Algérie

J-F LEROY (Directeur du Festival de photo journalisme)



« Eviter l?amalgame » On est lundi 30 août. Il est 22h. La grande tribune du Campo Santo de Perpignan compte plus de 2000 personnes quand, en plein milieu de présentation de reportage, Jean-François Leroy, directeur du Festival de photo journalisme, « Visa pour l?image », se lève et annonce au micro que l?ultimatum concernant l?exécution des deux journalistes enlevés (Christian Chesnot et Georges Malbrunot) est prolongé de deux jours... Le festival reprend ses droits. L?enlèvement des deux journalistes français a provoqué un émoi et a refroidi l?ambiance du festival. Cela n?a-t-il pas gâché la fête ? Pas tout à fait. Il est vrai que l?arrivée de l?échéance de l?ultimatum (lundi 21h) nous a troublés, au niveau programme, car le lundi est le seul jour où les sujets projetés en soirée sont légers. Si nous avions eu une mauvaise nouvelle nous aurions tout arrêté. Cela dit, le travail continue et doit continuer, non seulement parce que c?est notre devoir, notre métier, mais parce que nos deux amis enlevés ne sont que la suite d?une série qui perdure. On oublie l?Italien enlevé et tué dernièrement en Irak, les médecins des ONG tués en Afghanistan ou au Rwanda... Je trouve d?ailleurs déplorable que l?on parle de nos deux amis en oubliant, par exemple, qu?avec eux se trouve leur chauffeur syrien. Tout le monde parle des photos d?Abou Ghraïb (prisonniers irakiens torturés), mais lors de la conférence de presse vous vous êtes clairement positionné... Effectivement, elles m?ont été proposées, tout comme celle de l?arrestation de Saddam Hussein, que certains voulaient voir au Visa d?Or. Mais j?ai refusé parce que ce sont des photos à scandale, de propagande, prises par des officiers américains et non par des professionnels. C?est pour cela d?ailleurs qu?en clin d??il, nous avons affiché à l?entrée du palais des congrès la photo de John Moore, qui montre la même prison, avec gardiens US et prisonniers dans leur cellule. Je tiens à préciser qu?on soutient le travail de vrais professionnels tel que Laurent Van der Stock, qui se trouve actuellement à Nadjaf, au mausolée d?Ali, qui vient de nous envoyer un mail et qui veux être présent à Visa pour témoigner. Pour revenir à cet enlèvement, cela laisse tout de même un peu perplexe car ils font partie d?une corporation qui a quand même dénoncé l?intervention US et qui plus est leur pays (la France) s?est opposé à cette intervention... C?est vrai que cet enlèvement a suscité des réactions de par le monde, telle que celle des musulmans de France et même celle du Hamas palestinien, mais l?exemple est là. Avant-hier, douze Népalais étaient enlevés puis exécutés. Le lendemain, une mosquée a été saccagée au Népal. On assimile vite terrorisme et Islam ; l?amalgame est vite fait. On entre alors dans une spirale de folie. C?est ce qui risque d?arriver en France si ça continue. Là est le vrai drame. Vous vous sentez dépassé par les évènements ou est-ce que vous avez l?impression qu?ils n?ont rien compris à ce qu?ils font puisque les enlèvements se développent de façon exponentielle... C?est pas tout à fait vrai, ces pratiques existent depuis longtemps : Liban, Afghanistan... Sans oublier les ONG qui sont prises pour cible. Et qui font donc partie du lot. Chaque année, on fait le bilan. Des journalistes tués et ceux emprisonnés, il y en a malheureusement toujours eus. Mais ce qui est nouveau, c?est ce qu?on appelle l?effet CNN. Dans tous les pays touchés par les troubles, on constate qu?il y a des banderoles et des pancartes écrites en anglais. Pourquoi ? Parce qu?ils savent que les médias vont venir, l?info passera mieux. La nouveauté avec l?arrivée d?Al Qaîda, c?est qu?ils transmettent en arabe...


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