«Progresser de manière pragmatique et résolue». Jean-Pierre Raffarin, le
«Monsieur Algérie» de l'Elysée pour les questions économiques, s'est voulu très
optimiste dans l'entretien accordé au journal Liberté à la veille de sa visite
à Alger.
L'ancien Premier ministre français, crédité d'une mission réussie d'amélioration
des relations entre la Chine et la France qui s'étaient dégradées à la veille
de l'organisation des jeux olympiques, compte appliquer la même méthode avec
Alger. Rien que du classique : affirmation du respect de la souveraineté de
l'autre et recherche d'accords concrets. «Il n'y a pas de blocage ni de crise
latente mais une volonté partagée de progresser», a-t-il déclaré à notre
confrère. Plus de contestation ouverte sur les mesures de cadrage des
investissements étrangers, notamment la règle des 51/49%. Les entreprises
françaises doivent s'y «adapter» comme les autres. M. Raffarin est toute
compréhension et ne qualifie pas de «protectionnistes» ces mesures. Il comprend
même le souci des autorités algériennes de chercher à «développer davantage
leur outil de production» et «ménager l'avenir». Jean-Pierre Raffarin, qui a
été un moment ministre de la PME, est en phase avec les opérateurs économiques
français, grandes entreprises ou PME. Celles-ci estiment que la diplomatie de
leur pays doit les aider à préserver leurs parts de marché en Algérie et
surtout à prendre une partie du «gâteau» quinquennal algérien de 286 milliards
de dollars. A tort ou à raison, ces opérateurs pensent que l'ancien chef de la
diplomatie française, Bernard Kouchner, les a plutôt desservis en se risquant à
des déclarations contestables et surtout inutiles à ce niveau de fonction.
C'est ce qui explique d'ailleurs que l'Elysée se soit réservé le «dossier
Algérie».
Décrispation
La mission de Raffarin dont l'homologue algérien est Mohamed Benmeradi,
ministre de l'Industrie, de la Petite et moyenne entreprise et de la Promotion
de l'investissement, est le fruit de discussions entre Claude Guéant, le
secrétaire général de l'Elysée, et M. Ahmed Ouyahia, Premier ministre. Les
choses ont été déblayées avant cette visite. Même si elles ne sont pas
résolues, les questions mémorielles ne constituent plus un obstacle. La fin de
l'affaire du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, mis en cause dans
l'assassinat d'Ali Mecili, aura considérablement aplani les choses. La
désignation de chargés de mission pour l'économie traduit clairement une
volonté de faire Å“uvre de pragmatisme et de faire avancer les choses là où cela
est possible. L'économie est clairement identifiée comme un domaine où les
intérêts mutuels peuvent progresser. Ce qui, il faut bien le constater, est une
tradition des relations algéro-françaises où le climat politique, en général très
changeant, a peu d'incidences sur les échanges économiques. On a d'ailleurs
constaté que le contexte politique maussade qui prévalait ainsi que les mesures
économiques «patriotiques» décidées par le gouvernement algérien n'ont pas eu
d'incidences notables sur les exportations françaises en direction de
l'Algérie. Les propos alarmistes entendus en France après l'instauration du
Credoc et l'interdiction du crédit à la consommation n'ont pas été confirmés
par les chiffres. Il a suffi que la phase d'adaptation aux nouvelles règles en
place se termine pour que les choses rentrent dans l'ordre.
Se placer pour les contrats
En dépit des disputes politiques récurrentes et des modifications des
règles en matière économique, les opérateurs français maintiennent leur
position. Ils n'ont pas besoin pour cela de la mission de Raffarin, une
certaine diversification de l'activité commerciale et les «habitudes» des
importateurs algériens suffisent. Par contre, la mission de Raffarin paraît
importante dans l'obtention de contrats dans le cadre d'un plan quinquennal
très dépensier. Celle-ci se présentait sous de bons auspices. Le 18 octobre
dernier, le président Abdelaziz Bouteflika assurait, après avoir reçu Michèle
Alliot-Marie, devenue depuis ministre des Affaires étrangères, que les
relations entre l'Algérie et la France se «portaient bien». Entretemps, il y a
eu l'intervention brutale des forces marocaines contre le campement de la
protestation sahraoui de Laâyoune et l'opposition de la France au niveau du
Conseil de sécurité à l'envoi d'une mission d'enquête. Difficile de mettre de
côté les vieilles divergences politiques. Mais la visite de Raffarin sera sans
doute l'occasion de confirmer qu'en dépit de ces divergences et des passions,
le «pragmatisme» est déjà en vigueur depuis longtemps dans les relations
algéro-françaises.
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Posté Le : 24/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com