Eblouissant comme nul autre durant l'année 2007, Ricardo Izecson Dos Santos Leite, dit Kakà, vient d'être primé comme 52e Ballon d'Or. Une belle consécration pour ce véritable pieu, dont l'admirable montée aux sommets aura été truffée d'embûches. Exception faite de tout ce qui fait sa beauté, de ce qui, à travers le temps, contribue à son essor, de ses moments mémorables et de son histoire dédaigneuse, le sport de haut niveau a un côté obscur. Un côté dans lequel la majorité de ses représ entants basculent inexorablement, dès lors qu'ils flirtent avec la gloire. L'esquiver n'est jamais une tâche aisée et seuls les plus méritants y parviennent. Ceux qui ont su tourner le dos aux plaisirs éphémères, à ses tentations perfides, ne sont malheureusement pas nombreux. Mais, n'en déplaise à ceux qui s'étranglent devant l'acuité crédule de la formule, ils existent, bel et bien. Portés par ce moteur immense qu'est la foi, ils bousculent des montagnes et réalisent des miracles. Le rapprochement est peut-être trivial, mais, en la personne de Kakà, un footballeur brésilien de 25 ans, au visage angélique, nous tenons la preuve symbolique. Issu d'une famille aisée et peu nombreuse, ce n'est pas dans les favelas, comme ce fut le cas de la plupart de ses compatriotes les plus illustres, que Kakà a appris à manier le cuir. Non, le fils de Bosco Izecson Pereira Leite, un ingénieur civil, et Simone Cristina Dos Santos Leite, professeur, n'est pas passé par l'itinéraire habituellement réservé aux démunis de la société brésilienne. Paradoxalement, il n'a pas souffert de cette anomalie, ce qui l'a perturbé c'est son physique transparent, qui ne l'avantageait guère. Surnommé «le Maigre» et aussi le «Cure-Dents», il traînait comme un boulet, pendant des années, son apparence chétive, rabougrie, faiblarde, courtaude, jugé non en adéquation avec le haut niveau. Naturellement, pour s'imposer au sein des équipes qu'il a côtoyées en étant jeune, le jeune Kakà a dû en baver. Son histoire sportive ne s'est, en effet, pas toujours déclinée en majuscules. Tenant difficilement sur ses jambes, il se voyait souvent laisser sur le banc au profit des joueurs plus costauds. Un inconvénient qui avait de quoi éteindre ses ambitions. Hormis la passion démesurée qu'il avait pour le ballon rond et un certain talent, il n'y avait pas grand-chose qui le prédestinait à devenir footballeur professionnel. Heureusement, un élément majeur a fait que Kakà a su s'accrocher. S'étant vu transmettre de vraies valeurs, il s'est, dès son plus jeune âge, distingué par une foi inébranlable. Sa croyance en Dieu lui a permis de se serrer les dents lorsque le mauvais sort semblait le guetter. Comme ce fut le cas à l'âge de douze ans, lorsque, en raison d'une effrayante chute à la piscine il se fait briser une vertèbre. Immobilisé dans une chaise roulante pendant deux mois, il fait preuve d'un remarquable courage, alors que son rêve de réussir dans le foot apparaît comme fortement hypothéqué. Cet épisode l'a indéniablement renforcé et a aussi contribué à le forger en tant que véritable combattant. Celui que rien n'est en mesure de freiner, dès lors qu'il se fixe un but à atteindre. A partir de là, Kakà s'est époumoné à franchir les indénombrables écueils qui se sont présentés à lui. De ses débuts dans le club phare de sa ville, jusqu'à sa montée sur le toit d'Europe, en mai dernier, il n'a jamais baissé les bras. Ainsi, le 7 mars 2001, lorsqu'il fut incorporé en lieu et place de Fabiano lors de la finale du tournoi paulista face à Botafogo alors qu'il n'avait jamais joué en professionnel, c'est sous des sifflets stridents qu'il touche ses premiers ballons. Mais, nullement intimidé, le jeune joueur fait bonne impression et gagne progressivement ses galons de titulaire au sein de son équipe, jusqu'à en devenir l'élément incontournable. En l'espace de quelques mois seulement, il se fait un nom dans le championnat brésilien et ce n'est que logiquement qu'en février 2002, il est convoqué par Luiz Felipe Scolari pour prendre part à une rencontre amicale contre la Bolivie. A l'époque, personne ne se doutait alors que ce milieu de terrain, presque méconnu du grand public, allait priver le légendaire Romario de la Coupe du Monde asiatique. Au pays du Soleil Levant, le néo-international auriverde n'est utilisé qu'à compte-gouttes. Sa seule sortie fut à l'occasion d'un match sans enjeu au premier tour contre le Costa-Rica (5-2). Ce n'est donc que partiellement qu'il a participé à la conquête du cinquième Graal de la Seleçao. Qu'importe, Kakà était déjà heureux d'être là; porter ce tant prestigieux maillot brésilien. La patience est une vertu des plus admirables et le sociétaire de Sao Paulo a su parfaitement en faire preuve durant son parcours footballistique. Mais, contrairement à ce que beaucoup pouvaient penser, il n'en aura pas réellement besoin lorsqu'il débarque à Milan, en été 2003. Courtisé par les plus grands clubs du Vieux Continent, c'est en Lombardie qu'il choisit de poursuivre sa progression, nullement découragé par la présence dans le camp Rossonero de deux meneurs de jeu de grande classe, en l'occurrence Rivaldo et Rui Costa. Le natif de Brasilia bluffe tout son entourage en séduisant immédiatement l'entraîneur Carlo Ancelotti, et ce dernier en fait de lui rapidement sa pièce maîtresse. Du côté de Milan, progressivement, Kakà explose aux yeux du monde. Match après match, il fait parler son talent et devient presque indispensable à une formation milanaise en pleine éclosion. Son rôle dans la conquête du titre en 2004, le premier de Milan depuis 1999, est primordial, à tel point qu'il est désigné comme le meilleur étranger de la Série A, devançant des stars comme Andriy Shevchenko et Francesco Totti. Excusez du peu. Pour une première, ce fût une première plus que réussie. N'étant pas de ceux qui se reposent sur leurs lauriers, la nouvelle coqueluche de San Siro persévère. Sa constance, au plus haut niveau, ne passe logiquement pas inaperçue. Lors de la campagne 2004-05, il brille de mille feux en Ligue des Champions. Malheureusement, en finale contre Liverpool, à l'instar de l'ensemble de son équipe, il ne se montre impétueux que durant une seule mi-temps. Néanmoins, et ce n'est pas faire l'apologie de sa finale à moitié ratée que de souligner l'apport énorme qu'il a eu sur le bon rendement de son équipe durant presque la totalité de cette compétition. Ce revers amer face aux Reds ne fait que lui rappeler qu'un échec a un côté profitable, si par la suite on se montre assez intelligent pour courber l'échine et repartir de plus belle. La saison d'après, «Rikcy», surnommé ainsi par ses coéquipiers milanais, confirme ses qualités hors normes. Sur les pelouses de l'Italie ou celles de l'Europe, il continue à ébahir les admirateurs du ballon rond. Les éloges de toutes parts pleuvent sans cesse à son égard. L'on se demande alors si le Roi Pelé n'a pas trouvé enfin son véritable héritier. Jusqu'au mois de mai 2006, tout est beau comme dans un conte. Trop beau. Avec l'éclatement du scandale Calciopoli qui terrasse le football transalpin, le Milan AC se trouve dans l'oeil du cyclone. Kakà, toujours soucieux du devenir de son club avant le sien, part ainsi attristé, disputer son second Mondial en Allemagne. Un Mondial qui s'avéra être un vrai fiasco pour le Brésil. Si sur le plan personnel, Kakà se montre à la hauteur du rendez-vous, le bilan collectif est tout simplement alarmant pour les quintuples champions du monde avec une élimination subie dès les quarts de finale (face à la France). En somme, deux acerbes épisodes de la carrière de Kakà, que l'intéressé s'est vite empressé à mettre aux oubliettes. Puis vint la campagne 2006-07, celle qui le consacra définitivement comme l'un des tous les meilleurs au monde. Plus mature et un brin plus efficace, il se bat comme un damné pour sortir Milan du gouffre dans lequel il se trouve en raison des sanctions relatives à l'affaire des matches arrangés. La période d'hibernation terminée, il mène les siens jusqu'à la finale de la Ligue des Champions, avec des prestations tout simplement flamboyantes contre Manchester United (2 buts à l'aller, 1 au retour), qui lui valent la reconnaissance de tous ses pairs. Après avoir totalement éclipsé l'autre génie de sa génération, Cristiano Ronaldo, il se charge de punir Liverpool à Athènes. Car si Filippo Inzaghi inscrit les deux buts de la finale, c'est bien lui qui en fait voir de toutes les couleurs aux hommes de Rafael Benitez, avec une sortie remarquable, effaçant ainsi d'un coup de baguette magique le triste souvenir de la nuit stambouliote. Malgré une seconde partie de l'année 2007 moins glorieuse en comparaison avec la première, Kakà demeure toujours sur son piédestal. A Monaco, en finale de la Supercoupe d'Europe, il donne le tournis aux défenseurs sévillans, contribuant pleinement au nouveau succès du Milan AC. Vraisemblablement essoufflé, il connaît ensuite, comme tous les Rossoneri d'ailleurs, une période de vaches maigres durant le début de printemps. Une simple baisse de régime, dont il s'en est déjà remis. A temps, pour recevoir, des mains de Gérard Ernault, le plus convoité des trophées individuels en football. Le Ballon d'Or. De ses parties dans les rues de Sao Paulo jusqu'à ce plébiscite ô combien mérité, Kakà a parcouru bien du chemin. Ceux qui l'ont suivi pourront forcément en témoigner; pour parvenir à ses fins, il a incontestablement séduit en faisant montre d'une volonté et d'une détermination hors pairs. D'autres s'en seraient découragés, mais lui, porté par sa foi infaillible et une générosité exemplaire, n'a jamais fléchi. Tel un acharné, il a bataillé pour finir aujourd'hui au firmament, au milieu des étoiles. Il y a là manifestement des signes à quêter pour les plus éplorés.
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Posté Le : 03/12/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Naïm Beneddra
Source : www.lequotidien-oran.com