Algérie

Jijel en musique-Double Kanon explosif



Balistique protestataire Trois jours durant - du 8 au 10 août -, Jijel a célébré la musique dans un port de pêche, cadre exceptionnel pour faire vibrer les mélomanes de tout bord. Le menu de rêve concocté par les associations Sky Music de Jijel et Nouba Prod de Grenoble a, de l?avis général, été succulent. Le public venu en force au port de Boudis, centre-ville de Jijel, écouter les captivantes têtes d?affiche, tels Double Kanon, Réda Taliani, Arrès ou encore le groupe franco-anglais de Grenoble, Dnb, a donné à certains moments des sueurs froides au service d?ordre qui avait toutes les peines du monde à contenir l?extraordinaire engouement des jeunes. C?est une jeunesse grandement honorée qui a tenu coûte que coûte à voir de près ses idoles, particulièrement Lotfi de Double Kanon, le sultan du rap algérien. Ainsi, les quais du port ont troqué temporairement leurs pensionnaires pour accueillir des milliers de fans - on avance une affluence de 15 000 à 20 000 personnes chaque soir - parmi lesquels on remarquera une nuée d?estivants venus des wilayas de l?intérieur. Cette année, Jijel n?offre pas seulement ses plages aux visiteurs. Après une journée passée au bord de l?eau, les familles se retrouvent par centaines dans le port de Boudis pour goûter à la cerise festivalière, caressées par la brise marine sous un déluge de sonorités exaltantes Lundi 8 août (21 h). La porte du festival Jijel en musique a été ouverte le lundi 8 août par un bel hommage au défunt fils de la ville Aziz Djemame, membre du groupe constantinois de jazz Sinouj avant que le groupe local de chaâbi, dirigé par Larbi Cheriguène, active la parfaite machine technique minutieusement réglée par les techniciens de Nouba Prod, Mourad Melloul (son) et Belkacem Achour (lumière), qui ont donné le petit plus qui fait la grande différence. Le reste de la soirée sera animé par Benzina qui sera suivi de Massa Bouchafa qui chauffera chaudement l?assistance en dépit de certains glissements dans la voix par moment. Mardi 9 août La tension est à son comble. La foule attend impatiemment l?entrée sur scène de Lotfi. L?entame de la soirée par le groupe franco-anglais établi en France Dnb (Dandy & Brandy) révélera des musiciens séduisants pourvus d?une grande technicité, qui, en un tour de main, sont arrivés à séduire l?assistance qui plongera sans le moindre accroc dans une complicité émouvante. Dnb qui a présenté des compositions anglo-saxonnes s?est formé en 1994 avant de connaître une séparation. Durant près d?une dizaine d?années, il a animé des concerts dans la région grenobloise. En 2001, le groupe pop-rock, très influencé par les musiques des années 1970 et 1980, notamment Led Zeppelin, Queen, Pink Floyd, Deep Purple, Supertramp, AC/DC... est reformé. James, le chanteur et auteur-compositeur consacré en 2001 d?un disque d?or pour le générique de « Loft Story » de M6, nous dira qu?il aime la musique mélodieuse sans se départir néanmoins du côté un peu rebelle. « Je m?aime et je me déteste », avouera-t-il pour nous expliquer les thématiques introspectives développées dans ses chansons. James, en tunique écossaise, son frère Steven (batterie et contre-chant), Benjamin (clavier), Pierre Louis (guitare), Christophe (basse) et le grand guitariste Jeff (Jean François) diront être ravis de faire leur première grande scène internationale à Jijel en attendant la sortie fin 2005 de leur premier album en préparation depuis deux années. Dnb rythmera son passage avec des sonorités croustillantes d?une qualité fabuleuse. Le public exulté par les Tahia Jijel et Choukrane Jijel, lancés par James, se retrouvera rapidement entraîné dans les méandres de la musique pop. Dnb, qui est remonté sur scène le mercredi 10 août, confirme une fois de plus qu?en matière de pop-rock, les Britanniques sont encore comme des poissons dans l?eau. En dépit de sa belle voix, Sofiane Chikhi, chanteur local qui prendra par la suite la place de Dnb, sera trahi par les incohérences musicales distillées par le groupe qui l?a accompagné. Double Kanon plébiscité L?entrée sur scène de Lotfi de Double Kanon portera l?aiguille du manomètre à son ultime position. La pression est telle qu?on a l?impression que ça déborde de partout au vu du déchaînement provoqué par cette intrusion. Dès l?entame de son tour de chant, Lotfi accroche avec ténacité l?attention d?un public prématurément acquis avec lequel il entrera en symbiose. En ch?ur, la foule reprenait à tue-tête les syllabes prononcées par le chanteur. Double Kanon a marqué - à notre humble avis - ces trois folles journées de musique par un quasi-plébiscite du public, même si Réda Taliani continue à jouir sans conteste de sa célébrité. Lotfi, au verbe provocateur, ne manquera pas non plus d?adresser des répliques contestatrices à la table d?honneur pour rassurer les jeunes parqués à l?arrière. Depuis son entrée dans l?arène artistique en 1990, le sultan du rap algérien Lotfi continue d?émerveiller et de séduire les jeunes qui voient en lui le parfait ambassadeur. Et pour cause, Lotfi s?appuie sur les messages qui intéressent la jeunesse. Il banalise les faits de société, caricature les maux sociaux bien que des fois, reconnaîtra-t-il, « il faut être intelligent pour contourner la censure ». La suite du programme assurée par Kamal Nemri, adepte du chant sétifien, sera quelque peu perturbée par l?ouragan généré par un Double Kanon - non scié - explosif. Mercredi 10 août, Joséphine L?ultime soirée de la programmation du Jijel en musique a été entamée par les artistes locaux de Shkoumoun, un groupe qui excelle dans le chant gnaoui dont on attend encore impatiemment qu?il vole de ses propres compositions. Dnb fera aussi une deuxième incursion sur scène au cours de laquelle James ne manquera pas d?inviter les musiciens de Shkoumoun à adjoindre bendir et karkabou à ses sonorités. Arrès, dès son entrée, enflammera l?assistance par ses chansons connues sur le bout des doigts qui résonnent dans toutes les fêtes familiales. La clôture de l?exploit fou de Sky Music et Nouba Prod reviendra à Réda Taliani qui tout de go entonnera sa célèbre Joséphine sous une averse de répliques et de danses du public. En gros, nous pouvons dire que la majorité des artistes montés sur la scène ont raconté l?histoire des jeunes où se mêlent passion et frustration. Ces trois journées ont permis au public de nouer une complicité avec des artistes fascinants qui ont reconfiguré la carte postale d?un Jijel quasi répudié durant près d?une décennie.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)