Algérie

Justice et logistique



Justice et logistique
C'est à partir d'Aïn Témouchent, où il était en visite de travail, que le ministre de la justice, Tayeb Louh, nous a révélé le chiffre : il y a «242 792 affaires en attente de traitement à la Cour suprême !» Le chiffre est tellement énorme qu'on n'a même pas besoin de douter, «comme d'habitude», de son exactitude, les statistiques officielles étant souvent revues à la baisse ou à la hausse, selon ce qu'elles impliquent comme situations. Mais il arrive aussi qu'on triture les chiffres dans le sens contraire de ce que l'on attend. Il arrive même qu'on nous livre les? vrais chiffres, quand l'objectif est de placer le débat sur un terrain biaisé, histoire de botter en touche pour ne pas avoir à affronter les questions de fond. Depuis que le rapport Issaad a été mis sous le boisseau, les contorsions censées nous convaincre qu'un renouveau de la justice est en cours se ressemblent toutes sur l'essentiel.Et pour cause, on leur a fait déserter les sentiers du vrai débat : y a-t-il une réelle volonté politique d'aller vers une justice indépendante ou non. Quand on connaît les disponibilités actuelles pour le changement, les enjeux d'une telle perspective et les conditions minimales qui doivent l'accompagner, il est difficile de le croire.Cycliquement, le ministre de la justice, ses hauts fonctionnaires, des magistrats et même des avocats, se relaient pour nous vendre une réforme de la justice qui ne tiendrait finalement que dans des considérations «techniques». A l'incapacité de la justice de combattre le cancer de la corruption, on répond par le manque de compétences spécialisées en matière de «délits économiques». Il suffirait donc de s'y mettre, et en la matière il y a toujours un programme et des projets à portée de main. S'agissant de magistrats corrompus, des âmes condescendantes vont jusqu'à «comprendre leur tentation» du fait de la faiblesse de leurs salaires et de leurs conditions de vie en général !Tout le monde sait que les lenteurs inhumaines dans l'exécution de «certaines» décisions de justice sont rarement le fait de la «logistique». Pour en avoir le c?ur net, il suffit de jeter un coup d'?il sur les cas les plus caractéristiques qui sont régulièrement portés sur la place publique. Les conflits en question opposent pour l'essentiel des justiciables socialement faibles, à des justiciables plus forts qui ont intérêt à ce que les choses traînent.Quand les faibles ne perdent pas sur décision parce que les termes du conflit sont trop flagrants, ils perdent par? l'usure et le fait accompli. L'adversaire, plus fort, gagnera toujours parce qu'il a les moyens de supporter l'attente, quand ce n'est pas l'oubli. Sinon, il n'y a jamais de problème de logistique, d'infrastructure et de disponibilité en nombre de personnel quand il s'agit d'expédier en deux temps trois mouvements des affaires quand la nature ou le contexte d'une affaire le commandent. On voit bien que la lenteur, comme la «célérité» de la justice peuvent servir les mêmes causes !Dans le chiffre livré par le garde des sceaux concernant le nombre d'affaires en «attente» à la Cour suprême, il serait d'ailleurs intéressant de connaître la nature des conflits et des délits. Il sera à coup sûr révélateur, sachant que cette juridiction est l'ultime palier de l'attente. On verra aussi que le problème ne se pose pas vraiment en termes de «spécialisation», de logistique et d'infrastructure. Même si M. Louh a dû encore une fois en livrer la panacée.laouarisliman@gmail.com




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)