Algérie

Justice immanente


Nicolas Sarkozy est poursuivi par la justice française pour corruption. Il a été placé en garde à vue depuis mardi pour des soupçons de financement de sa campagne électorale victorieuse de 2007 par le guide de la révolution libyenne Mouamar Kadhafi, tué en octobre 2011. L'office anticorruption français, qui l'a mis en garde à vue mardi, le soupçonne d'avoir reçu quelque 30 millions d'euros de Kadhafi pour couvrir les frais de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2007.Au-delà de ces péripéties judiciaires sordides pour un ex-président français, qui n'a jamais caché son penchant pour les intrigues politiques et les «peaux de banane» pour ses collègues européens, c'est bien les relations troubles de l'Elysée avec la Libye de Mouamar Kadhafi qui reviennent au-devant de la scène politique internationale. Car s'il est certain, pour l'entourage de l'ex-chef de l'Etat libyen, que celui-ci a bel et bien financé dès 2005 à hauteur de 50 millions d'euros la campagne présidentielle de Sarkozy, cette affaire semble prendre les contours d'une revanche post mortem du guide de la révolution libyenne, assassiné lors des raids de la coalition internationale en Libye alors menée farouchement par le président français Nicolas Sarkozy. La vengeance de Kadhafi semble tonitruante et enfonce davantage Sarkozy, qui avait demandé et reçu une aide financière conséquente pour mener sa campagne présidentielle.
Ironie du sort, c'est presque sept ans jour pour jour, le 19 mars 2011, après le lancement de l'intervention militaire sous l'égide de l'ONU des Français, Américains, Anglais et Canadiens, appuyés par l'OTAN contre la Libye, que Nicolas Sarkozy a été mis en garde à vue. Il semblerait ainsi qu'il y a, même dans les affaires politico-militaires troubles, une justice immanente qui rétablit les torts causés aux victimes d'intrigues menées sous couvert du rétablissement de la démocratie dans les pays arabes. Et dans ce cas précis, l'ex-président français, celui qui a été le plus offensif, sinon le plus persuasif pour mener une intervention militaire contre la Libye, un «remake» de l'agression américaine contre l'Irak de Saddam Hussein, et appuyer l'opposition locale, dans le sillage du printemps arabe, est aujourd'hui dans le box des accusés de l'histoire en train de payer, en quelque sorte, sa dette envers Kadhafi.
Non pas que le dossier du financement occulte de la campagne présidentielle de l'ex-protégé d'Edouard Balladur soit anodin, bien au contraire, c'est l'une des rares fois qu'un président est poursuivi en Occident pour corruption avérée et, surtout, qu'il s'agit d'un homme politique qui avait, du temps de sa puissance, écrasé tout sur son passage, amis comme ennemis. Jusqu'à organiser l'assassinat, par délégation de pouvoirs à l'ONU, de celui qui a rendu possible son élection. Cette affaire révèle en fait les dessous sordides de la politique et des appétits de pouvoir d'une grande partie de la classe politique française, à droite comme à gauche, pour qui l'Afrique est toujours «un terrain de chasse avec des trophées». Dans le cas d'espèce, le trophée de Kadhafi aura été dur à avaler par tous les acteurs politiques, en France et ailleurs, et même au sein de l'ONU, de ce printemps arabe, dont les effets catastrophiques se poursuivent en Syrie.
Pour «Sarko», la vengeance post mortem de Kadhafi est évidente : il n'a pas réussi à briguer un second mandat en 2012 et, au sein de la droite, il a été déclassé. Et il va boire le calice jusqu'à la lie, la disgrâce politique irrémédiable, avec cette affaire de corruption. Cette affaire, même si elle n'est pas directement un procès de la gestion des affaires de l'Etat par l'ex-président français, rétablit au moins une partie de la vérité sur les circonstances extrapolitiques troubles qui ont permis à Sarkozy, et donc la droite française, de rester à la tête du pouvoir en France.
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