Algérie

JUSQU'AU BOUT… DE LA VIE !



Livres
Lamine Khene. Témoignages réunis par Amine Khan. Chihab Editions, Alger 2021, 152 pages, 700 dinars
A 13 ans, déjà, en 42/43, avec quatre camarades de lycée, il lui était venu l'idée d'organiser une cellule clandestine (Jra - «La Jeunesse révolutionnaire algérienne», rien que ça !) pour le compte des Aml.
Au lycée d'Aumale (interne dès l'âge de 10 ans) de Constantine, à 16 ans, il adhère, durant une cérémonie d'adhésion, au Ppa-Mtld et participe à la diffusion du journal «El Ouma».
Baccalauréat philo en 1949... Etudes de médecine (Alger). Un stage en pharmacie... «Pion» à la médersa de Constantine... Alger en 50/51... Membre de l'Aeman (dans deux bureaux)... Rencontre avec Chawki Mostefai, Abderrahmane Kiouane, Belaid Abdesselam, M-Sedik Benyahia, Abdelkrim Benmahmoud... Création de l'Ugema en 1955.
1956, grève des cours et des examens des étudiants et des lycéens.
1er juin 56, en compagnie de son ami Benbatouche (étudiant en droit), direction le maquis de Constantine (Djebel Ouahch) grâce à Claudine Chaulet qui a assuré la liaison avec le «convoyeur».
Moudjahid en uniforme, il est chargé d'organiser le système de santé en zone II (massif de Collo) de la wilaya II, alors sous la direction de Zighout Youcef. Tout en assurant également les tâches de commissaire politique avec le grade de lieutenant. Calme, efficace, à l'écoute, modeste, pédagogue...
19 septembre 1958, il apprend à la radio, au maquis, sa nomination comme membre du Gpra en tant que Secrétaire d'Etat à l'Intérieur. La suite est une très longue carrière au service de la lutte de libération nationale et, à l'indépendance, d'abord au service des Affaires économiques et internationales du pays (Président de l' «Organisme saharien», de 1962 à 1966, devenu «Organisme de coopération industrielle», ministre des Travaux publics et de la Construction durant quatre années,... redevenu médecin (hôpital Mustapha)... Sg de l' Opep de 1973 à 1974, Directeur exécutif de l'Onudi de 1975 à 1985... et retraite... à l'âge de 54 ans. Deux «sorties» remarquées dont une en octobre 88, signant «l'Appel des 18».
Le Dr Abderrahmane Lamine Khène, «l'homme des nuances et du juste milieu» (selon Nicolas Sarkis) est décédé le 14 décembre 2020 à l'âge de 90 ans, et il a été inhumé en sa ville natale, Collo (Il y est né le 6 mars 1931)... alors village dont l'école était dirigée par le père de Colette, la future Anna Gréki.
L' Auteur : Fils de Abderrahmane Lamine Khène. Poète et essayiste, né le 18 octobre 1956 à Alger. Etudes en économie, sciences politiques, philosophie (Alger, Paris, Oxford). Enseignant, fonctionnaire international (Unesco), auteur de plusieurs ouvrages (poésie et réflexion).
Table des matières : Introduction / Entretien (avec Boukhalfa Amazit) /Hommage (Messaoud Aït Chaâlal) /Témoignages (Abdelouahab Benyamina, Mohammed Seghir Hamrouchi, Kitouni Hosni, Abdenour Keramane, Sid Ahmed Ghozali, Mohammed Benblidia, Mohamed Kortbi, Nicolas Sarkis, Gérard Latortue)/ Notices biographiques/ Annexes (3 textes : «appel du 19 mai 1956», «Déclaration des 18», «Lettre à un ami»).
Extraits : «L'initiative de la création de l'Ugema n'émanait pas du Fln. C'était un processus qui avait sa source dans les Congrès nord-africains qui s'étaient déroulés au début des années cinquante et même en 1949» (Lamine Khène, p25), «Ce n'est pas le Fln qui a ordonné la grève (des cours et des examens). Ce sont les étudiants qui en ont décidé... Ils (Abane et Benkhedda) ont agréé lorsqu'ils ont appris la nouvelle de notre décision» (Lamine Khène, p 27), «La guerre a emporté nombre de braves et l'indépendance en a fait sombrer bien d'autres. L'image du Moudjahid s'est ternie au fil des ans et des compromissions multiples dans lesquelles nombre d'entre eux se sont trouvés mêlés, par appât du gain, du pouvoir, de la notoriété. La guerre de libération nationale devenant pour d'aucuns un fonds de commerce, utile à faire fructifier à la seule fin de servir des intérêts privés.
De cette débâcle générale, quelques figures ont réussi à échapper, pour être restés fidèles à eux-mêmes et à leurs compagnons d'armes» (Kitouni Hosni,p 71), «Il est resté lui-même, chevillé dans ses convictions, fidèle à ses principes, insensible à toute démarche de type carriériste, à tout compromis le rapprochant du pouvoir du moment pour un quelconque poste de responsabilité» (Abdenour Keramane, p 73), «Les tenants du pouvoir qui appartiennent à notre génération et qui ne finissent pas de s'accrocher au pouvoir comme à une finalité doivent se souvenir aujourd'hui que c'est en misant sur les jeunes que l'Algérie a pu se sortir du chaos et se placer en même temps sur les rails du progrès» (Sid Ahmed Ghozali, p 88).
Avis : Le parcours d'un homme toujours égal à lui-même, égal et juste avec les autres, humble, sage, profondément humain, compétent et intègre, tiers-mondiste convaincu... Un exemple à méditer par les anciens, à suivre par les jeunes.
Citations : «Toute mort est une tragédie. Parce qu'elle met fin à une vie humaine, unique, d'une valeur infinie, la fin de la vie de chaque être humain signifiant la mort d'un univers d'émotions, d'idées, de rêves, d'intelligence, d'expérience.» (Amine Khan, p 9), «Le 20 août était une action de génie. Elle a coûté cher. C'était la guerre» (Lamine Khène, p 34)
Derrière les larmes de ma grand-mère. Récit de Ferroudja Ousmer (préface de Daho Djerbal). Koukou Editions, Cheraga Banlieue, 2021, 124 pages, 600 dinars
Une autobiographie ' Pas totalement puisque s'y mêlent la mémoire et l'histoire, individuelle et collective à la fois.
C'est une histoire racontée à travers celle de Lolodj... qui vouait une admiration sans bornes à sa grand-mère Yaha.
Yaha est aux Ath-Yenni ce qu'est mémé aux Français. Un bout de femme pas plus haute que trois pommes ; si petite, si blanche... au regard chargé d'une ombre de mélancolie ne la quittant jamais... En fait, elle portait bien des douleurs et des déchirures, les fantômes du passé, un pénible vécu, une indépendance conquise par le sang, la hantant sans cesse.
C'est aussi une histoire racontée à travers les vies des membres de la famille (dont l'un d'entre elle fut un héros, le commissaire Ousmer, qui avait «retourné» et exploité, au bénéfice du Fln/Aln, durant le guerre de libération nationale, l'opération colonialiste des services psychologiques français, dite «Oiseau bleu» qui avait permis l'équipement en armes et munitions de la zone 3 alors commandée par Krim Belkacem.)
C'est, enfin, le récit de vie de l'écrivaine, au départ jeune fille luttant à sa manière (dont les études réussies en économie) pour se construire une vie émancipée. Tout cela non sans nous faire découvrir Tizi Ouzou et la société kabyle d'hier et d'après-guerre.
Au passage, elle nous a fait rencontrer (et c'est là, à mon avis, un point important car nos écrivains doivent faire le maximum pour nous faire découvrir et/ou redécouvrir les richesses culturelles du pays) un peintre méconnu du XXe siècle, natif de Ath Yenni, Azouaou Mammeri, reconnu par ses pairs européens et à l'itinéraire «qui donne le tournis» (pp 82-83). Plusieurs hommes en un seul !
L'Auteure: Née en 1955 à Ath Yenni. Enseignante d'économie au lycée Amirouche durant 25 ans avant de rejoindre un Institut privé comme enseignante et consultante. Membre de Racont'Arts et du Comité d'organisation du Salon du livre de Boudjima. Animatrice d'ateliers d'écriture pour adultes et pour enfants.
Table des matières : Préface/ Introduction/ 14 chapitres
Extraits : «Maudite société patriarcale ! Respectueuse des aînés aux vues parfois étroites, incapables de s'asseoir sur leur virilité, même dans les moments les plus cruciaux !(...) Maudite, cette tradition scélérate qui maintient la femme sous le joug de son père, de son frère ou de son homme !» (p39), «Ces aïeux avaient le sens du verbe, ils en usaient et en abusaient pour distiller à leur progéniture une horrible culpabilité qui freinerait un éventuel envol. Ils savaient s'y prendre pour vous assurer de ces paroles vitriolées qui vous brisent les ailes, vous réduisent à néant : pouvoir des mots qui maintient la progéniture mineure à vie» (p43), «A Tizi Ouzou, comme dans un petit village, tout se savait. D'ailleurs, les gens de la haute ville appelaient le centre-ville «l'billadj» (p 73)
Avis : «Une vraie leçon de choses sur la Kabylie des Ath Yenni» (Daho Djerbal)
Citations : «L'histoire d'Algérie, finalement, est émaillée d'histoires singulières. N'est-ce pas les petites histoires mises bout à bout qui font la grande Histoire» (p 21), «Mettre un nom sur un martyr, c'est le sortir de sa sépulture pour l'installer dans la mémoire collective» (p22), «Tout doit rester en dedans ; souffrir en silence, rester digne. C'est ça une vraie femme kabyle ! Ne pas se lâcher même dans ces circonstances atroces, le self-control est de mise» (p57).


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