Algérie

Journal d'un médecin : Parler la langue de son patient est primordial



S'il ne fallait emporter qu'un outil médical sur une à®le, ce serait bien l'instrument linguistique : c'est que quelques questions et une bonne écoute font la très grande majorité des diagnostics. C'est de loin, avec l'observation, notre machine la plus performante pour exercer la médecine générale : une pneumonie franche lobaire aiguë se diagnostique presque mieux à  l'interrogatoire qu'à l'auscultation des poumons ; une fissure anale et une thrombose hémorroïdaire se discriminent aussi bien à  l'oral qu'à l'inspection. L'examen somatique indispensable et soigneux sert surtout à  confirmer le diagnostic évoqué et à  redresser les erreurs d'appréciation. Dans les lieux où l'obstacle linguistique prédomine, il faut bien se contenter de l'examen clinique et habiller l'acte avec du superficiel pour le rendre efficace. Imaginons un médecin qui ne parle pas un mot de kabyle ! Il va en Kabylie soit pour le service civil ou simplement parce qu'il apprécie particulièrement ses paysages et son hospitalité unique. Ce médecin ne devra pas voyager  sans son stéthoscope : plus magique que véritablement utile -que faire d'un rétrécissement aortique (maladie des valves du cœur) trouvé chez un jeune berger berbère ' Cet instrument lui servira à  passer outre l'obstacle de la langue dans les bleds reculés où il devra délivrer quelques soins qui lui sont fréquemment demandés. Possesseur du précieux sésame, son acte est sublimé et il  peut délivrer quelques conseils par interprète interposé. Les médecins butent  souvent en consultation sur des problèmes de traduction. Même à  Alger, des consultations existent pour des patients asiatiques par exemple, de plus en plus nombreux. Si le patient arrive seul, le médecin est face à  des difficultés commençant par l'état civil du malade qu'il doit enregistrer, l'interrogatoire pour comprendre son mal et si un diagnostic est posé, comment lui expliquer '  en libéral, on n'est jamais à  l'abri d'un voyageur solitaire ou d'un travailleur émigré maniant mal la langue arabe ou française et arrivant sans prévenir. Ou bien ces médecins coréens qui arrivent en Algérie et qui vont exercer dans les hauts plateaux ou le Sahara algérien, comment vont-ils pouvoir communiquer avec leurs patients ' C'est une question qu'on se pose tous. On peut ramener un interprète mais  la médecine qu'on pratique ne doit pas àªtre que de la médecine : disons que c'est un peu plus, et que ce «un peu plus» est difficilement exportable ou traduit. L'inné, le non dit, la gestuelle, les lapsus, la connaissance du milieu professionnel, des habitudes ne peuvent àªtre complètement rapportés par le meilleur interprète, et ce sont pourtant les meilleures portes d'accès du bon médecin.




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