Algérie

Jijel, entre richesses naturelles et manque d'infrastructures : Le défi du Tourisme en Algérie



Publié le 22.08.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Nabil Mati*

Depuis quelques années, l'Algérie s'efforce d'améliorer son image à l'international et de mobiliser les ressources nécessaires pour attirer un plus grand nombre de touristes.

Ce défi est d'autant plus crucial que le pays possède un patrimoine naturel et culturel exceptionnel, encore largement méconnu du grand public. Malgré des efforts notables, la réalisation de cet objectif reste complexe et soulève de nombreuses questions sur les stratégies à adopter pour faire du tourisme un véritable levier de développement économique ? en Algérie.

Pour y parvenir, le pays mise sur les outils numériques, collabore avec divers influenceurs et utilise les réseaux sociaux pour séduire les voyageurs.

En outre, des mesures importantes ont été prises par le Président algérien pour faciliter l'obtention des visas, rendant ainsi le pays plus accessible.

Il est important de rappeler que le Tourisme contribue à environ 4,5 % et 7 % du PIB en Tunisie et au Maroc, respectivement. En revanche, en Algérie, ce chiffre chute à seulement 0,043 %.

Bien que les pays voisins attirent un plus grand nombre de touristes, ils ne disposent pas des vastes ressources naturelles dont l'Algérie peut se vanter, un aspect fréquemment souligné par les visiteurs ayant exploré le pays.

Notre expérience de cette année, lors de la visite des alentours de la ville de Jijel, située à 300 km de la capitale algérienne, illustre parfaitement cette réalité.

Dans cette région, les paysages naturels offrent une vue panoramique exotique, avec des falaises spectaculaires qui surplombent la mer, créant un cadre d'une beauté exceptionnelle. Ce panorama à couper le souffle est entretenu, bien que légèrement, grâce aux efforts de jeunes locaux qui demandent une modeste contribution de 200 DA pour le stationnement des voitures. Ce tarif abordable assure non seulement la sécurité des véhicules, mais aussi une certaine propreté des plages situées à des endroits tels que le Grand Phare, Le Rocher Noir et Andrew, à quelques kilomètres de la ville de Jijel.

À cela s'ajoute la disponibilité de locations à des prix très attractifs, avec des appartements se louant entre 3.000 et 15.000 DA, disponibles sur le site bien connu, Airbnb. Cette accessibilité, couplée aux magnifiques paysages, met en lumière le potentiel de cette région.

Cela ne signifie pas que tout est idéal. En effet, malgré son immense potentiel, le centre de Jijel, ville historique du célèbre corsaire ottoman Khayr ad-Din Barberousse, se trouve dans un état préoccupant. Les murs sont délabrés et non peints, les trottoirs sont en grande partie endommagés, et la plage située au cœur de la ville, bien que très fréquentée, se trouve dans un état déplorable.

Cette situation est loin des standards internationaux, et son état actuel risque d'avoir un effet néfaste sur l'attractivité touristique. En effet, les rares touristes étrangers attirés par les publicités de la région sur les réseaux sociaux pourraient être déçus, une fois sur place, car la réalité ne correspond pas toujours à l'image présentée dans les vidéos des influenceurs. Cette différence entre l'image idéalisée en ligne et la situation réelle pourrait les pousser à communiquer de Jijel de manière très négative, ce qui pourrait nuire à la réputation de la région et compromettre ce qui compromettrait sérieusement son image et son potentiel de développement dans le Secteur du tourisme.

Ce contraste saisissant entre la dégradation urbaine, accentuée par l'anarchie des promoteurs immobiliers qui ne respectent aucune norme, voire aucun cahier de charges et la beauté naturelle des paysages environnants met en évidence la nécessité d'efforts supplémentaires pour revitaliser et embellir la ville.

Le ministre du Tourisme algérien et les responsables locaux, à titre d'exemple, ne devraient-ils pas s'alarmer de constater qu'un aéroport comme celui de Jijel ne reçoit que deux avions par jour en pleine période estivale, tandis que d'autres aéroports, tels que celui d'Enfidha-Hammamet en Tunisie, accueillent plus d'une quarantaine de vols provenant de diverses destinations à travers le monde ?

L'Algérie doit mobiliser des ressources pour reconstruire ses infrastructures et, à notre avis, accorder une attention particulière à la fiscalité locale afin de réinvestir dans ce secteur crucial. Il est impératif que les commerçants, les promoteurs immobiliers et les propriétaires qui louent des appartements pendant la période estivale contribuent financièrement à cet effort collectif, qui ne doit pas reposer uniquement sur l'État, comme c'est le cas dans d'autres régions du monde.

Leur participation est essentielle pour redonner à Jijel l'image qu'elle mérite et exploiter pleinement son potentiel touristique. En outre, les autorités doivent imposer des sanctions sévères à ceux qui dégradent l'environnement, en instaurant des amendes, comme cela se fait dans d'autres pays. Une telle répression dans ce domaine contribuerait à sensibiliser les Algériens à l'importance de préserver leur environnement, ce qui est crucial pour attirer et retenir les touristes.

En effet, le développement du Tourisme en Algérie est une responsabilité qui incombe à tous les Algériens. Chaque citoyen, entreprise et acteur local, doit contribuer à cet effort collectif pour créer un environnement attrayant et accueillant, capable de séduire les touristes et de faire rayonner le pays à l'International. Le développement durable du secteur, l'Algérie pourrait, non seulement, attirer davantage de visiteurs, mais aussi stimuler l'économie locale et améliorer la qualité de vie.

En 2021, la Turquie a enregistré des revenus touristiques considérables, s'élevant à environ 23 milliards d'euros, attirant plus de 44 millions de touristes.

La Turquie s'est ainsi classée en quatrième position parmi les destinations les plus prisées au monde cette même année. En 2023, l'Espagne a généré plus 59 milliards dans ce domaine. L'Algérie, qui dispose d'un potentiel encore plus grand, pourrait non seulement atteindre, mais même dépasser de tels chiffres.

Cependant, cela nécessite une véritable volonté collective des Algériens et un engagement fort de l'État, sous la direction de spécialistes du secteur, voire même en recrutant des experts étrangers pour apporter leur expertise.

Pour exploiter pleinement ce potentiel, il est crucial que tous les acteurs, du gouvernement aux citoyens, unissent leurs efforts pour créer un environnement attractif répondant aux normes internationales. En somme, sans une stratégie touristique bien définie et des investissements conséquents, le Tourisme en Algérie risque de rester un secteur peu structuré et peu compétitif, souvent qualifié de « bricolage ».

Cette situation favorise actuellement les pays voisins, qui craignent vivement que l'Algérie ne devienne un concurrent de taille. Il nous incombe d'apporter les solutions adéquates pour faire la différence !

*L'École des Hautes Etudes, des Sciences sociales de Paris Anthropologue EHES



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