Algérie

«Je suis contre la censure de quelque nature que ce soit»



«Je suis contre la censure de quelque nature que ce soit»
L'auteur d'Une nation, l'Algérie, relatant les véritables images portant sur la conquête de l'Algérie, il sera poursuivi pour atteinte à la Sûreté intérieure de l'Etat pour une phrase du film : L'Algérie sera de toute façon indépendante, L'Algérie en flammes ou encore Avoir 20 ans dans les Aurès, le cinéaste engagé, René Vautier, décédé, dimanche, à l'âge de 86 ans, s'était confié à El Watan le 28 février 2008. Nous reproduisons ici l'intégralité de l'entretien, à titre d'hommage, à l'occasion de la projection de son film Afrique 50, premier film anticolonialiste français (1950), projeté après? 40 ans de censure en France.- René Vautier est-il un franc-tireur, caméra au poing, engagé de la mémoire 'Je range la mémoire. C'est-à-dire qu'à partir d'un certain âge, on entre dans une période. Une période, quand on vous fait des hommages, ça sent le sapin (de mauvais augure). Il y a quelques années, on m'a décerné le Grand prix du public de la Cinémathèque française. Moi, je suis Breton, avec toute l'amitié que je porte aux gens de la Cinémathèque française qui comprendront, mes films iront à la Cinémathèque de Bretagne, à Brest, à 15 km de l'endroit où je suis né. Je faisais des films d'intervention sociale et autres événements de crise. On prenait partie pour cette crise avec la caméra. Et l'on projetait le film de façon à pouvoir apporter un dénouement heureux, si possible à celle-ci.- Et maintenant 'Avant, je n'avais pas l'impression de couler quelque chose dans du bronze. Maintenant, on s'aperçoit que ces films par rapport à la position dominante sont nécessaires pour l'écriture de l'histoire.- Comme avec la Révolution algérienne...Sur le plan de la Révolution algérienne, il y a maintenant des historiens comme Benjamin Stora et d'autres qui disent que les images que Vautier a tournées aux côtés des Algériens, ce sont des images nécessaires parce qu'elles étaient rares à passer de l'autre côté du miroir. Je suis parti filmer et rejoindre les Algériens dont on me disait qu'ils étaient Français, là où ils se battaient. Et de me montrer pourquoi ils se battaient. Ce qui se passe dans leur combat. Et c'est comme cela qu'est né le film Algérie en flammes.- Un témoin oculaire de l'histoire...Oui, et puis les images deviennent des points de référence. Et là, je m'aperçois que je ne peux pas encore mourir, parce que les images, encore maintenant, sont quelquefois utilisées avec des commentaires disant complètement le contraire de ce que veulent dire les images. J'ai été poursuivi (par les autorités françaises) pour atteinte à la sûreté de l'Etat, en entrant en Algérie 1955, après avoir tourné un film, Une nation, l'Algérie, parce que racontant l'histoire de l'Algérie à partir des témoignages des gens qui participaient à la conquête de l'Algérie.Les colonels et les généraux français qui faisaient des rapports. Il fallait se pencher sur ces rapports pour l'histoire et de les rendre publics. Et où je disais : notre armée, les colonnes françaises de conquête de l'Algérie, a, par exemple, inventé les chambres à gaz.Lorsque des rapports de colonels qui disaient : «Nous avons vu des tribus se réfugier dans les grottes de la Dahra (ouest de l'Algérie), nous y avons envoyé nos vaillants soldats, nous y avons mis le feu à l'entrée des grottes. Le feu y était entretenu toute la nuit...» C'était un spectacle dantesque. Et au matin, nous avons sorti 732 cadavres, hommes, femmes et enfants. On me répondra sûrement : cela ne fait pas autant que ce qu'ont fait les Allemands pour les juifs.- A l'époque, y a-t-il eu une adhésion à votre engagement documentaire 'Oui, il y a eu des comités de la paix en Algérie qui ont été créés et qui projetaient d'ailleurs le film. Un jour, en 1955, un reporter est venu me dire qu'il était poursuivi pour avoir tourné des images dans le Constantinois. Il était reporter à Fox Movietone. Une société américaine diffusant des journaux d'actualité. Et dans lesquels on y avait passé des plans tournés par ce monsieur Chassagne (le reporter). On voyait des soldats français qui faisaient des signes à des prisonniers de s'en aller, et puis ils leur tiraient dans le dos.- La manipulation de l'image continue en Palestine, Israël, en Irak...On me considère un petit peu comme le «papa» du cinéma algérien. Maintenant, on a tendance à dire «djed» (grand-père) du cinéma (rires). J'ai passé ma vie à me battre pour la possibilité de dialoguer en images. Je suis contre la censure de quelque nature que ce soit. Une des missions du cinéma, c'est de filmer ce qui ne va pas, pour que les responsables politiques puissent le voir.Le ministre de la Jeunesse et des Sports qui nous a toujours couverts sur l'éducation populaire cinématographique, de 1962 à 1966, s'appelait Abdelaziz Bouteflika. C'était du cinéma d'utilité sociale. A l'heure actuelle, ce que je reproche, c'est qu'il y a des gens qui acceptent de passer des images tout en sachant qu'il y a un conflit en Palestine.Il y a des gens qui ont une armée forte et dont la première punition est de faire exploser, à l'époque (2002), le siège de la télévision palestinienne... La seconde, c'était d'interdire l'accès à Jénine aux opérateurs internationaux et aux télévisions du monde. On avait des images et on savait qui a organisé cet assaut contre Jénine (2002), c'est Sharon. On savait qui a organisé le massacre de Sabra et Chatila, c'est Sharon...




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