Algérie

Je t’attendais de Adila KatiaTraumatisme multiple



Je t’attendais de Adila KatiaTraumatisme multiple
Publié le 13.12.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie
Par MERIEM GUEMACHE

Inspiré d’une histoire vraie, le roman Je t’attendais de Adila Katia interroge à la fois le poids du patriarcat, le mariage forcé et les traumatismes de la décennie noire dont les femmes ont payé un lourd tribut.
Le nouveau roman de Adila Katia est inspiré d’une histoire vraie. Un couple mixte, récemment débarqué de Lille, passe quelques jours de vacances dans un village enclavé d’Algérie. Lydie, une Française, est mariée depuis quelques années à Dahmane. Ils sont les parents de Lisa, 12 ans. Le séjour en Algérie se prolonge au-delà de la date fixée pour le retour. La maman et la fille s’impatientent. Elles ont hâte de retourner à Lille où leur vie les attend, d’autant plus que Lisa se sent complètement dépaysée dans ce milieu rural et qu’elle n’a pas d’accointance avec ses cousines qui ne parlent pas un traître mot de français.
Contre toute attente, Dahmane annonce enfin sa décision à sa femme Fini l’exil ! Adieu la France ! C’est auprès des siens qu’il veut passer le restant de ses jours. Pour Lydie, c’est la douche froide, le cataclysme, le tsunami : «Lydie le regarde comme si elle le voyait pour la première fois. Elle ne le reconnaît pas. Ce séjour l’a transformé. Le pays le tient par les entrailles cette fois. Il est prêt à se séparer d’elle, à sacrifier leur mariage. Et leur fille ? Qu’adviendra-t-il d’elle ?»
Lydie n’est pas au bout de ses peines. L’homme qui a partagé sa vie durant de longues années a d’autres projets. Il veut prendre une épouse du bled qui lui donnera un héritier et perpétuera sa lignée. Toutefois, Dahmane tente de rassurer sa femme : «Tu resteras celle que j’aime. L’autre, ce sera pour avoir un fils ! Elle ne compte pas à mes yeux ! Je te le jure. Il n’y a rien de sentimental dans ce second mariage !» Mais il la prévient : «Si tu tiens à partir, je ne te retiendrai pas, mais notre fille restera avec moi ! J’aurai sa garde ! Elle ne partira pas avec toi !»
Dahmane insiste pour que sa fille renoue avec ses origines. «Je tiens à ce que Lisa apprenne l’arabe et qu’elle soit fière de ses origines.» Toutefois, il lui laisse le choix : elle peut rester et accepter son statut de seconde épouse. Pour Lydie, Dahmane marche sur la tête. Son sang se glace lorsqu’elle réalise que le passeport de sa fille s’est volatilisé.
«Lorsqu’il quitte la chambre, Lydie prend son sac à main qu’elle a caché dès son arrivée. Elle le vide sur le lit et quand elle constate la disparition des papiers de sa fille, elle réalise que l’idée de rester le travaille depuis longtemps, sinon il ne les aurait pas pris. Elle regrette de lui avoir fait confiance. Elle n’aurait pas dû venir.» Devant l’entêtement de son mari à poursuivre son projet de remariage, elle entame une procédure de divorce.
Le couple prend un billet pour Lille dans l’idée de faire un aller-retour rapide le temps de récupérer quelques affaires. Lydie promet à sa fille de revenir à ses côtés le plus vite possible. Elles repartiront toutes les deux à Lille où Lisa retrouvera ses camarades de classe. Hélas, les semaines succèdent aux mois et Lisa n’a plus aucune nouvelle de sa mère. Entre- temps, son père a pris une deuxième épouse. Il se montre de plus en plus méchant. Lisa envoie de nombreuses lettres à sa maman où elle la supplie de tenir sa promesse mais ses missives restent sans réponse.
Le remariage de son père l’a complètement anéantie. «Elle ne supporte pas l’idée qu’il puisse y avoir une autre femme dans la vie de son père, mais elle n’ose pas le lui dire. Elle tombe malade et refuse presque de se nourrir. Elle espère qu’un jour sa mère lui répondra.»
Les années passent. Mais toujours aucune nouvelle de Lydie. La jeune fille découvre que son père détournait les lettres qu’elle attendait. Dahmane file du mauvais coton. Il fricote avec un groupe de terroristes et se montre de plus en plus autoritaire avec sa fille. Un jour, il décide de la marier sans son consentement. Pour Lisa, c’est la goutte qui fait déborder le vase. «Elle se rend à la cuisine où elle prend une bouteille d’eau et retourne dans sa chambre. Elle a pris le soin avant de vider une plaquette de somnifères et elle les avale un à un jusqu’au dernier (...) Elle a froid. Elle se met au lit et se couvre bien. Elle attend avec impatience l’instant où ses paupières se refermeront à jamais. Elle pleure sa mère qu’elle n’aura pas revue. Les larmes mouillent son oreiller. Elle a la sensation d’être sur un nuage et quand elle tente d’ouvrir ses paupières, elle n’y parvient pas. Elle a la tête qui tourne même si elle ne bouge pas. Une douleur au ventre la plie en deux. Elle serre les dents pour ne pas crier. Elle ne veut pas être sauvée.»
Conduite aux urgences hospitalières, Lisa sera sauvée in extremis. Mais son père, têtu comme une mule, ne change pas ses plans. Un mois plus tard, il célèbre les noces de sa fille contre sa volonté. Mais Lisa ne compte pas se laisser faire. Elle va ruer dans les brancards et faire un pied de nez à une société pétrie de coutumes et de traditions patriarcales.
Ancienne chroniqueuse de presse (dans les quotidiens Liberté et le Soir d’Algérie), Adila Katia a publié plusieurs livres : Le Vieil Homme et la belle ; À l’ombre de tes yeux ; Le souffle du bonheur ; Beauvais, sur les traces de mon enfance ; Liberté et sacrifice et L’espoir au-delà des mots.
Meriem Guemache
Je t’attendais. Adila Katia. Medias Index éditions. 2023. 197 p.



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