Joe le terrible

Comme un feuilleton complexe écrit par un scénariste psychotique, les rebondissements sont régulièrement publiés dans les journaux, mais personne n'y prête intérêt. Et pour cause. Malgré les nombreuses explications de la presse, bien malin celui qui pourrait comprendre de quoi il s'agit vraiment, à commencer par la presse elle-même. Depuis des années, ArcellorMittal, le groupe sidérurgique indien venu sauver le complexe d'El Hadjar qui allait fermer, est en proie à d'incroyables blocages : grèves, attaques de syndicalistes, paralysies de la production, perturbations, violences et coups bas, dans un imbroglio juridico-financier qui a de quoi faire passer l'affaire Khalifa pour un petit casse de banlieue.
Dans ce feuilleton-affrontement quasi quotidien entre les cow-boys (du Far East) et les Indiens (d'Inde), sous le regard passif du shérif de la région, qui lui aussi semble ne rien avoir compris à ce conflit métallique, le casting est à la hauteur de la production : Joe Kazadi, directeur général du groupe indien, Aïssa Menadi, ex-député et ex-syndicaliste d'El Hadjar mais toujours actif dans les hauts fourneaux, pour les rôles principaux, et une infinité de figurants pour le reste. Qui a écrit ce feuilleton qui n'en finit pas et que plus personne ne suit ' Le ministère de l'Industrie, un think tank indien ou la mafia annabie '
Mystère de la création artistique, mais en bon film américain, la fin la plus probable est celle-ci : les Indiens vont être décimés jusqu'au dernier pour être renvoyés à l'âge de la pierre (époque placée avant l'âge de fer) et l'Algérie va perdre l'un des fleurons de son industrie. Quand au pauvre Joe, assailli dans son fort (en fer), dans un étrange pays étranger si difficile à faire travailler, il va finir alcoolique, dans une réserve, à chanter la nostalgie de l'ancien monde. On ne connaît pas Joe, mais on imagine qu'il se demande un peu ce qu'il fait là.