Algérie

« J'assume la décision d'interdire ce livre »



« J'assume la décision d'interdire ce livre »
J'ai pris la décision d'interdire le livre de Mohamed Benchicou et je l'assume », a déclaré hier Khalida Toumi lors d'une conférence de presse au Palais de la culture d'Alger. « J'ai lu le manuscrit et je l'ai fait lire à des avocats. Tous étaient d'accord que le contenu du texte tombe sous le coup de la loi », a-t-elle précisé. Elle a cité les articles 296, 144 et 144 bis du code pénal. Ces dispositions portent, entre autres, sur « l'atteinte à l'honneur et à la considération des personnes », « la diffamation », « l'outrage aux magistrats ou aux agents de la force publique », « l'offense au président de la République », « l'injure », etc. Les peines prévues peuvent aller jusqu'à deux ans de prison.Selon la ministre de la Culture, la Constitution algérienne garantit la liberté de création des intellectuels et les libertés individuelles et protège l'honneur des personnes. « Après lecture du manuscrit, j'ai donné ordre pour que le livre ne soit pas imprimé en Algérie. Que le livre soit publié à l'étranger ou sur internet, cela n'est pas de mon ressort. Ce n'est pas M. Benchicou qui est interdit d'écriture en Algérie, mais c'est son livre », a-t-elle ajouté révélant avoir autorisé le dépôt légal pour un recueil de poésie de Mohamed Benchicou, publié l'été écoulé. Evoquant le contenu du livre, Khalida Toumi a cité deux exemples d'« atteinte » aux personnes. « Et ce n'est qu'un échantillon. Des personnes, représentatives des institutions de l'Etat, sont accusées de vol sans aucune preuve. Ne croyez surtout pas que ces personnes vont faire comme si de rien n'était. J'en fais partie. On peut critiquer mon action en tant que ministre, mais je n'accepte pas qu'on m'accuse de vol. Je ne fais pas partie de la famille des voleurs », a-t-elle dit. Selon elle, M. Benchicou compare, dans son essai, le ministre de l'Intérieur au général Jacques Massu. « Cela est injuste, infamant et absolument inadmissible. M. Zerhouni est un homme qui a participé à la guerre de Libération nationale. On ne peut pas le comparer à ce général français. Alors, soit on ne sait pas qui était ce militaire ou on le sait, et alors là, c'est grave », a-t-elle appuyé.Elle a rappelé que le général de division Jacques Massu a ordonné l'usage de la torture contre les combattants algériens et a défendu cette pratique. « Il est responsable de milliers d'exécutions. Il a assassiné Larbi Ben M'hidi. Il a fait disparaître plus de 5000 Algériens et tuer 4000 autres. Et ce ne sont que des chiffres français », a précisé la ministre. Elle a accusé Mohamed Benchicou d'avoir banalisé les crimes du colonialisme français. « Tant que je serais ministre de la Culture, je n'admettrai pas qu'un livre banalise les crimes coloniaux autant que les démocraties refusent la remise en cause de l'Holocauste. Et j'ajoute que dans ce livre, il y a de l'antisémitisme. L'Algérie est un pays qui refuse toutes formes de racisme, y compris l'antisémitisme », a-t-elle souligné. « Cette décision, je vous le concède, n'accorde pas de fleurs dans le hit-parade des bons points. Peut-être que par cette décision, j'ai évité à M. Benchicou de retourner en prison », a indiqué Khalida Toumi qui semblait avoir bien préparé sa réponse à la question sur la censure du livre du directeur de l'ex-journal Le Matin. Contacté hier, le journaliste Mohamed Benchicou a relevé « les contradictions » entre les déclarations de la ministre de la Culture et celle du ministre de la Communication (Abderrachid Boukerzaza a suggéré que le gouvernement n'avait rien à faire avec cette affaire) et a promis de publier aujourd'hui des extraits de son livre sur son site électronique pour « répondre aux accusations de Mme Toumi ».Dimanche 19 octobre, l'auteur de Journal d'un homme libre, 2006-2008 a accusé les autorités d'avoir censuré son livre avant son impression à la maison A. Mauguin à Blida. « C'est un acte de censure médiéval. Cet acte inqualifiable hypothèque la libre expression dans notre pays », a-t-il déclaré, précisant que l'essai contenait une dénonciation « d'une lutte de clans » autour du troisième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika.


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