Algérie

Jour de vote en Algérie



Vendredi 10 avril 2009. Une occasion pour faire le point ou pour dessiner un projet

Le 10 avril au matin, l'Algérie se réveillera dans un drôle d'état. Alors que tout est fait, côté officiel, pour les convaincre que le pays sera autrement plus heureux au lendemain de l'élection présidentielle du 9 avril, les Algériens découvriront, sans surprise, qu'ils ont à faire au même président, au même gouvernement, à la même bureaucratie et au même bonheur hypothétique. Le prix de la pomme de terre variera peu, les mêmes barrages routiers transformeront tout déplacement en aventure infernale, et les mêmes ministres continueront d'effectuer leurs inutiles visites d'inspection et de travail.

Le ministre du Commerce continuera de dire que l'augmentation du prix de la pomme de terre ne relève pas de son département, et le ministre de la Santé veillera personnellement à ce que tous les hauts responsables tombés malades soient prix en charge, avec diligence, dans les hôpitaux français, pour échapper aux établissements médicaux algériens. Le RND sera toujours aussi cynique et Bouguerra Soltani a peu de chances de devenir plus sympathique.

Que gagnera l'Algérie dans cette opération que constitue l'élection présidentielle? Selon les partisans de M. Abdelaziz Bouteflika, celui-ci sera maintenu au pouvoir pour poursuivre son programme économique et social, et approfondir la réconciliation nationale. Son maintien est une garantie de stabilité, affirment ses partisans. Et lui-même, dans un discours non dénué de contradictions, continue d'affirmer son intention d'aller de l'avant pour concrétiser son programme, tout en reconnaissant que ce qui a été fait n'est guère probant.

Le million de logements promis par M. Bouteflika et les centaines de milliers d'emplois ne sont, à l'évidence, que des chiffres alignés sans conviction par les membres du gouvernement. Personne ne croira que le chômage en Algérie serait inférieur à ce qu'il est en Espagne ! De même, affirmer qu'un million de logements ont été réalisés en cinq ans signifie que le parc immobilier algérien a augmenté de vingt pour cent durant cette période!

Mais qu'importe. Ce ne sont que des chiffres. Et ce n'est pas sur ce terrain que sera établi le bilan de M. Bouteflika. Ni sur tout ce qui s'écrit à propos d'un pays disposant de beaucoup d'argent mais dont les habitants sont pauvres. Il s'agit là de données économiques et sociales qui peuvent être corrigées avec le temps.

Par contre, là où l'action de M. Bouteflika sera jugée, c'est dans le domaine institutionnel, dans la construction de l'Etat. Sa responsabilité est particulièrement importante pour plusieurs raisons. M Bouteflika appartient à une génération à qui a incombé la lourde tâche de restaurer l'Etat algérien. De plus, il a fait partie d'un groupe dont le rôle a été déterminant dans la création du système politique algérien. Enfin, il a été un proche de Houari Boumediene et, à ce titre, il était le mieux à même de mesurer combien l'échec de Boumediene était évident sur un point précis, celui de l'édification d'institutions qui survivent aux hommes. Trente ans après la disparition de Houari Boumediene, les institutions ont été écrasées par les hommes.

L'itinéraire du président Bouteflika était donc suffisamment marqué pour lui indiquer dans quels domaines l'Algérie a été défaillante. Cette défaillance concerne d'abord la mise en place d'un système politique inadéquat, qui empêche l'institutionnalisation du pouvoir, et consacre la force comme principal instrument de régulation des rapports sociaux. Le résultat est là, un demi-siècle après l'indépendance : ce ne sont pas des institutions et des lois qui gouvernent le pays, mais des hommes, des groupes, des lobbies, des intérêts, agissant le plus souvent dans l'ombre.

Le système politique actuel, dont l'ébauche a été dessinée pendant la guerre de libération, pour être mis en place au lendemain de l'indépendance, plaçait l'armée et les services de sécurité au centre du pouvoir. Selon le moment et la conjoncture, ces centres de pouvoir tentent de tout gérer, de la diplomatie au commerce des médicaments, en passant par l'agriculture et la distribution de logements. Parfois, ils délèguent une partie des tâches de gestion courantes à des réseaux de clientèles.

Ce pouvoir, de type KGB, offre un modèle de gestion « primaire ». Il a fait faillite. Il a largement eu le temps de prouver son échec. Au départ, c'était un instrument de libération du pays, puis de construction d'un état. Il est devenu ensuite un instrument de répression, puis un frein à l'évolution du pays, avant de se transformer en un obstacle, le plus important, à la transformation et à la modernisation de l'Algérie.

Ce constat dépasse les hommes, leurs intérêts, leurs égoïsmes et leurs ambitions. Il ne s'agit pas de s'en prendre à M. Bouteflika ou de critiquer M. Zerhouni. Il va bien au-delà. Un pays a besoin d'un état moderne, capable de le protéger. Un état dans lequel l'ensemble des citoyens se retrouvent, et seraient prêts à se battre pour le préserver, non à le fuir. Un état fonctionnant selon des règles connues de tous, respectées de tous, en premier lieu par les plus puissants et les plus riches. Autant de règles qui font défaut dans le système actuel.

L'Algérie a donc besoin de changer de système politique. C'était la priorité de M. Bouteflika dès son premier mandat. Dix ans après son accession au pouvoir, force sera de constater que, vendredi 10 avril 2009, l'Algérie aura moins d'état, moins d'institutions.








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