Algérie

Je ne suis pas Zaoui... et c'est mon droit !



Dans sa dernière chronique « Monsieur le Président on vous aime » parue dans le quotidien LIBERTE du jeudi 23 août dernier, Amin Zaoui fait l'éloge de l'actuel président tunisien âgé aujourd'hui de 91 ans, 8 mois et 29 j. On est quand même loin du « Du sommet de ses cent ans, ou presque » cité à trois reprises dans le texte.« On vous aime Monsieur Le Président » clame l'auteur. Qui on ' Le peuple algérien ' Ses amis de facebook ' Cette utilisation abusive d'un « ON » aussi vague qu'indigne d'un texte qui se veut éclaireur me laisse perplexe car trop affirmative et sans nuance aucune.
Après deux paragraphes creux, on arrive au top du message qu'il voulait faire passer pour nourrir son fond de commerce auquel on est devenu coutumier en somme et cette fois ci en généralisant son discours :
« Les Arabes ne sont gouvernés que par l'hégémonie religieuse. Ils sont soumis dès qu'il y a un discours religieux. Ils acceptent, sans interrogation les propos d'un imam qui n'a jamais lu un livre et refusent les idées d'un Einstein ou d'un Newton... Ils sont coléreux et insultants dès qu'ils se trouvent devant un discours rationnel temporel. ».
Bref... On s'éloigne un peu de la Tunisie ! Ma3liche !!!
Mais les tunisiens font partie du monde arabe à ce que je sache non ' Saha sidi, considérons qu'ils sont l'exception au travers leur Président comme le souligne l'auteur un peu plus loin : « Enfin un président maghrébin et arabe fait l'exception. Et parce que le président Caïd Essebsi fait l'exception, il s'est trouvé attaqué par les religieux, les salafistes et les frères musulmans d'un côté et par les politistes nationalistes opportunistes d'un autre côté. ».
J'ai aimé son « maghrébin et arabe » qui m'a arraché un sourire. Il se trouve que Essebsi est « un descendant d'un captif d'origine sarde ». Ou hadi, Ghabatlou El Hadj Zaoui... sinon il nous aurait pondu une chronique à la gloire de la Sardaigne et contre les « Bédouins » ! Ma3liche !!!
Ce que l'auteur, qui manifestement a rédigé son texte de chez lui, sans aller sur le terrain non pas faire une enquête, mais juste tâter le pouls de l'opinion publique tout en profitant de l'incroyable reprise du tourisme dans ce pays, il aurait peut être modérer ses propos*.
D'abord lui rappeler que le gouvernement actuel présidé par Youssef CHAHED compte trois ministres du parti « islamiste » « Ennahda » qui ont la charge de :
? l'investissement et la coopération internationale,
? l'industrie et les PME
? l'Economie numérique
A cela se rajoutent un ministre délégué aux réformes et trois secrétaires d'Etat tous issus du Parti « Ennahda » !
Par ailleurs, « Ennahda » longtemps interdit, a été légalisé en mars 2011 par le gouvernement d'union nationale instauré après la révolution. Il obtient 89 députés au sein de l'assemblée constituante de 2011, qui a fait de lui la première force politique de la Tunisie à cette époque, position qu'il perdra lors des élections de 2014 mais qu'il retrouvera en 2016 avec 69 députés sur les 217 que compte l'Assemblée et 67 pour le Parti présidentiel « Nidaa Tounes ».
De ce fait, le parti « islamiste » fait partie intégrante de la gouvernance en Tunisie aussi bien au niveau législatif qu'au niveau de l'exécutif.
Alors d'où viennent ces attaques des « religieux, les salafistes et les frères musulmans » ' Qui sont ils ' Sont ils organisés ' M. Zaoui ne nous le précise pas.
En plus des éléments cités plus haut, il faut rappeler à M. Zaoui que l'article 1 de la Constitution tunisienne non amendable stipule que « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime. »
Tout porte à croire que l'auteur s'appuie sur une déclaration du Caïd Essebsi qui date de sa campagne présidentielle de 2014, pour faire passer son nième message tronqué.
Quant aux récentes déclarations du Président tunisien relatives à son souhait de modifier les règles relatives à l'héritage et l'abrogation de la circulaire interdisant à une femme tunisienne d'épouser un non musulman, elles ne sont, à ce stade, que de vagues intentions soumises à un comité qui devrait faire des propositions de concrétisation. Compte tenu du poids des représentants des différents partis au parlement tunisien, il y a peu de chances que le principe d'égalité entre hommes et femmes dans l'héritage soit adopté.
En réalité, et pour avoir passé un court séjour en Tunisie ce mois ci, et discuté avec de nombreux tunisiens, je n'ai pas ressenti que ces deux problèmes cités comme exemples soient la préoccupation majeure des tunisiens.
Le citoyen tunisien moyen semble plus souffrir de la crise économique que traverse son pays que de ces débats byzantins même s'ils restent, pour une partie de l'opinion, des débats importants.
La loi des finances 2018 a prévu de nombreuses hausses de taxes existantes et la création de nouvelles taxes comme la taxe de résidence d'un montant de trois dinars sur tout nuitée d'une personne de plus de 12 ans résidant dans les hôtels ou la création d'un « contribution sociale généralisée » pour renflouer les caisses de la sécurité sociale.
L'alourdissement de la fiscalité intervient également dans un contexte maqué par une inflation non maîtrisée estimée à 6 % par certains économistes, et un taux de chômage qui avoisine les 30 % chez les jeunes.
Selon ces mêmes économistes, le déficit budgétaire est estimé à 6 % du PIB et la dette publique à 70 % de ce m^me PIB ! Enorme quand on connaît les ressources de ce petit pays. Et la réelle reprise du secteur touristique ne suffira certainement pas à les absorber. : une course moyenne en taxi dans le centre ville vous est facturée entre 30 et 60 centimes d'euros. Le prix d'un bon repas dans un restaurant de moyenne gamme ne dépasse pas les 6 euros (20 DT). Ce seraient les russes qui sont les plus nombreux à visiter la Tunisie et la plupart opterait pour la formule « all inclusive » c'est-à-dire que le prix de la chambre intègre la nourriture, les boissons et une sélection plus ou moins importante d'activités annexes. De ce fait, « ils dépensent peu et les retombées économiques sur le citoyen restent modestes » d'après un taxieur tunisien. .
Le FMI, comme à son habitude continue d'octroyer des prêts à la Tunisie subordonnés à des exigences de réforme drastiques difficilement supportables par le tunisien moyen.
Si les progrès politiques sont incontestables en Tunisie depuis la chute de Benali, il reste beaucoup à faire sur le plan économique. Ce que le gouvernement actuel de coalition a du mal à gérer. Certains tunisiens considèrent que les dernières déclarations de Caid Essebsi sur l'héritage ne sont qu'une opération de com destinée à préparer son éventuelle candidature à un second mandat pour 2019.
Et enfin, M. Zaoui devrait quand même nous rappeler que le Président tunisien, malgré tout ce qu'on lui prête comme succès et échecs, reste un cacique du pouvoir surtout sous le règne de Bourguiba, mais aussi, moindre certes, que celui de l'ex Président Bénali occupant le siège de Président de la chambre des députés dans les années 90.
Sous le règne de Bourguiba, on lui attribue, comme directeur de la sûreté nationale ou ministre de l'intérieur de nombreuses exactions sur les tunisiens.
Tout cela relativise les propos caricaturaux de l' « éclaireur des consciences » qu'est M. Zaoui. D'où mon droit de ne pas me reconnaître dans ces écrits. Hada Makane !


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