Algérie

Jeu de dames



Jeu de dames
Une comédie de Molière ' Certainement pas : finesse, sourires, mots d'esprit manquent à la farce qui se joue actuellement à l'Elysée. Un vaudeville à la Feydeau ' Pas davantage : aucune drôlerie, pas de fous rires, mais du grotesque et, au niveau où il se situe, de la stupéfaction. Comment est-ce possible, se dit-on, d'être aussi maladroit, aussi empêtré dans ses contradictions ' La presse étrangère se moque, mais en France, si la plupart des journaux déplorent la conduite du chef de l'Etat et le discrédit qu'elle jette sur sa fonction, beaucoup soutiennent qu'il a le droit, comme tout un chacun, d'avoir une vie privée.Finalement, les paparazzis seraient les seuls responsables du ridicule qui frappe actuellement le premier personnage de l'Etat. Etrange façon de l'innocenter. Comme si lui-même, en se coiffant d'un casque et en se cachant derrière le dos du policier qui l'emmenait en scooter à son rendez-vous galant, ne confirmait pas, fût-ce de façon saugrenue, qu'il n'avait ni la possibilité ni le droit d'avoir une vie privée. A partir du moment, en effet, où un individu parvient au sommet de l'Etat, il renonce à toute vie privée. Un ministre, un haut fonctionnaire peuvent en avoir une : ils n'intéressent pas le public.Un président de la République, non. Parce qu'il exerce une fonction qui le met souvent en contact avec les citoyens ? inauguration de foires, visites d'usines, d'hôpitaux, conférences de presse ? et l'expose en permanence à leur curiosité comme à celle des paparazzis. Il le sait parfaitement, puisqu'à peine élu il promet de publier régulièrement un bulletin de santé, quitte à l'oublier ou à produire un bulletin mensonger. Mais s'il sait que son état de santé intéresse les citoyens, il sait aussi que «le reste» les intéresse tout autant, sinon plus : sa femme, ses enfants, son labrador ou ses caniches, l'endroit où il passe ses vacances, ses promenades, ses lectures?Qu'il s'en réjouisse ou le déplore, il est soumis à une exigence de transparence totale et son rôle exclut toute possibilité de passer inaperçu. Il l'exclut d'autant plus qu'il n'est jamais seul ? secrétaires, conseillers l'entourent en permanence, des huissiers contrôlent les visiteurs et, s'il décide de se promener en ville, un ami l'accompagne, des policiers le surveillent. Veut- il s'éclipser, on le suit. Prise à la lettre, ou au sérieux, la fonction présidentielle exige donc une sorte d'ascétisme de celui qui l'exerce, et elle est organisée de façon telle que cet ascétisme soit possible.En apparence, en tout cas. Car l'on chercherait en vain, semble-t-il, un Président qui l'ait exercée comme elle doit l'être. Même de Gaulle, insinuent les connaisseurs, se serait permis quelques libertés. L'exercice du pouvoir modifie, en effet, la psychologie de son détenteur, brise des tabous, accroît son narcissisme et stimule sa libido. A un point tel qu'il se croit souvent tout permis, ou presque, en particulier avec les journalistes femmes. Comme en donne maints exemples un livre tout récent de Renaud Revel, rédacteur en chef de L'Express, Les Amazones de la République, livre très sérieux et très bien informé, en particulier grâce aux récits d'un grand nombre d'ex-familières de l'Elysée. Depuis des décennies, écrit l'auteur, «comme deux chevaux arrimés au même harnais, politiques et journalistes galopent de concert dans une fascination réciproque».Fascination à dominante sexuelle et dominatrice chez les hommes, plus sentimentale et parfois très intéressée chez les femmes. Les premiers considèrent les premières comme des objets à conquérir puis à jeter, les secondes font souvent preuve d'un attachement réel, parfois dévot. Pour beaucoup, «la politique est leur église et l'Elysée leur Vatican». Leur pape se conduit assez souvent comme un palefrenier. Sans aller jusqu'à imiter le financier Beaujon, trésorier de la Cour, qui au XVIIIe siècle «paradait dans le parc du Château à bord d'une voiture tirée par des créatures déshabillées, ses berceuses», certains n'hésitent pas, sans crier gare, à enlacer brusquement la journaliste assise à leurs côtés, à lui caresser un genou, ou à la fixer longuement, puis à lui déclarer : «Mademoiselle, je ne vous dévisage pas, je vous envisage».Certaines sont flattées, d'autres intimidées, presque toutes conquises. Celles que les approches présidentielles ne séduisent pas le paient très cher : on les croise sans les voir et, si elles participent à une réunion, on les ignore, on n'écoute pas ce qu'elles disent ou on les accable de reproches. Jusqu'au jour où l'entrée du Palais leur est interdite. A de rares exceptions près, la quasi-totalité des locataires de l'Elysée ont largement usé de leur position pour multiplier leurs conquêtes féminines. Seuls quelques maladroits, incapables de cacher leurs fredaines, ont accusé les médias d'indiscrétion. Réaction infantile : «J'ai rien fait, c'est lui !» La plupart ne se plaignent pas, et pour cause : ils ont partiellement «privatisé» leur vie publique et habilement saisi les occasions qui se présentaient. «Nos grandes figures politiques sont d'indécrottables séducteurs grisés par la gloire, écrit R. Revel. Et ce statut leur confère, sur le plan de l'intimité et de la sexualité, une quasi-immunité : un blanc-seing autrefois baptisé droit de cuissage».




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