Algérie

Jérôme Ferrari : L'homme nu



Avec un style aiguisé, incisif, il épluche la condition humaine, pelure après pelure. L’homme nu n’est pas beau.
Aucune victime n’a jamais eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances. Prenez la photo où on voit Larbi Ben M’hidi arrêté, menotté, entre deux paras. Il est exhibé à la presse, comme une prise de guerre. Cette arrestation est censée signifier la fin de la guerre et le retour à l’ordre ancien. Sur la photo, l’un des paras parade, l’autre semble un peu gêné. Et Ben M’hidi (Tahar) ' Il a un sourire lumineux, contagieux. Maintenant, avançons des noms pour les paras, sans grand risque, Jacques Pâris de la Bollardière (capitaine Degorce) et Paul Aussaresses (lieutenant Andreani). Nous sommes en pleine bataille d’Alger, la torture est érigée en système. Et Maurice Audin (Clément). Les militants du FLN passent entre les mains des deux personnages, d’un tortionnaire à un autre. Le premier torture avec répugnance, le second sans état d’âme. Tous les deux reviennent d’Indochine.  L’Algérie devient la guerre à ne pas perdre. A tout prix. Et justement pour le capitaine Degorce, le prix est trop élevé. «Chaque matin, il faut trouver la honte d’être soi-même». Avec un style original, un rare talent de conteur, il décrit, tel un chirurgien, ce combat avec et contre soi-même. Il réussit le pari insolent de parler d’obscénité sans tomber dedans. Car il faut du courage, de la patience pour aller au bout de cette descente aux enfers. L’avilissement des corps, la destruction morale comme de simples techniques d’interrogatoire. Ou plus pudiquement «questionnement avec peine». «Messieurs, la souffrance et la peur ne sont pas les seuls clés de l’âme humaine. Elles sont parfois inefficaces. N’oubliez pas qu’il en existe d’autres. La nostalgie. L’orgueil.  La tristesse. La honte. L’amour. Soyez attentifs à celui qui est en face de vous. Ne vous obstinez pas inutilement. Trouvez la clé. Il y a toujours une clé.» Comment un jeune résistant, arrêté et torturé en 1944, puis déporté, peut-il devenir lui-même tortionnaire ' Les circonstances, le lieu, les ordres ' Jérôme Ferrari, qui a été professeur de philosophie au lycée international d’Alger, nous offre un livre poignant, bouleversant, à la limite du supportable. Introspectif et rédempteur.
                


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