Algérie

«Je suis choqué de voir des dirigeants s'entredéchirer»



«Je suis choqué de voir des dirigeants s'entredéchirer»
-Avec du recul, quelle lecture faites-vous après la brillante qualification de l'ASO Chlef en huitièmes de finale de la prestigieuse Ligue des champions d'Afrique ' Permettez-moi d'abord de vous raconter cette anecdote sur ce match retour contre le Vita Club disputé, la semaine dernière, à  Kinshasa. Après que l'équipe adverse ait marqué son premier but sur penalty douteux, réduisant le score à  2 buts à  1, mon équipe a réussi à  creuser de nouveau l'écart en marquant un troisième but de l'assurance en fin de match. Et pendant que mes joueurs fêtaient cette réalisation, l'arbitre donne le signal de reprendre le jeu. Le Vita Club a essayé alors de réduire une nouvelle fois la marque à  3-2 (rires). Toujours est-il que mes joueurs sont à  féliciter pour leur exploit durant ce match. Nous ne sommes pas partis en terre inconnue, puisque nous avions une idée sur l'adversaire après l'avoir affronté au match aller à  Chlef. Cette victoire est la preuve que le joueur algérien sait relever les défis. Le volet physique a joué un rôle déterminant dans ce match. Mes joueurs étaient présents et bien appliqués. Ils ont parfaitement respecté les consignes, ils étaient aussi décidés à  passer avec succès l'écueil de Vita Club. -Il semblerait que l'adversaire soit passé à  côté de la plaque ' L'adversaire a commis l'erreur de sous-estimer la valeur technique du joueur algérien. Contrairement au match aller, où le Vita Club a joué essentiellement en défense, chez lui il s'est porté résolument en attaque laissant les espaces derrière. Les joueurs congolais ont opté pour une tactique ultra offensive en attaquant avec huit joueurs, il n'y avait, du coup, que deux joueurs derrière. Dans les vestiaires, avant le début du match, j'avais déjà donné des orientations aux joueurs de bien maîtriser le contre, notamment la précision sur la dernière passe. C'est ce qui s'est produit sur les deux premiers buts, Abdeslam, puis Messaoud servent des caviars à  Ali Hadji, auteur d'un joli doublé. Il faudra préciser néanmoins que tous mes joueurs ont été vaillants dans ce match, d'où la qualification méritée à  la prochaine étape de l'épreuve continentale.

-Le président Medouar a surpris l'opinion nationale en annonçant avoir trouvé à  Kinshasa 35 000 supporters chélifiens. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur cette histoire ' Chaque pays a ses traditions des derbies. A Kinshasa, la rivalité est grande entre le Vita Club et le Motema Pembe. Sur les 85 000 spectateurs présents au stade le jour du match, environ 7000 sont des fans de Motema Pembe. Par rivalité, les supporters de Motema ont apporté leur soutien à  mon équipe. Ils nous ont été d'un grand apport. Mes joueurs ont fêté avec eux la qualification en leur balançant leurs maillots.

-Nous supposons qu'il y a eu des incidents entre les supporters des deux clubs en fin de match ' Vous vous trompez. Les supporters de Vita Club ont su perdre. Il n'y a eu ni jets de projectiles, ni caillassage de bus, ni rien de tout cela. C'est une leçon que nos supporters doivent apprendre. Les supporters de Vita Club ou leurs pairs de Motema Pembe, en dépit de leur rivalité ancestrale, ont quitté le stade côte à  côte. Il n'y a pas de grabuges entre eux. Chez nous, les supporters n'acceptent pas la défaite. C'est un drame.

-Revenons à  la Ligue des champions. L'ASO affrontera une grosse cylindrée soudanaise, Al Hillal. Un commentaire ' J'y pense déjà. Je ne vais quand même pas tomber dans la joie excessive. Je sais qu'aujourd'hui (entretien réalisé jeudi dernier, ndlr), Al Hillal disputera un important derby contre Al Merreikh en championnat local (victoire d'Al Hillal par 1 but à  0).
Je vais demander  des CD sur ce match pour visionner notre futur adversaire. Cela va àªtre difficile, mais nous allons nous battre pour atteindre l'objectif tracé : une qualification à  la phase des poules. Cela permettra au club de faire rentrer de l'argent et aussi de le valoriser davantage à  l'échelle continentale.

-La défaite de l'ES Sétif contre le CRB a relancé le championnat. Une aubaine pour l'ASO Chlef de briguer une deuxième consécration de rang ' Nous continuerons à  négocier l'épreuve match par match. L'ASO Chlef continuera à  défendre crânement ses chances en championnat. Cela ne veut pas dire systématiquement que nous jouerons pour la première place, nous essayerons de terminer dans le lot de tête. Exemple : le Real et le Barça se disputent la couronne en Liga, quel que soit le lauréat, le dauphin aura bien essayé de jouer le titre. Je demande cependant aux joueurs de rester concentrés sur les deux flancs.

-Est-ce une manière d'éviter la pression pour vos joueurs ' Pas forcément. Pourquoi c'est uniquement l'entraîneur qui doit supporter la pression ' Les joueurs sont invités, eux aussi, d'avoir le sens et le devoir de supporter la pression sans pour autant perdre cette capacité de rester concentrés.

-Malgré l'introduction du professionnalisme, le football algérien continue à  verser dans l'approximation et l'improvisation. Qu'en pensez-vous ' On est loin du vrai professionnalisme. Les dirigeants cèdent toujours au diktat des résultats et des exigences des joueurs. La priorité, chez nous, est toujours accordée à  la construction d'une équipe et non pas du club. D'où toute cette pression sur les acteurs du football véhiculée par la presse. Or, le professionnalisme est une philosophie qui consiste à  mettre en place une plate-forme pour la construction d'un club dans tous ses aspects (textes réglementaires, formation, encadrement, infrastructures, stratégie…). Un jour, j'ai dit au président Medouar de bien me payer et m'orienter vers les jeunes catégories. C'est pour vous dire l'importance de la formation dans le football professionnel.

-On assiste ces derniers temps à  une bataille rangée entre les dirigeants de clubs qui multiplient des déclarations, le moins que l'on puisse dire désolantes. Votre avis ' Je suis franchement choqué par ces dirigeants qui s'entredéchirent par presse interposée. Ils ne font que mettre de l'huile sur le feu. C'est une incitation à  la violence. Le supporter est très attentif aux débats des responsables du football, c'est pourquoi après avoir lu de pareilles déclarations, ils se comportent violemment dans les stades. Nous, les acteurs du football, nous devons faire preuve de sagesse en tenant des propos modérés loin de toute forme de chauvinisme inutile.  

-Vous semblez extrêmement désappointé par les dépassements enregistrés dans nos stades, n'est-ce pas ' Bien évidemment, parce que ce qui se passe est trop grave. Cette violence verbale alimente la violence physique. Avant le match contre le CRB qui a connu une grande polémique, Abdeslam a fait l'objet de slogans injurieux contre sa maman qui s'était faite opérer la veille à  Blida. C'est inacceptable. Nous devons faire preuve de retenue dans nos déclarations pour que le supporter n'aille pas au stade l'esprit surchauffé. La presse doit, de son côté, jouer le jeu. C'est une responsabilité partagée.

-Les entraîneurs algériens sont devenus des spécialistes des «piges» par excellence en dirigeants trois à  quatre clubs chaque saison. Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'y mettre un terme ' Ce problème ne peut àªtre réglé qu'au niveau fédéral. Il faut poser aussi le problème de manière objective. Pourquoi accuser un entraîneur dont le football est son principal et unique gagne- pain '
L'entraîneur est mis devant le fait accompli, il n'est pas à  l'abri d'un licenciement, parfois, faut-il le dire, abusif. Il est obligé d'aller exercer son métier ailleurs. C'est une conséquence logique de l'absence de textes pour les entraîneurs et leur métier en général. Le joueur est mieux protégé par la Fédération qui a mis en place des textes qui le protègent au cas où ses droits ne sont pas respectés par le club.

-Toutes ces imperfections ne vont-elles pas vous faire réfléchir à  prendre votre retraite ' Je ne supporte pas cette situation, je crois que c'est le même sentiment chez toute la corporation.
Cela fait mal d'entendre des obscénités, d'en arriver, parfois, aux mains. Si je suis toujours en service, c'est plutôt par le besoin de travailler que par passion à  la profession.   


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)