Algérie

«Je n'arrive pas à comprendre votre pays !»



Petiteconfidence étrangement répétitive, simpliste mais vraie, de presque tous lesambassadeurs agréés lorsqu'ils sont accrochés off-record, une même phrase: «jen'arrive pas à comprendre votre pays, ni où il va». En plus clair: l'argent estlà, vos institutions sont là, votre peuple est là, mais le tout manque devisibilité et de sens. De quoi s'agit-il ? De l'absence de réponse à unequestion de base dans ce métier: qui fait quoi, où, comment et pourquoi ?Appliqué à la présidence, le questionnaire aboutit à l'impasse malgré lesapparences. Que fait Bouteflika ? comment et pourquoi ? Réponse: Bouteflikaparcourt le pays, distribue des budgets et commente des chantiers. Ceci pourl'ENTV.Pourl'histoire, il reprend le même gouvernement pour le reconduire et s'en passer àla même seconde, enjambe la nouvelle APN sans même remarquer qu'elle est vide,évite de s'attarder sur les attentats du 11 avril, ignore l'abstentionhistorique des Algériens du 17 mai et poursuit une sorte de périple stellairedifficilement décryptable tant il est difficile de dire si le bonhomme veutcontinuer seul, avec les siens, pour plus de démocratie, moins de délégation depouvoirs, plus d'ouverture ou moins d'oppositions. Avec un programme personneldont on ne sait s'il veut aboutir à la monarchie institutionnelle, laprésidence à vie ou la démocratie sans partis et un programme économique quireste flou entre le libéralisme spécifique et le dirigisme contre-nature, leSouk El Fellah comme culture mentale et la Corée du Sud comme modèle mondain.Appliquéà la vie politique, le même questionnaire aboutit à l'impasse: que font les«politiques» algériens ? Comment ? Où ? Pourquoi ? Là aussi, on reste coincédans les cordages de son propre cerveau. Réponse: les partis comme lespersonnalités font ce qu'ils peuvent non pas pour sauver le pays mais poursauver leurs meubles, dans le carré des quelques centimètres que leur laissentla présidence et l'ENTV. Là aussi, on est soit obligé de fonctionner commephotocopieuse des visions bouteflikiennes, soit diffuser son propre avis derecherche dans les journaux pour savoir où l'on se trouve réellement dans unpays qui efface vos traces au fur et à mesure lorsque vous êtes un opposant.Ceci pour le cafouillage politique sophistiqué ambiant.Carà cela s'ajoute ce que le pays traîne comme casseroles étincelantes et singessomptueux: un Islam que l'on veut islamisant mais pas islamiste, une démocratieque l'on veut démocratique mais pas démocrate, une identité que l'on veut richemais sans les autres, etc. Des cafouillages souverains qui laissent perplexel'Etranger déambulant avec politesse dans nos parages, fasciné par cettefaculté nationale de réformer le tout en ne touchant à rien, en commençant parl'école et en aboutissant à la politique sur l'investissement. Un pays conduitpar une main de fer rouillé vers un destin de plastique.Qu'est-ceque donc l'Algérien type pour un ambassadeur étranger: un homme riche qui tientà son argent, qui tient à rester sur place, qui tient à continuer de le faire,qui tient à son histoire même si elle n'intéresse plus personne et pas même sesenfants et qui tient à garder un oeil sur tout ce qui bouge et un oeil fermésur tout qui lui faut faire en urgence. Un homme assis sur du pétrole maisassis par terre, debout sur la scène internationale mais couché du point de vuedes indices de développement, habillé d'un drapeau mais sans chaussures auxpieds, fréquentable mais encore non fréquenté, prometteur mais instable,capable de se relever mais incapable de se décider, plus soucieux desouveraineté que de l'état de ses routes. Car, autrement, il n'y a pasd'explication pour l'Algérie, un pays qui a de l'argent mais qui s'appauvrit etqui a une histoire mais pas de sens et qui tient à sa géographie sans soucipour sa propre terre. Vide et surpeuplé, entre l'hymne et l'importation de lafriperie.


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