Algérie

Je veux m'exprimer par des sensations



Je veux m'exprimer par des sensations
Un film sur la guerre d'Algérie qui a eu le Prix suprême au FID Marseille, édition 2013, et un autre en préparation Le Fort des fous. El Watan week-end rencontre l'auteure de Loubia Hamra, un film fracassant !-Quelle est l'origine du film 'Pendant le cinquantième anniversaire de la libération de l'Algérie, je me demandais comment en parler sans le poids de l'histoire. Je ne suis pas historienne et j'ai voulu raconter au travers des êtres, de ceux qui ont des souvenirs précis ou imprécis, peu importe, j'ai voulu l'exprimer par des sensations et non pas comme une analyse distanciée. J'ai désiré dire ce que nous sommes maintenant et qui est notre plus grande victoire, celle d'être un pays libéré. C'est certainement ce qui est le moteur du film, ce rappel le plus fondamental qui n'est peut-être pas encore suffisamment acquis en chacun de nous, Algériens.-Ce qui frappe d'emblée dans votre film, ce sont les acteurs et actrices, dont la majorité ne dépasse pas le stade de l'adolescence. Ce choix était dans le projet initial 'Ils sont l'image même de la liberté. Ca ne pouvait être exprimé que par eux. J'ai fait attention à ne pas laisser jouer des enfants qui étaient déjà adultes malgré leur jeune l'âge et qui transportaient des choses plus lourdes en eux, visibles dans leurs gestes et dans leurs mots. Aucun adulte ne saurait être tel qu'ils ont été pour dire la force de la liberté. Je précise qu'aucun d'entre eux n'avait une expérience du cinéma.-On pense à Sa majesté des mouches. Quel est votre rapport, votre positionnement dans cette résonance entre le sujet de votre film et la société algérienne actuelle 'J'ai beaucoup d'admiration pour Peter Brook, mais quand j'ai revu Sa Majesté des mouches après avoir fait Loubia Hamra, j'ai aussi vu combien il était strict et très organisé dans sa mise en scène, qui est à l'inverse de la mienne. Même si nous avons tous les deux travaillé avec des enfants, l'objectif et le sujet ne sont pas les mêmes. Quant au passé et au présent, au-delà de ce film, au-delà de la société algérienne, je ne considère jamais le temps présent sans le passé et sans le futur. J'aime quand le temps du moment est effleuré par le passé et qu'il se projette en avant.C'est une sensation formidable qui est à l'image de ce que nous vivons intérieurement : ce trouble permanent du mouvement. Mais vous avez raison aussi, je n'ai pas voulu faire de cette histoire une histoire passée. Le désir des Algériens de vivre sans injustices sociales est un désir qui existe encore très fort en eux. Je parle surtout des citoyens entre eux, des différences sociales qui sont extrêmes. Ces enfants nous montrent combien, quel que soit le terrain social, le potentiel de ce pays est fort. Mais à cause de leur condition sociale, leur avenir est ébranlé. J'avais très envie de montrer qui ils étaient, que leurs capacités soient vues et reconnues par tous.-Pourquoi votre choix s'est porté sur Nasser Medjkane pour le cadre ' Comment avez-vous travaillé avec cet homme, connu pour être un électron libre 'Nasser est pour beaucoup dans le courage de mon cinéma. Nous sommes, sans le chercher, dans le frémissement de la création et de l'aventure, dans la quête permanente de rester en éveil pour faire avec ce qui est là, devant nous, sans surenchère et sans maîtrise. Nous avons tous les deux ce lien à la vie, c'est inespéré pour faire ce que nous avons à faire et comme nous aimons le faire. Jamais je ne regarde ce qu'il choisit de filmer quand il le filme, mais nous savons tous les deux ce qu'il y a à voir. Il m'a dit : je fais un documentaire sur ton film et c'est exactement ça, ce résultat de Loubia Hamra qui nous laisse étonnés du vrai et du faux, du réel et du surréel. Je n'aurais pas pu envisager mon second film sans qu'il soit là et il est déjà là, pendant les repérages et toutes les rencontres et il sera là aux répétitions, dans une immersion totale. On sait tous les deux que nous n'avons pas le choix pour réussir ce nouveau film. Sinon j'ai découvert le travail de Nasser quand j'ai vu Gabbla de Tariq Teguia, une amie m'a donné son numéro de téléphone et je l'ai appelé.-Le filmage dans Loubia Hamra dégage une sensation de liberté, mais aussi de quelque chose qui serait incontrôlable. Vous captez de près les visages, les situations, vous insistez sur des évènements qui pourraient être définis comme des détails, mais vous en créez un liant qui permet au récit de s'évader. C'est ce cinéma qui vous interpelle 'Je suis en préparation d'un nouveau film Le Fort des fous qui se passe dans le désert en 1860. Je crois que je vais à l'extrême de ce que vous venez de décrire. Je considère très mal d'aller au-delà de ce qui existe ou alors je fabrique du surréel, ce que j'adore, mais je ne me donne pas le droit de recréer le vivant. Il est d'une telle puissance que je refuse de l'ordonner ou de le contrôler ou, pire, de le fabriquer. Je cherche et je trouve les situations, les personnes, souvent des non-professionnels ou des aventuriers pour donner vie au récit. Mais c'est le récit qui doit se plier à ce qui est là et non l'inverse. Je peux, par exemple, imaginer un enfant avec un certain caractère, mais c'est celui de mon imaginaire qui va se transformer pour devenir celui qui va l'incarner et non l'inverse.Dans Le Fort des fous, nous serons seulement trois à avoir une expérience du cinéma pour faire un film qui va se préparer en 4 mois et qui sera tourné en deux mois avec plus de 100 rôles, sans compter les animaux, les artisans de la région qui feront les décors, le maquillage, les costumes, tout. Avec Nasser Medjkane qui était avec moi à Timimoun, nous avons vécu un moment unique. Un jeune garçon qui travaille dans l'abattoir de la ville a créé avec un menuisier le prototype d'un bouclier en peau de chameau. Le résultat est magnifique, ces deux hommes ont fait un objet d'une grâce et d'une beauté sauvage. C'est ce cinéma que j'aime, celui qui me donne l'immense chance de vivre le film plutôt que de le faire.




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