Début des procès
des anciens dictateurs arabes. S'agit-il de justice ou de vengeance ?
La fin est
pathétique. Zine El-Abidine Ben Ali a été contraint de fuir, comme un voleur
surpris en train de dérober la vaisselle. Il est parti en emportant avec lui ce
qu'il a pu, de l'argent, de l'or, des chéquiers et des titres de propriété. Les
amis d'hier lui ont tous tourné le dos, les plus zélés courtisans se plaçant au
premier rang des délateurs.
Pour Hosni
Moubarak, qui a essayé de faire une sortie plus digne, les choses ne sont guère
meilleures. Malade, trainé devant les tribunaux alors qu'il peut à peine
bouger, il offre l'image d'un homme vieilli, dépassé, ne comprenant même plus
ce qui lui arrive. Comment le pharaon d'hier est-il tombé aussi bas en moins
d'une année ? Et ce sont évidemment les anciens sbires, ceux qui l'ont
accompagné depuis des décennies, qui le livrent en pâture aux tribunaux. Ali
Abdellah Salah a eu plus de chance. Blessé dans un obscur attentat, il est
parti se soigner en Arabie saoudite. Que sa blessure soit réelle, ou qu'elle
serve seulement de prétexte pour l'éloigner, peu importe. Grâce à elle, il peut
se faire oublier, et faciliter une négociation pour permettre à son pays
d'entrer dans une nouvelle ère.
Pour Maammar
Kadhafi, la situation est, par contre, beaucoup plus dramatique. L'homme a peu
de soutiens, encore moins d'amis. L'argent avec lequel il arrosé des dizaines
de dirigeants africains et même occidentaux ne lui servira guère. Ce sont même
ses anciens « amis », comme Nicolas Sarkozy, qui l'enfonceront
en premier, précisément pour faire oublier qu'ils ont été très proches de
l'argent libyen. Sans oublier que la
Libye est un marché de 20 à 30 milliards de dollars par an.
Pour le dirigeant
libyen, la fin s'annonce encore plus terrible. Il a accumulé tant de haines,
dans son pays et dans le monde, que tout le monde s'emploiera à l'humilier, en
mettant en avant son côté folklorique et farfelu. La situation de Kadhafi est
en fait si terrible que la meilleure sortie pour lui serait de mourir dans les
combats.
Dans ce décor,
les procès intentés contre des anciens dirigeants arabes provoquent un vrai
malaise. Certes, nombre de dirigeants ont réprimé leurs peuples, emprisonné,
torturé, fait disparaitre ou assassiné des opposants. Aucun d'entre d'eux n'a
organisé des élections réellement libres, et il est difficile d'en trouver un
qui pourrait se prévaloir d'un bilan défendable en matière de Droits de
l'Homme.
Mais cela ne
justifie pas les procès passés, en cours ou à venir. Celui de Saddam Hussein,
avec son dénouement primitif, a provoqué une immense frustration. L'homme
méritait d'être condamné, certes, mais cette manière expéditive de juger et
d'exécuter est plus proche d'El-Hadhadj que de la justice moderne.
En Tunisie, il a
suffi d'une journée pour condamner Ben Ali à trente cinq ans de prison. Ce qui
a donné un procès bâclé, non équitable, sans garantie pour la défense et sans
honneur pour la justice. En Egypte, ce fut encore plus grave. Hosni Moubarak,
incapable de se déplacer, a été amené au tribunal dans des conditions qui ont
choqué une partie de l'opinion.
On ne sait
comment cela va se passer pour les autres dirigeants, comme Kadhafi et le
syrien Bachar El-Assad. Celui-ci a engagé une répression qui a déjà fait plus
de deux mille morts, et il semble déterminé à aller encore plus loin. Jusqu'où
? Nul ne le sait. Mais chaque mort rapproche le président syrien des tribunaux.
Tôt ou tard, il sera amené à répondre de ses actes, même si lui-même pense
probablement qu'il restera président à vie et qu'il va léguer le pouvoir à ses
enfants.
Cette attitude
criminelle des dirigeants en place ne peu justifier une justice expéditive, qui
constitue même le début de la dérive chez le nouveau régime. Ceux-ci, dans un
élan de populisme, et aussi parce qu'ils ont peu de choses à donner, ont
tendance à offrir des têtes pour apaiser l'opinion. Mais dans leur démarche,
ils confondent délibérément vengeance et justice. La foule aime le sang. Elle
aime voir ses anciens bourreaux trainés dans la boue, humiliés. Elle peut même
jubiler en les voyant au bout d'une potence. Mais un pouvoir soucieux de
construire un système démocratique n'a pas le droit de se laisser entrainer
dans un tel engrenage.
Vengeance et
règlements de comptes ne peuvent constituer une base pour la paix. Car la
justice des vainqueurs est toujours suspecte. Qu'il s'agisse de Saddam Hussein,
de Laurent Gbagbo et de Moubarak, le sentiment d'assister à un règlement de
comptes prime sur le souci de justice. Particulièrement quand celui qui fait la
justice est arrivé dans des chars étrangers, comme en Irak, en Cote d'Ivoire
et, demain, de Libye.
Enfin, il peut
toujours être utile de rappeler le précédent afghan. L'ancien président
Najibullah a été pendu alors qu'il s'était réfugié au siège des Nations-Unies.
Les Occidentaux avaient fermé les yeux, avec un sentiment de satisfaction :
l'homme des Russes, abandonné par ses parrains, a été pendu par les siens, qui
ont violé l'enceinte des Nations-Unies. Bien fait pour lui, murmurait-on dans
les capitales occidentales. Ceux qui sont allés à cette extrémité, pour arrêter
un homme dans une enceinte diplomatique et le pendre, ont prouvé plus tard
qu'ils étaient capables d'aller beaucoup plus loin : ce fut le 11 septembre.
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Posté Le : 25/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com