Algérie

"Je prépare un roman qui se passe à Alger" SAIDOUNE MOHAMED ANIS, ECRIVAIN, À L'EXPRESSION


«Halte à l'ostracisme de la jeunesse!»
Premier Prix pour sa nouvelle Avanci l'arrière, le jeune Saïdoune Mohamed Anis est étudiant en pharmacie. Il est, en outre, créateur du club littéraire «Les amoureux du livre». Epris de littérature, un vrai exutoire pour lui, son parcours semble tout tracé en s'orientant de plus en plus vers l'écriture tout comme ses activités, extra-universitaires. Il nous livre ici ses sentiments, non sans coup de gueule contre le mépris envers les jeunes auteurs, mais aussi ses ambitions et projets. Rencontre avec un mordu des belles feuilles.
L'Expression: Au dernier Festival de la littérature et du livre de jeunesse (Feliv) vous avez obtenu le Premier Prix au concours de nouvelles autour de la thématique Identités. Quelles sont vos impressions'
Saidoune Mohamed: Un atelier destiné aux jeunes auteurs et un concours destiné à la même tranche, pour avoir pris part au premier et remporté le second, je suis, en tant que jeune auteur, marin d'eau douce, doublement charmé par ce Feliv qui dénote une forte volonté de réinstaurer la proximité avec la jeunesse.
Un mot justement sur ce concours et l'atelier d'écriture qui est force, de constater, bénéfique... ton rapport avec l'écriture et le livre ne date pas d'aujourd'hui. Peux-tu nous en parler'
Concernant le dernier atelier d'écriture «A l'abordage du roman», organisé gracieusement par le Feliv, il a été des plus bénéfiques, Mme Laure Pecher, notre formatrice, sillonne le monde depuis 3 ans avec cet atelier qui consiste à entraîner les jeunes auteurs à éviter les erreurs capitales qui rendent un premier roman non viable dans le monde de l'édition. La formatrice a été à notre écoute, et motivée par une grande envie de connaître plus l'Algérie et sa jeunesse.
L'écriture et la lecture sont pour moi de l'ordre de la grâce, un psychologue aurait dit catharsis, compensation... moi, je leur trouve tout bonnement de la magie. Et quand on nourrit une grande ambition et que l'on se construit peu à peu, je trouve normal qu'on veuille manger à tous les râteliers, dès qu'il y a une opportunité, je saute sur l'occasion. Par exemple, les ateliers d'écriture ne sont pas légion en Algérie, il y a un manque flagrant dans ce sens surtout en considérant le nombre incroyable «d'écrivants» (dont je fais partie), qui, certains, ont besoin d'être cadrés, orientés... D'ailleurs, ça fait partie des problèmes de l'Algérie, le potentiel juvénile qui se disperse. Gramsci disait: «La crise, c'est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître.» Les jeunes pré-écrivains algériens sont une réalité certaine, c'est vrai qu'ils sont souvent motivés par la volonté d'assouvir le fantasme de devenir écrivain (mais qui ne l'est pas'), je ne sais pas moi, imiter un héros de série américaine qui voudrait écrire... Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on arrive à la fois à ne ressentir aucune sympathie pour ces petites pousses littéraires, qu'on arrive parfois même à les mépriser, vouloir les écarter... Qu'en sera-t-il du visage de la littéraire algérienne dans 20 ans' Qu'on le veuille ou non... les jeunes pré-auteurs d'aujourd'hui, ceux-là qui n'en sont qu'à leurs premiers balbutiements, sont indéniablement les acteurs de demain. Halte à l'ostracisme de la jeunesse!!
Vous êtes aussi l'un des initiateurs des rencontres littéraires d'Alger, il y a deux ans et même des Rendez-vous annuels du livre. D'où vous vient cette passion pour la littérature
Les amoureux du livre, le club littéraire que je chapeaute depuis deux ans, est dans cet esprit-là, le noyau est constitué de jeunes bibliophiles (condition pas facile dans un pays où l'on se débrouille de la drogue plus facilement qu'un livre), je ne voudrais pas être pédant, mais le groupe accomplit avec les moyens du bord, des choses que la tutelle ne fait pas avec des moyens faramineux (rencontres de bibliophiles, introduction du livre dans les espaces publiques, nombreux échanges de livres, nous avons animé un cinéclub qui traitait des adaptations des grands classiques littéraires au cinéma... etc), et si nos actions sont parfois compulsives, téméraires, c'est parce qu'on a mis longtemps un couvercle sur la marmite socioculturelle, du coup, c'est l'effet lave volcanique.
Votre question m'était adressée et moi dans tout ça j'aime mieux m'effacer, car j'aime mieux représenter les autres, mes semblables, un écrivain doit savoir parler des autres, pour les autres. «Ma voix sera la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir» disait Aimé Césaire.
Enfin, après la nouvelle, comptez-vous vous attaquer au roman' Quels sont vos projets en ce sens'
Comme l'écriture est pour moi un véritable exutoire, la catharsis par excellence, j'écris depuis toujours, ma chambre est un véritable capharnaüm d'ébauches, de feuilles volantes, d'ailleurs, je crois que c'est pour ça, qu'inconsciemment, j'ai nommé mon recueil de poésies en préparation Le Musée des rêves en papier, en hommage à mon laboratoire littéraire. Mais depuis peu, ayant profité d'interactions très enrichissantes (rencontres littéraires, ateliers d'écriture, rencontres avec des auteurs confirmés...), je tends vers un semblant de professionnalisation, je ne fais plus des quarts de poèmes, de jets sporadiques. Désormais, je respecte encore plus ce que je fais et j'envisage les choses plus sérieusement. Je prépare en ce moment un roman qui se passe à Alger, et je fais des efforts pour rendre cette littérature urbaine la plus fidèle qui soit à la réalité. L'autre fois, j'ai passé ma journée dans un café à Bab El Oued pour entendre et vampiriser les discussions des gens ordinaires dans les cafés, y a quelqu'un qui s'est avancé vers moi en me disant: «Wech, t'es un indic de la police toi ou quoi'» J'avoue qu'avoir été lauréat du concours du Feliv m'encourage beaucoup, l'encouragement me potentialise, mais je carbure surtout à l'enthousiasme et au rêve.
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