HIROSHIMA, Japon (Reuters) - Le Premier ministre Naoto Kan a défendu samedi à Hiroshima, au 66e anniversaire de la destruction de la ville par une bombe atomique, sa vision d'un Japon sans énergie nucléaire.
Cette initiative marque un changement de cap dans l'archipel, qui évitait jusqu'ici avec soin de lier son industrie nucléaire en pleine croissance, mais aujourd'hui discréditée, au traumatisme que reste le fait d'être le seul pays à avoir été la cible de bombes atomiques.
Lors d'une cérémonie à la mémoire des victimes de la bombe larguée sur Hiroshima en 1945, Naoto Kan a souligné que la catastrophe survenue en mars dernier à la centrale de Fukushima après un séisme et un tsunami l'avait convaincu que le Japon devait mettre fin à sa dépendance envers l'énergie nucléaire.
Les dégâts causés à la centrale de Fukushima Daiichi, dont les autorités n'ont pas encore entièrement repris le contrôle, ont suscité de nombreux appels pour un arrêt de cette dépendance dans un pays en proie à de fréquents tremblements de terre.
"Je vais réfléchir en profondeur au 'mythe de la sécurité' de l'énergie nucléaire, étudier minutieusement les causes de l'accident et les mesures fondamentales visant à garantir la sécurité, et aussi réduire la dépendance à l'égard des centrales nucléaires, en vue de parvenir à une société qui ne soit pas tributaire de ces centrales", a déclaré Naoto Kan.
POLITIQUE À RÉVISER
Kazumi Matsui, maire d'Hiroshima et fils d'un survivant de l'explosion qui précipita la fin de la Seconde Guerre mondiale, a également pressé Tokyo d'agir après le nouveau traumatisme national qu'a été le désastre de Fukushima :
"Le gouvernement japonais doit honnêtement reconnaître cette réalité et réviser sans délai sa politique énergétique."
Jamais encore un maire d'Hiroshima n'avait mis en question la politique de développement nucléaire du Japon dans le cadre de la cérémonie commémorative annuelle, durant laquelle des dizaines de milliers de personnes observent une minute de silence au son du carillon de la paix.
Kazumi Matsui s'est dit bouleversé par les scènes de dévastation provoquées par le séisme et le tsunami du 11 mars sur le littoral du Nord-Est et par leur ressemblance avec le paysage de mort que présentait Hiroshima après son bombardement.
Le 6 août 1945, un avion de guerre américain surnommé "Little Boy" larguait une bombe atomique sur la ville de l'ouest du Japon pour accélérer le dénouement du conflit mondial. A la fin de l'année, le bilan de l'opération était estimé à 140.000 morts environ sur un total de 350.000 habitants.
Les Etats-Unis larguèrent le 9 août suivant une deuxième bombe atomique sur la ville méridionale de Nagasaki. Le Japon se rendit six jours plus tard.
Le Japon s'est interdit de posséder des armes nucléaires dans sa constitution pacifiste de l'après-guerre.
Mais les groupes antinucléaires eux-mêmes prennent souvent soin de ne pas établir de parallèle entre les événements d'Hiroshima et Nagasaki et les risques liés à l'utilisation de réacteurs nucléaires en temps de paix.
PREMIER MINISTRE IMPOPULAIRE
Avant l'affaire de Fukushima, le nucléaire représentait près du tiers de l'approvisionnement énergétique du Japon.
L'alimentation en électricité d'Hiroshima, centre industriel de 1,2 million d'habitants, a ainsi dépendu durant des décennies de la centrale nucléaire de Shimane, propriété de la Compagnie d'électricité de Chugoku située à 600 km à l'ouest de Tokyo.
Mais depuis les fuites radioactives survenues après le tsunami du 11 mars à la centrale de Fukushima, située à 240 km au nord-est de Tokyo, le public a changé de manière de voir.
"Nous n'y avions pas réfléchi aussi profondément jusqu'à maintenant. Je pense que (la centrale nucléaire) n'est pas si différente que cela de la bombe atomique", dit Michiko Kato, 73 ans, qui a perdu une soeur en 1945. "Rien de ce que fait l'homme n'est parfait (...) Je ne veux rien utiliser de pareil."
Un millier de manifestants ont défilé après la cérémonie en brandissant des banderoles où l'on pouvait lire "Plus de Fukushima, plus d'Hiroshima".
Naoto Kan, dirigeant impopulaire qui a exprimé l'intention de démissionner mais sans préciser quand, a observé le revirement de l'opinion et prône désormais une révision de la politique nippone en matière d'énergie. 70% des électeurs approuvent sa vision des choses, selon un sondage récent.
Reste à voir ce que deviendra sa vision politique après sa démission. La cote de popularité de Naoto Kan est inférieure à 20% et le public ainsi que les parlementaires multiplient les appels pour qu'il quitte rapidement son poste.
Avec Yoko Kubota, Philippe Bas-Rabérin pour le service français
* Photo : Le premier ministre japonais, partisan de l'abandon du nucléaire
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Posté Le : 06/08/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Kim Kyung Hoon
Source : REUTERS / 06.08.11