Algérie

Jour de fête nationale


Jour de fête nationale
«L'indépendance, ce n'est pas une récompense, c'est une responsabilité.» Pierre BourgaultEncore un Juillet où il ne s'est rien passé pour l'écrasante majorité des citoyens: les commémorations officielles, les médailles accrochées aux plastrons des gens méritants ou les distributions de logement aux heureux bénéficiaires n'ont pas sorti le consommateur moyen de ses préoccupations bassement matérialistes. L'employé malchanceux n'a même pas eu le bonheur d'une journée chômée et payée puisque le 5 Juillet est tombé un vendredi, journée où les étals de marché se vident malgré la hausse des prix à quelques journées du début du mois sacré, mois où l'estomac reste la principale préoccupation des ilotes. C'est la raison pour laquelle des millions de nos concitoyens ont passé cette journée historique, de plus, chômée et payée, à vaquer à leurs occupations quotidiennes. Je ne parle pas de ces jeunes, trop tôt désabusés qui continuent à rouler inlassablement leur joint contre un mur qui porte l'empreinte de leur ombre, mais de ceux qui ont profité de cette journée de pause (ceux qui ont la chance d'avoir trouvé un travail, bien sûr!) pour rendre visite à la famille, pour se rendre à une plage non occupée par la nomenklatura ou non interdite comme dans le bon vieux temps «aux chiens et aux Arabes» comme on osait le dire à l'époque du Code de l'indigénat. Entre plage interdite et plage polluée, la différence est mince. D'autres vont tuer leur ennui à faire le marché informel, tandis que d'autres, comme moi, atteints par la limite d'âge et de nombreux problèmes inhérents à la vieillesse, passeront la demi-journée dans la salle d'attente d'un cabinet de médecin spécialisé qui réponde aux besoins d'une pléthorique clientèle usée par la mal-vie et le stress, en donnant leur chance à de jeunes médecins qui n'ont pas les moyens de s'offrir un cabinet équipé dans un quartier populaire où les malades pullulent... Et dans la salle d'attente où les vieux regards fatigués se croisent dans un long silence, les langues commencent à se délier. Cela rappelle ces anciens salons de coiffure tenus par des vieux qui ont roulé leur bosse et qui abreuvent leurs clients de leurs nombreuses expériences. Actuellement, les salons de coiffure sont gérés par des jeunes dont la culture s'arrête au monde du football...
Inévitablement, la discussion commence à rouler d'abord, prudemment, sur la mauvaise gestion du système de santé, puis immanquablement déborde sur le sens que l'on peut donner à une indépendance chèrement acquise. Les septuagénaires sont d'abord indignés par la stérilité du système économique. Chacun d'eux a travaillé dans une entreprise publique où il n'y a jamais eu l'homme qu'il faut à la place qui lui revient. Alors pourquoi s'étonner' Combien regarderont ce drapeau vert et blanc, frappé d'un croissant et d'une étoile rouges, qui claque au vent' A part les officiels dont le gagne-pain, je dirais même la rente, est entretenue par ces images d'Epinal, combien d'Algériens regarderont en arrière pour évaluer le chemin parcouru et se poser par la même occasion les questions, fort à propos.
La première qui vient à l'esprit est celle qui torture tous les hommes qui ont vécu une partie de leur vie dans la période coloniale et traversé les affres de la guerre et ses contingences de morts et de souffrances: «Kaddour a-t-il remplacé François'» C'est à cette question terrible que devront répondre devant le tribunal de l'Histoire, ceux qui, à travers des coups d'Etat permanents, qu'il serait fastidieux et douloureux d'énumérer ici tant ils sont nombreux et multiformes, ont enlevé au peuple tout droit à la parole pour mieux l'assujettir, avant de lui enlever tous les autres droits qui font partie du droit d'exister: droit au travail, droit au logement, droit à la liberté d'expression... Peut-être, et tous les observateurs lucides vous le diront, l'indépendance est un progrès, mais comme pour les élèves doués qui, par paresse ou par esprit de facilité, se sont laissés aller, on peut dire simplement en parlant du système: «Aurait pu mieux faire!».
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