Algérie

Jour de l'an: Alger, ville fantôme



A la rue Hassiba Ben Bouali, connue par sa grande animation, quelques commerces se comptant sur les doigts d'une main, ont bravé la sacralité de cet évènement, où la grasse matinée est permise outre mesure.Pour beaucoup d'Algériens, les fêtes du jour de l'an ne veulent plus rien dire. Dégradation du pouvoir d'achat, suite d'événements malheureux, considérations religieuses et autres facteurs, ont fait que cette année est revêtue d'un caractère bien plus sobre. Il n'empêche que pour d'autres, en revanche, la fiesta de l'ultime jour de 2018 était présente. Dans les deux cas, la veillée s'est imposée en réunissant la famille, aussi restreinte soit-elle. De l'ordinaire à la bombance proposée par les organisateurs de ce genre d'évènements, on réveillonne comme on peut. Et le constat est sans équivoque, puisque les lève-tôt sont très rares à se manifester en ce jour de grâce, donnant le départ à la nouvelle année 2019. Le calme, inquiétant parfois, des rues de la capitale, donne l'impression d'une ville abandonnée. A la rue Hassiba Ben Bouali, connue par sa grande animation, quelques commerces se comptant sur les doigts d'une main, ont bravé la sacralité de cet évènement, où la grasse matinée est permise outre mesure. Les bonnes habitudes sont mises au placard, et ceux qui sont dehors dès la fraîche matinée n'ont qu'à être patients, comme le montre ce vieillard à la recherche d'un hypothétique sachet de lait. «Tout est fermé !», se désole-t-il avant de lâcher : «Ils ont dû veiller, ces messieurs !», ce à quoi répond un badaud, que ces derniers ont le droit de faire comme tout le monde. Ils se lancent alors dans un débat, où il est délicat de désigner celui qui a raison et celui qui a tort. Entre moyens, traditions et croyances, il est difficile en fait de conclure. A chacun ses moyens.
Joindre l'utile à l'agréable
Mohamed, jeune ingénieur dans une multinationale récemment installée, pense qu'il n'y a pas lieu d'engager un tel débat. Rencontré il y a quelques jours au marché, il a confié avoir pris toutes les dispositions pour un petit séjour en Tunisie. «Je ferai le pont, dira-t-il, mercredi et jeudi, pour emmener ma petite famille à Djerba. Une bonne offre d'une agence de tourisme pour un long week-end». Il explique qu'il mérite bien cet extra, lui qui trime jusqu'à douze heures par jour. Mais aussi une façon de couper pour entamer la nouvelle année. Pour Mourad, proche de la cinquantaine, un séjour à l'étranger est le bienvenu quand on peut se le permettre. Mais il préfère un pays musulman, où nos traditions ne sont pas bousculées. «La Malaisie et l'Indonésie, dit-il, me conviennent parfaitement, mais c'est si loin et si cher qu'on se contentera de la Tunisie». Les moins lotis financièrement n'ont pas cette chance, mais n'en développent néanmoins aucun complexe. Une dame confie se contenter d'un dîner en famille, agrémenté d'un bon gâteau fait maison, et d'un thé à la menthe. «Notre projet, confie notre interlocutrice, de passer cette fête en Tunisie, a été reporté en raison d'une restriction intervenue dans le budget familial. 2018 a été une année difficile, alors on marquera le point chez nous». Abdelkader, de son côté, voit les choses autrement, et pense que tout cela est «bid'â» (aucun rapport avec la pratique de l'islam. «C'est son point de vue», intervient son voisin, ne voyant, quant à lui, aucun inconvénient à faire plaisir à sa famille, en organisant un bon repas à l'algérienne, et faire ses adieux à une année qui nous quitte avec ses heurs et ses malheurs.
Rideaux baissés
10h à Sidi Yahia. L'avenue qualifiée injustement de Champs Elysées de la capitale dort encore. D'un sommeil profond. Pas âme qui vive. Les commerçants ont décidé de ne pas ouvrir, et les clients le savaient d'avance. Ces derniers ne se bousculent d'ailleurs pas au portillon. Le petit café chic situé en amont de cette artère, fief des affairistes et autres parvenus, n'affiche pas complet.
Les deux jeunes ?uvrant non sans peine à nettoyer les lieux, précisent n'avoir pas dormi plus de quatre heures. Un croissantier devant son magasin prend tout son temps pour lever le rideau. Il annoncera que la viennoiserie ne sera pas prête faute d'ouvriers. Un habitant des lieux fera savoir que l'avenue ne retrouvera son activité que le lendemain.
«Même à Bab El Oued», poursuit ce dernier, «bon nombre de commerces étaient fermés en cette matinée. En somme, en dehors des quartiers populaires, le nouvel an marque bien son arrivée. Et bonne année à tous».


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