Publié le 03.01.2024 dans le Quotidien l’Expression
Dans le ciel de la littérature algérienne d'expression française, figurent des étoiles qui brillent, mais loin des caméras et des médias
Par Lounès Ghezali *
Leur ivresse pour l’art ne fonctionne qu’à travers l’idéal de la perfection, celui de vivre ce moment d’allégresse devant un travail bien fait, quitte à rester dans l’anonymat. Pour eux, la littérature est plus qu’un sentiment d’amour ou comme on dit, une passion, c’est une sorte d’union spirituelle dont le fonctionnement ne nécessite que du plaisir à ressentir devant une belle phrase écrite ou lue. L’émerveillement devant un poème reste leur seul fruit à récolter. Kamel Bencheikh est de ces poètes humbles, cachés, qui suit pourtant depuis longtemps le lacet ondulatoire de la littérature et de la poésie en particulier dans une régularité jamais démentie. La profondeur et la force de ses textes méritent pourtant un peu plus d’égards, appellent à un peu plus d’attention. Son verbe brasse divers genres allant de la poésie, le roman, l’essai ou la nouvelle. La poésie occupe toutefois une place privilégiée, pour ne pas dire plus. Cela se remarque dans ses nouvelles, dans son roman, « L’impasse » où souvent la poésie donne la mesure du déroulement de l’histoire racontée. Les transfigurations dans ses textes comme la promptitude de passer de la consternation vers l’espoir, de la douleur vers l’enchantement ne peuvent se faire que si on a le verbe lumineux du poète. Dans « La reddition de l’hiver », (les mots… dit-il, voilà la hantise du barde. Il adosse les mots les uns aux autres, il les tourmente, il les rudoie, il les maltraite et une fois qu’ils deviennent sages comme des images, il les étiquette et les harmonise). Kamel nous dit tout simplement que les mots quand ils obéissent, quand ils viennent de l’âme, ils nous renvoient du soleil. Ce texte, que domine la poésie, nous rappelle, dans un tas d’éléments, dans l’évocation de la mer ou dans le chant du printemps, « Les rets de l’oiseleur » de Tahar Djaout. On ressent un même univers mental qui voudrait dépasser les évidences d’un texte prosaïque pour en faire une poésie vivante. Deux poètes, amis de longue date, inspirés d’une même matrice, ayant partagé beaucoup de rêves communs. Deux âmes vivant sur les célestes rivages de la poésie, pour paraphraser Baudelaire. Dans « Là où tu me désaltère », Kamel « nous transporte à l’au-delà de notre perception, en un mot, à l’imaginaire », est-il écrit sur la quatrième page de la couverture. Dans ce recueil de poèmes édité chez les éditions Frantz Fanon, dont le dessin est l’œuvre d’un autre talentueux poète, Arezki Metref, la récurrence au corps nous donne la certitude que le rêve n’est jamais loin du réel. Ils cohabitent dans l’éclatement ou la cohérence, dans l’harmonie ou la violence. Sensible, épris de liberté, Kamel est à l’écoute des pulsations qui rythment ce monde que nous vivons. Un monde malheureusement déchiré par la haine, abandonnant dangereusement tout ce qui a fait la grandeur de l’humanité : la paix. Kamel écrit pour décrire, alerter, éclairer mais toujours des textes empreints de cette poésie belle, vive, humaine. Sa présence sur les réseaux sociaux avec sa verve poétique permanente, et surtout ses textes qui mettent à mal les évidences de la bêtise humaine, celles qui produisent souvent les horreurs, nous donnent la certitude et le bonheur que rien désormais chez ce poète ne semble arrêter les flots.
*romancier
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Posté Le : 04/01/2024
Posté par : rachids