Algérie

Je ne me sens pas en sécurité »



La campagne contre l'islamologue Saïd Djabelkhir ne s'arrête pas. Après sa lourde condamnation à trois ans de prison ferme jeudi dernier par le tribunal de Sidi-M'hamed, pour « offense à l'islam », il est carrément menacé de mort.Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - « Je ne me sens pas en sécurité », dira Djabelkhir dans une déclaration au Soir d'Algérie. Ces mots résument parfaitement l'état d'esprit de l'islamologue, qui fait l'objet d'une campagne féroce dirigée par des obscurantistes. Après le discours haineux, les insultes et le dénigrement de sa personne, ils sont passés à la vitesse supérieure : l'islamologue est menacé de mort. Condamné jeudi dernier par le tribunal de Sidi-M'hamed au terme d'un procès jugé « honteux », pour « offense aux préceptes de l'islam », Saïd Djabelkhir ne se sent plus en sécurité. L'offense suprême que puisse ressentir une personne, se sentir en danger chez elle, dans son pays.
« Je fais ce que je peux à mon niveau (pour ma protection). Je prends mes précautions. J'ai déposé déjà une plainte depuis plus d'une année, mais elle est restée sans suite. Une nouvelle plainte sera déposée incessamment .»
« Comme l'a dit Kamel Daoud, ce n'est que le début. Le vrai menu est à venir. C'est un long combat », a-t-il affirmé, incombant la responsabilité de tout mal qui pourrait lui arriver aux pouvoirs publics. « Moi, j'ai déposé une plainte, le reste n'est pas mon affaire », souligne Djabelkhir qui s'est plaint, tout récemment, du fait que l'Etat dépense des milliers de milliards dans la formation de spécialistes, avant de les mettre en prison quand ils expriment leurs avis dans leur domaine. « Est-ce
raisonnable ' » s'est-il interrogé en se demandant quel sens donner à ce fait. Poursuivi par un universitaire en informatique pour « offense à l'islam», l'islamologue a été condamné jeudi dernier à trois ans de prison ferme par le tribunal de Sidi-M'hamed. Un procès dénoncé unanimement par plusieurs partis politiques, organisations de la société civile et défenseurs des droits de l'Homme. En effet, avec l'affaire Djabelkhir, c'est la liberté de conscience et de pensée qui est en danger. Connu pour sa pensée critique et rationnelle, le fondateur du Cercle des lumières pour la pensée libre (CLPL) avait regretté le verdict du tribunal, estimant que l'Algérie d'aujourd'hui fait peur, dans le sens où même l'idée et la pensée sont jugées et condamnées.
Scandalisé par le procès, le Pr Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation pour l'islam de France, a réagi en soutenant qu'« on ne peut pas criminaliser le débat d'idées. C'est une atteinte grave à la liberté de conscience et la recherche académique. Cette affaire dénote un archaïsme de la pensée que je dénonce ».
Dans une contribution publiée dans un journal électronique, l'ancien doyen de la Faculté de droit d'Alger, Madjid Benchikh, a expliqué que cette condamnation revient à « interdire d'écrire sur l'origine historique de certaines pratiques dans l'islam. Elle refuse toute vision historique dans l'étude des faits sociaux et dicte ainsi la voie que doit emprunter le chercheur pour analyser les sociétés ». Il a averti contre les conséquences dangereuses de ce verdict.
K. A.
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