Algérie

Jeunes handicapés moteurs



Jeunes handicapés moteurs
«Si l'université algérienne ne compte pas un grand nombre d'étudiants handicapés, c'est parce que la discrimination de cette frange de la société commence à un âge assez précoce», nous avait instruit un enseignant averti. Effectivement, la rédaction d'El Watan étudiant vient de constater la véracité de cette triste sentence, alertée par les parents d'élèves handicapés moteurs de l'école d'El Harrach, venus revendiquer le droit à la scolarité de leurs enfants, munis d'une énième lettre ouverte.Les appels de détresse des parents d'élèves handicapés moteurs de la région Centre reviennent chaque année comme des marronniers à coups de communiqués et par voix de presse, devant l'indifférence des autorités de tutelle. Infatigables et déterminés, les parents des enfants handicapés moteurs de la région Centre du pays reviennent inlassablement à la charge. Ces parents, déjà affligés par le handicap de leurs enfants n'ont eu de cesse, depuis près de 8 ans, de manifester leur indignation de voir leurs enfants privés du droit au savoir. Ils dénoncent le refus d'inscrire leurs enfants en âge de scolarité au niveau de l'école des handicapés psychomoteurs d'El Harrach, seul établissement du genre à accueillir cette catégorie de jeunes handicapés dans la région Centre.En effet, les inscriptions de nouveaux élèves handicapés moteurs a été gelée dès la rentrée scolaire 2006. Face aux revendications des parents d'élèves, la direction de l'école brandit une décision officielle émanant de la Direction générale de la CNAS sous tutelle du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale dont dépend l'établissement. «Les responsables de cette structure médico-pédagogique qui nous ont confirmé l'interdiction et même s'ils se montrent solidaires et compatissants, nous ont indiqué que cette situation ne relève pas de leurs prérogatives et qu'ils ne font qu'exécuter les injonctions de leur hiérarchie», témoigne un mère, affectée, devant le portail de l'école.A ses côtés, des parents d'autres élèves partagent son inquiétude : «A chaque rentrée, devant le refus d'inscrire nos enfants, nous essuyons la même rengaine, la direction de l'école nous renvoie vers la CNAS, cette dernière dépendant du ministère du Travail, nous signifie que nos enfants relèvent du ministère de la Solidarité nationale ; nous ne savons plus à quel saint se vouer», renchérit une autre dame, qui force le jeu de mots avant de nous rappeler l'histoire de l'édifice : «Beaucoup regrettent la charité des bonnes s'urs quand cet établissement était administré par l'archevêché, les anciens élèves handicapés qui sont passés par là et qui ont réussi leur intégration dans la société, forts de leur instruction, nous avaient donné l'espoir de voir nos enfants sauvés de leur triste sort ; nous avions cru au salut des institutions républicaines, hélas nous avons été vite rattrapés par la déception d'une bureaucratie sans foi.»En effet, depuis la reprise de l'ancienne clinique orthopédique d'El Harrach par les autorisée algériennes dans les années 70, l'établissement a changé de tutelle à plusieurs reprises, dépendant actuellement de la CNAS, l'établissement serait en période de transition pour passer sous la tutelle du ministère de la Solidarité nationale. Les parents dénoncent cette situation transitoire qui s'éternise : «Les responsables du ministère du Travail nous ont fait savoir qu'ils étaient toujours en tractations avec leurs homologues du ministère de la Solidarité et nous renvoient vers ces derniers pour prendre en charge nos enfant privés d'école, mais nous savons pertinemment qu'il n'existe pas d'autre centre à même d'assurer la prise en charge scolaire de nos enfants. Ils nous proposent d'autres centre inadaptés aux besoins et aux capacité de nos enfants ; ils veulent qu'on les intègre avec les déficients mentaux, c'est une aberration et une terrible injustice», s'émeut le père de deux enfants handicapés, dont l'un est officiellement scolarisé et l'autre, plus jeune, privé de prise en charge.Et d'ajouter : «Nous nous battons depuis 8 ans et c'est autant d'années de perdues pour ces pauvres enfants interdits d'école, mais nous refusons de tomber dans le piège des promesses non tenues et nous continuerons à nous battre pour garantir le droit au savoir à nos enfants qui, malgré leurs handicaps ont les moyens intellectuels de poursuivre des études, les exemples de réussites scolaires ne sont plus à démontrer, et ça serait un crime contre leur humanité que de les empêcher de s'épanouir et les priver de leur unique chance de devenir autonomes et d'intégrer la société.»Devant le refus d'intégrer les élèves handicapés moteurs au sein des écoles normales sous prétexte d'absence de moyens et de personnel qualifié et le déficit flagrant du ministère de la Solidarité en matière de structures fonctionnelles susceptibles de prendre en charge cette catégorie de handicapés sur le plan médical, mais aussi et surtout celui relatif à l'encadrement pédagogique, les enfants handicapés moteurs sont les victimes de l'incompétence des autorités publiques et leur approche défaillante dans la prise en charge même de cette frange de la société marquée par ce grave précédent qui par déficience d'un système fiable d'information confond des catégories de malades souffrant de troubles bien distincts.«Il existe une classification qui oppose les handicapés physiques et les déficients mentaux et toute une nomenclature de troubles associés qui permet de distinguer les besoins mais aussi les compétences des jeunes handicapés», nous renseigne un éducateur spécialisé. «Les enfants capables de recevoir une instruction ne doivent pas être confondus avec les plus impotents», explique-il avant d'exprimer ses regrets quant à l'imminente fermeture de l'établissement : «Nous autres serons sûrement réaffectés vers d'autres structures, ce sont les pauvres élèves qui seront les victimes expiatoires d'un système ?'handicapé », se désole-il.«Nous savons désormais que l'école s'apprête à fermer ses portes, et cela est imminent. Ils attendent l'extinction de la dernière promotion des élèves encore scolarisés, ceux qui l'ont été avant 2006, nous craignons qu'à la rentrée prochaine cet édifice soit déjà désaffecté, et qu'avec la disparition de notre unique lieu de ralliement, la cause de ces pauvres enfants sera perdue» prévient, inquiet, un père de famille. Lasse d'avoir été ballottée entre les administrations et ministères qui se rejettent la responsabilité et frustrée des fins de non-recevoir après avoir frappé à toutes les portes, l'association des parents d'élèves handicapés moteurs vient d'adresser une lettre ouverte au président de la République, qui avait d'ailleurs déclaré que l'Algérie «ne ménagerait aucun effort pour garantir à cette catégorie de la population l'éducation, l'enseignement et les stages de formation afin de faire valoir ses droits sur le marché du travail sans complexe ou sentiment d'infériorité». Ce fut, coïncidence somme toute paradoxale, en 2006, à l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, l'année où la malheureuse décision de geler les inscriptions a été prise.




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