Kadhafi a été
arrêté jeudi, en vie. Ensuite, il a été tué. Lynché. La fin du dictateur
Kadhafi n'est pas un bon début pour le «nouveau» régime. Mais sa liquidation
arrange tout le monde.
Les amis
occidentaux, bien sûr, ceux qui ont été si bien servis de son vivant. Et aussi
la plupart des dirigeants du CNT qui, il est utile de le rappeler, ont été des
serviteurs au long cours et souvent zélés du régime «défunt».
Kadhafi a été
arrêté vivant. Il a été ensuite tué. Les versions contradictoires données par
les «officiels» du CNT ne résistent pas aux images mises en circulation. La
plus grotesque des versions est celle du «Premier ministre» du CNT, Mohamed Djibril, qui admet que Kadhafi a bien été arrêté vivant
avant d'être tué dans un échange de tirs entre les forces du CNT et celles de
Kadhafi. Très administratif, M.Djibril a même cité le
rapport d'un médecin légiste qui ne «peut dire si la balle venait des
révolutionnaires ou des forces de Kadhafi». En off, une source «haut placée» du
CNT est un peu plus franche et déclare que les combattants du CNT «l'ont
capturé vivant et alors qu'il allait être transporté, ils l'ont tabassé et
ensuite ils l'ont tué». Cette version paraît bien plus «réaliste» que celle de M.Djibril. Elle est aussi commode : elle impute la
liquidation de Kadhafi aux seuls membres du groupe qui l'ont arrêté qui
auraient été ainsi d'une impulsion irrésistible de se venger du «guide». En
réalité, il n'est pas exclu – et c'est même très probable – que la liquidation
de Kadhafi ait reçu l'assentiment des dirigeants du CNT, voire des Occidentaux.
Juger Kadhafi aurait été des plus dangereux. Non seulement la plupart des
dirigeants du CNT sont issus du régime mais le système Kadhafi a fonctionné
aussi à coups de largesses en direction des dirigeants occidentaux. Cela aurait
été plus que gênant d'entendre Kadhafi déballer ce qu'il sait.
UN PETIT RAPPEL
«MORAL» ET PUIS PLUS RIEN…
Le Haut-commissariat
des droits de l'homme a mis un petit bémol au concert étonnant de déclarations
ouvertement satisfaites – et soulagées ? – en réclamant une enquête sur les
circonstances de la mort de Mouammar Kadhafi, capturé et tué ce jeudi. «Les circonstances
ne sont toujours pas claires. Nous estimons qu'une enquête est nécessaire», a
déclaré hier le porte-parole du Haut commissariat de l'ONU aux droits de
l'homme, Rupert Colville, se référant aux vidéos qui
ont été publiées par les médias. Colville a jugé très
inquiétantes les deux vidéos qui ont circulé dans la presse jeudi, montrant
successivement Mouammar Kadhafi le visage et les vêtements en sang puis mort
entouré de combattants. «Le jugement de personnes accusées de crimes graves est
un principe fondamental du droit international. Les exécutions sommaires sont
absolument illégales. C'est différent si quelqu'un est tué au combat». Un petit
rappel «moral» qui, on peut le pronostiquer sans risque, sera vite oublié. Les
Occidentaux et notamment l'Otan veillent à garder la distance en suggérant que
c'est une affaire entre Libyens. Le corps de Kadhafi emmené à Misrata devrait être enterré dans un endroit secret. Sur la
toile, certains ont suggéré, avec ironie, qu'il pourrait être «enterré en mer
dans le respect du rite islamique» comme les Américains l'ont fait pour Ben
Laden. Les difficultés de l'après-midi commencent «immédiatement» avec le sort
à réserver à sa dépouille. Si Kadhafi a tenu pendant huit mois à l'offensive de
l'Otan et de rebelles, cela tient bien au fait qu'une partie de la population
lui est restée acquise. Aujourd'hui, comme il est de règle dans les conflits, les
vaincus se noient dans la foule et participent à la fête. Mais il est probable
que pour une partie de ces Libyens, Kadhafi est auréolé de l'image de celui qui
s'est battu et ne s'est pas rendu. Pourtant, cet «héroïsme» n'enlève rien au
fait que la Libye
a vécu pendant 42 ans sous la houlette d'une dictature qui fonctionne à la
violence et à la corruption et que sa fin est, de ce point, d'une logique
implacable.
UNE LIBYE SOUS
TUTELLE OCCIDENTALE DIRECTE
Mais le pire dans
le bilan de Kadhafi est bien le fait que par aveuglement, arrogance et croyance
erronée que l'AQMI le rendra toujours nécessaire, il
a mis la Libye
sous tutelle occidentale directe. Le CNT est sous influence occidentale et il
est hautement improbable qu'il puisse conduire une politique indépendante. Il
est bien l'obligé de ceux qui le placent à la tête de la Libye. La guerre de Libye aura coûté pas grand-chose aux puissances occidentales,
elle va leur rapporter des marchés considérables. Ils attendent un retour sur
investissement et les hommes du CNT ont déjà fait beaucoup de promesses. «Nous
serons attentifs à ce que le CNT applique correctement sa feuille de route». Le
propos d'Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, après la
liquidation de Kadhafi, est délibérément équivoque. Cette souveraineté
«limitée» de la «nouvelle Libye» sera sans doute un des problèmes de demain. Les
lendemains de lynchage sont pleins d'incertitudes.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 22/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com