nul doute pour nous l'élaboration d'un écrit qui dépasse la polémique, comme si «Zabor ou les psaumes», venait ici nous dire entre les lignes que chaque écrivain possède en soi ses «1001 années de la nostalgie», il y a un peu de cela dans ce livre qui raconte un peu le monde et qui tourne en dérision la bigoterie, la tartuferie et la marche d'un monde qui est religieux sans être spirituel. Le père richissime, la mère répudiée, la tante Hadjer au nom Biblique qui devient la figure tutélaire et qui marque la pierre blanche de la condition féminine, les demi-frères qui veulent sa peau comme on en a voulu au prophète Youssef, la délicate notion du sang marqué du sceau religieux de l'égorgement... Kamel Daoud, offre sa «rédemption finale» qui égale, pendant le déroulé de l'écrit, une mégalomanie délicieuse à un «retour au fondement humain final» où il risque un peu sa peau quand certains lecteurs sont loin de l'avoir compris.
L'écrivain justement laisse un joli rôle à un imam facétieux et serein qui possède l'humour de le laisser vivre ses propres écritures pour le bien du placebo collectif. Peut-on avoir le culot de reprocher à un écrivain qui nous décrit, nous explicite le monde par des références et des outils de perceptions universelles en éliminant par exemple les éléments référentiels religieux. Le héros est farouchement peu religieux, il s'appelle Zabor, convoque des mythes chrétiens, il n'est pas circoncis, il est musulman sans l'être et n'est pas juif par ces détails qui font la différence. Nous avions dit plus haut que le roman tournait en rond justement dans cette spirale historique limitée à Zabor et à son entourage, à chaque «épisode» après quelques digressions formidables, l'auteur revient à bon escient à l'évolution de son personnage et des faits qui l'on construit dans un récit très bien écrit.
Cet anti «1001 nuits» réalisé et kidnappé par un homme nous livres les détails d'un village enfoncé dans le vent de sable et dans les rets poétiques d'une toile d'araignée qui tisse ses calligraphies dans le panurgisme d'un petit village de l'ouest algérien dont les limites dans le meilleur des cas sont faites d'arbres majestueux et qui, dans le plus mauvais, sont constitués de cactus épineux. Le lecteur appréciera.
Kamel Daoud, écrivain prolixe, résume en effet le monde, il n'est pas Shakespeare, mais il en possède la capacité d'observation et de rhétorique dans une écriture souvent alambiquée, mais jamais ennuyeuse. Le talent de cet écrivain redoutable dans tous les sens nous livre un très intéressant exercice de style qui n'aura sans doute pas de prix prestigieux, puisque son ?uvre s'étant cette fois limitée à un roman identifié à un microcosme précis, mérite toute l'attention d'un lecteur ouvert au monde justement car les paraboles et les allégories distribuées souvent dans de longs aphorismes nous laisse l'indulgence de reconnaître le talent indéniable de cet écrivain farouche de délier des phrasés extraordinaires sur des aspects à dimension humaine.
En effet, Kamel Daoud réussit le pari courageux de décliner une ?uvre esthétique pour magnifier, sublimer les moindres blessures narcissiques en ?uvre majeure. Là est le fondement de cette ?uvre qui marquera son temps, à lire à tout prix, pour le plaisir des contre-pieds qui nous annoncent la renaissance d'un écrivain à l'esthétique incontournable.
Kamel Daoud, «Zabor ou les psaumes», Roman, 328 page, éditions Barzakh, 1000 DA.
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