Algérie

Jean Martinetti et Simon Métral. De l?Association pour le respect du site du Mont-Blanc



« Cet accident est comparable à l?incendie d?une petite centrale nucléaire » Dégagement de gaz toxiques, ruissellement des polluants suite aux pluies et peut-être infiltration directe de carburants : nous avons demandé à deux techniciens de l?Association pour le respect du site du Mont-Blanc (Alpes) de nous éclairer grâce à leur expérience du 24 mars 1999, date à laquelle 39 personnes avaient trouvé la mort dans l?incendie du tunnel du Mont-Blanc.  D?après nos sources, 13 citernes de 27 m3 et 2 citernes de 33 m3 de carburant sont en train de brûler dans le tunnel ferroviaire de Lakhdaria. Soit plus de 400 m3. Qu?est-ce que cela représente ?  Simon Métral. C?est énorme. Pour donner une idée, quand un camion chargé de pneus brûle dans un milieu confiné, la température grimpe à 1000 degrés. Dans le cas présent, on frôle les 2000 degrés ! A ce niveau, tout fond, même le ciment. On pourrait comparer l?ampleur de l?incendie à un puits de pétrole qui brûle. Le problème, c?est que la topographie empêche l?intervention, donc il faut attendre que tout le gasoil brûle, ce qui va prendre du temps car avant de brûler, il doit chauffer un long moment.  Jean Martinetti. Lors de l?incendie du tunnel du Mont-Blanc, nous avions exprimé la quantité de carburant brûlé en puissance thermique. Cet accident représenterait à peu près entre 2250 et 3000 mégawatts, soit autant qu?une petite centrale nucléaire en train de brûler. La pollution la plus importante est d?abord atmosphérique car le carburant, pour l?essentiel, a brûlé. De cette combustion se dégagent des gaz extrêmement toxiques : du gaz carbonique pour l?essence et le gasoil et du benzène pour l?essence. Il faut aussi compter les gaz toxiques dégagés par les produits solides qui ont brûlé. Mais, a priori, ces fumées sont dispersées dans l?air.  Quand il fait beau et qu?il y a du vent ! Mais depuis plusieurs heures, il pleut?  Jean Martinetti. C?est un problème. Non seulement la pluie freine la dispersion ? les fumées ne peuvent pas traverser la couche de nuages ? mais elle ramène la pollution au sol, car les gaz chauds qui entrent au contact des gouttes de pluie refroidissent et retombent sur le sol, qui se retrouve imprégné de pollution.  Cette eau polluée peut-elle s?infiltrer dans le sol et donc dans les nappes, ou ruisseler jusque dans l?oued qui se trouve en bas ?  Simon Métral. Oui. Mais il y a pire : la totalité du carburant n?ayant pas pu brûler d?un seul coup, une partie s?est sans doute écoulée et infiltrée dans le sol. Et l?eau utilisée pour éteindre le feu, qui ruisselle, accélère le processus d?infiltration.  Mais un géologue algérien affirme que la roche aux alentours du tunnel, chisteuse, est imperméable...  Simon Métral. Donc il faut craindre un écoulement en bas de vallée.  Jean Martinetti. Il faut espérer que des prélèvements d?eau dans l?oued seront faits dans la semaine. Dans ce cas, la pollution devrait être locale mais il faut s?interroger sur la possibilité qu?un tel événement se reproduise à une plus grande échelle ou à proximité d?une agglomération.  Que peut-on craindre des gaz toxiques ?  Simon Métral. Il est encore un peu tôt pour le dire. En théorie, les poussières fines qui émanent de la combustion du gasoil sont dangereuses pour la santé, car elles pénètrent dans les alvéoles pulmonaires et dans le sang. Si la zone n?est pas habitée, c?est un souci en moins, même si par ailleurs, ce n?est pas bon pour la faune et la flore?


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