Algérie

Je fais le sorcier avec la poésie Amine Aït Hadi. Poète



Je fais le sorcier avec la poésie                                    Amine Aït Hadi. Poète
Amine Aït Hadi a 28 ans et a déjà écrit deux recueils de poésie. Un projet de roman attend de voir le jour. Son métier, libraire, lui permet d'être en contact avec l'univers des livres.
-Poème Haram, avouez que c'est curieux comme titre ! Et vous y ajoutez «Et autres vocables d'amour»'
Parce que la poésie est isolée, marginalisée. Elle ne fait plus partie des traditions, des habitudes des citoyens et des écrivains. On perd cette quête de mots, de signifiances, de symboles. C'est pour cela que j'ai choisi le mot «haram». C'est un mot polysémique qui renvoie à beaucoup de choses : haram, tout ce qui est interdit dans le sens religieux. Et l'interdit est marginalisé.
-Et d'où vient cette marginalisation '
Je ne saurais le dire, mais peut-être parce que nous avons perdu nos habitudes. Le temps où Djamel Amrani animait des émissions radio sur la poésie (Chaîne III de la radio nationale, ndlr) est déjà lointain. Idem pour Jean Sénac et toutes ses actions en faveur de la poésie.
-Vous avez écouté les lectures particulières de Djamel Amrani (l'auteur de La Nuit du dedans est décédé en 2005)'
Oui, grâce à des amis, j'ai pu retrouver des enregistrements. J'ai donc gardé un lien avec ces poètes. J'ai quand même fait le pas d'aller chercher ces documents. Jean Sénac a fait partie de mes lectures. Il m'a «éduqué» comme une personne qui écrit de la poésie. Je me suis nourri et inspiré de ces auteurs qui avaient fait en sorte que la poésie fasse partie de la vie des gens.
-On imagine que le chemin qui vous a amené à la poésie est inexplicable, n'est-ce pas '
C'est inexplicable, ça part juste du fait que je suis natif d'un quartier populaire d'Alger, Hussein Dey. Il est vrai que la poésie n'est pas venue frapper à ma porte. Ma mère a été institutrice, d'où l'utilisation de la langue française. Présence religieuse aussi puisque j'ai fait mon apprentissage dans une mosquée. Ma vie a donc été partagée entre le Coran et Arthur Rimbaud ! C'est de cette manière que je me suis «façonné».
-Dans votre recueil, vous avez introduit cette phrase «Mafatihou ou ghayatou al chii'r fi assihr» (les clefs et les finalités de la poésie dans la magie), qu'est-ce que cela signifie au juste '
C'est un peu de la prestidigitation ! Je fais le sorcier avec la poésie. Mais c'est tout le contraire que j'essaie de démontrer. La poésie, c'est aussi beaucoup de flamboyance. On courtise l'amour avec la poésie. La poésie, c'est quelque chose de paisible et de pacifiant, mais pas dénué de force. C'est donc dans un sens subversif que j'ai tenté de faire un peu de sorcellerie, jouer sur magie noire et magie blanche, car la poésie, c'est aussi un peu de cela. Il y a aussi l'impact du terrorisme sur nous. C'est une façon de dire le terrorisme sans le banaliser. «Terrorisme» est un mot qui s'est un peu banalisé aujourd'hui' Les gezanate, les chouafate, les loundja bent el ghoul ont fait aussi partie de ma vie. La poésie, c'est aussi un retour aux gestes primitifs ! D'où les tentatives de faire jaillir des cris au début de ce recueil. Une manière d'interpeller les origines avec tout ce que cela implique. D'où l'archaïsme'
-Vous allez rester dans la poésie ou passer au roman '
Je me bats depuis cinq ans pour essayer d'élaborer un roman. J'espère y arriver. Mais je suis incapable de passer outre le lyrisme et l'aspect poétique, quitte à aller vers une 'uvre fragmentaire avec autant de récits, de poèmes et de contes. Je vais aller vers cela sans être trop ambitieux. Dans la littérature algérienne, j'aime bien l'écriture de Mahdi Acherchour, un grand auteur encore méconnu'
-Si je vous dis «Yasmina Khadra»'.
Il ne fait pas partie des auteurs que j'apprécie. L'actualité littéraire est maigre, c'est pour cela qu'on se concentre sur certains auteurs. Je suis curieux à propos du roman de Mohamed Benchicou, Le mensonge de Dieu (Ed. Koukou et Inas, ndlr), qui m'intéresse plus que L'équation africaine, le dernier livre de Yasmina Khadra (Ed. Médias Plus). Sans être méchant, c'est juste un choix.


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