Kafka, va te rhabiller !

Tu sens cet air bizarre qui flotte au-dessus de nos têtes depuis quelques heures ' Accompagné d'une odeur forte, entêtante, écoeurante ' Comment te dire ' Une odeur et un air aux relents de?? Bleuite !
La nature humaine est bizarre, parfois ! Dans l'affaire dite « Bouregaâ », la logique voudrait que l'on retienne bien sûr le fait central : un moudjahid, un combattant de premier plan de la Révolution aujourd'hui en prison pour avoir dit ses vérités à la face du régime. Et c'est celle-là bien évidemment l'info, la grosse info qu'il fallait retenir, celle de cet octogénaire baroudeur et libérateur du pays mis en cellule comme un vulgaire délinquant. Pourtant, ce qui me trotte dans la tête depuis des jours maintenant et l'embastillement de Si Lakhdar, c'est ce geste dont personne ne parle vraiment, mais qui moi me parle terriblement, me scie littéralement le moral : sa famille, je ne sais pas qui exactement, mais un membre de sa famille a dû aller chercher dans ses papiers, ou carrément se rendre en mairie pour y retirer un? acte de naissance du monsieur incriminé dans son honneur. Avoir eu le parcours de Lakhdar Bouregaâ, avoir combattu les forces coloniales au sein de la katiba Zoubiria, avoir échappé aux balles de la 4e armée du monde lors d'accrochages et de combats multiples pour en arriver, 57 ans après, à devoir exhiber de ses cartons ou à demander aux services de l'état civil un acte prouvant son identité ! Ya bouguelb ! Kafka peut aller se rhabiller après ça ! Chez nous, en terre de l'absurde planté profond, Kafka aurait été un inculte, un garnement sans génie planqué au fond de la salle de cours, tant devant, aux premiers rangs de cet amphi de l'ignominie, se bousculeraient des « lumières » de l'insensé ! Le mec ou la nana, l'injonctionné de service qui peut aujourd'hui s'habiller d'une robe en hermine rouge a-t-il conscience que, primo, s'il peut porter cette f? robe, c'est grâce à des mecs comme Si Lakhdar, et, secundo, saisit-il franchement l'étendue désastreuse de son futur, lorsque ce pays passera en seconde république ' Parce que nous y viendrons, Coco ! L'actuelle, si elle se voit contrainte d'enfermer des Bouregaâ, n'en a plus alors pour longtemps. Mais, vous voyez ' Me voilà reparti sur l'avenir, les projections et? non ! Je veux furieusement rester aujourd'hui sur ce fait gravé désormais en moi comme un tatouage indélébile et honteux : l'Algérie, en 2019, a obligé un membre de la famille Bouregaâ à fournir au « monde fou » un acte de naissance prouvant bien qu'il s'appelle? Bouregaâ Lakhdar ! Un jour, les auteurs de cette forfaiture devront payer leur effacement des états civils et moraux de la Dézédie. C'est la moindre des punitions que les millions d'enfants de Bouregaâ qui sillonnent les routes des villes et villages tous les vendredis sont en droit d'attendre ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.