Algérie

Juste un mot : Abderrahmane Bougermouh, le film et le livre Culture : les autres articles



Juste un mot : Abderrahmane Bougermouh, le film et le livre Culture : les autres articles
Abderrahmane Bouguermouh, ce poète taciturne a eu la généreuse idée, il y a deux ans, de nous offrir son livre portant le titre Anza. De plus, il a eu l'intelligence de nous envoyer son ouvrage par un messager porteur qui n'est autre que Ali Bey, libraire de son état, qui a tout fait pendant trente ans et plus pour que la librairie du Tiers-Monde devienne une authentique institution culturelle de notre capitale. Encore plus, Abderrahmane a eu la sympathie de noircir toute la première page de son livre avec une écriture ramassée, faite de petites lettres serrées les unes aux autres pour nous dire beaucoup de choses, pour nous transmettre de nombreux sentiments et surtout pour nous avouer dès le début de son texte : «aujourd'hui que les images s'effacent, je prends le stylo.»
Tout Abderrahmane Bouguermouh est dans cette déclaration lapidaire, à la fois vraie et juste. A plusieurs reprises avant la cessation de nos activités, nous avons retrouvé Abderrahmane à Ighzer Amokrane dans la grande maison familiale si hospitalière et accueillante. Notre dernier séjour en ce haut lieu nous a beaucoup marqués, nous arrivions à la fin d'une journée pluvieuse et froide de décembre, pour nous retrouver face à face avec la s'ur Bouguermouh, à la grossesse bien avancée, les cheveux denses et noirs, sortant de l'orangeraie aux feuilles sombres et humides, aux fruits luisants et mûrs qui tentaient d'embrasser le sol. Elle était certainement sortie pour permettre à son futur enfant de respirer cet air pur et sentir cette merveilleuse atmosphère.
En cet hiver de 2001, pluvieux et généreux, Abderrahmane lui aussi allait donner naissance à son fameux et unique livre, ce qui le faisait sourire légèrement. Une autre rencontre avec Abderrahmane Bouguermouh a eu lieu dans le petit cimetière d'Oulkhou (Ighil Ibahriyen) près d'Azeffoun, le jour de l'enterrement du journaliste, écrivain, poète et surtout courageux Tahar Djaout, rencontre absolument inoubliable. Nous nous sommes retrouvés, comme par hasard, à l'ombre d'un immense olivier en compagnie de quelques proches, Rachid Mimouni cet autre écrivain talentueux, Abderrahmane Bouguermouh.
Ce dernier profitant d'un silence total, tout en regardant Rachid dans les yeux, l'interpella en ces termes : «Tous trois nous nous ressemblons, nous sommes faits de la même pâte.» Il pensait, bien sûr, à Tahar, Rachid et lui. Avouons, aujourd'hui, qu'Abderrahmane et Rachid étaient en cet instant absolument identiques, totalement semblables, tous deux transpirants, perdus et désespérés. C'est à Tizi Ouzou en 1992, à la maison de la culture que nous avons vu Abderrahmane heureux et jovial à l'occasion de l'avant-première de son film dans sa version longue, son dernier La colline oubliée. Tout un peuple était là et attendait avec patience et optimisme, alors que la majorité savait qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde.
Peuple qui allait l'attendre, lui et son film dans toutes les villes d'Algérie. Abderrahmane trouva tout de même quelques minutes pour nous et au pied de la diligence belle et élégante qu'il caressait discrètement, diligence essentielle et indispensable dans le film, pour nous dire tout simplement combien il était heureux et combien il remerciait Da L'Mouloud. Et, très vite, nous l'avons totalement reçu et tout compris. Nous avons même retrouvé dans ses yeux cet enfant de dix ans aux cheveux bruns et à la peau blanche, qui parfois une grive dans la main et d'autres fois un panier de «zcoco», qui aimait courir avec beaucoup d'élégance et d'agilité dans les montagnes de Kabylie ou les hautes plaines de Sétif, surtout lorsqu'elles sont recouvertes d'un épais manteau de neige. Nous sommes certains aujourd'hui que Da L'Mouloud et Da Abderrahmane nous ont quittés tranquilles et sereins, le devoir accompli.
Le premier pour avoir écrit La colline oubliée, le second pour l'avoir portée à l'écran. Malheureusement, nous sommes certains aussi que tous deux nous rejoindraient dans notre peine et notre tristesse en apprenant que l'année de la culture amazighe est reportée aux calendes grecques, alors que nous avons cru naïvement que notre tour était arrivé, comme le dit si bien ce magnifique chant patriotique amazigh composé par ces jeunes et studieux élèves internes du lycée de Ben Aknoun que nous avons tant aimé.


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