« Corneille de la
Pierre, dans ses commentaires sur l'Écriture sainte, rapporte qu'un moine
soutenait et prêchait que le bon gibier avait été créé pour les religieux, et
que, si les perdreaux, les faisans, les ortolans pouvaient parler, ils
s'écrieraient : Serviteurs de Dieu, soyons mangés par vous !».
Tout comme leurs
hybrides croisés inféconds - les mulets -, nos ânes si doux, résignés, fidèles
et imperturbablement dévoués, nous ont toujours accompagnés à travers les
sentiers de notre tumultueuse vie…
Après avoir
tracté nos carrioles et nos laboureuses - faisant leur devoir du matin au soir
-, ils n'hésitèrent pas un instant à contribuer à l'effort général dès les
premières étoiles de Novembre, affrontant risques et périls pour participer
pleinement au devoir national, sans oser - dociles qu'ils sont - revendiquer
une quelconque reconnaissance alléchante, se limitant, dans une sobriété
défiant les moines et les soufis, à accepter, tête baissée, la maigre ration et
le breuvage non potable servis dans des mangeoires rouillées et souillées… Le 5
Juillet historique, tout un peuple en liesse, après avoir tenu sa promesse,
fêtait dans l'allégresse une indépendance arrachée au prix de sacrifices
consentis en offrande sans cesse !
Dans cette fête
nationale mémorable, nos malheureux quatre-pattes-tout-terrain étaient
injustement négligés dans les étables, résignés, misérables ! Alors qu'ils
s'attendaient à un menu varié - circonstance oblige - leurs maîtres,
contrariés, envoûtés par les loges, oublièrent même d'approvisionner leurs
auges avec quelques graines d'orge.
Sages et humbles qu'ils sont, ils baissèrent
la tête et dressèrent les oreilles pour répondre présents à tous les travaux
forcés auxquels ils furent condamnés pour service rendu à la nation ! Ils
participèrent - en marchant dans l'ombre, crevés par la douleur -, sous toutes
les formes de l'asservissement, à l'édification de l'Algérie prospère où ils
scrutèrent des chemins en fleurs.
Ils furent présents dans les chantiers de
construction, dans le commerce ambulant et principalement dans le milieu rural
où ils avaient la charge d'une multitude de missions non-stop. Déclassés, voire
chassés par des longs et courts châssis, ils se trouvèrent errants et crurent à
une indépendance propre à leurs semblables, avant de se voir « inhumainement »
pourchassés !
En bêtes
hébétées, ils se virent charcutés et finirent leur course à l'arraché comme
viande hachée et saucisson marmités !
Les seigneurs
saigneurs, tout comme leurs livreurs, démasqués à l'issue de cet inqualifiable
malheur, se dissimulèrent et allèrent se convertir - bâtiment lucratif oblige -
en entrepreneurs ! Yajouj wa Majouj débarquèrent pour faire pousser des piliers
qui peinaient à germer pour donner naissance à des réalisations finies…
Nos malheureux,
dociles et si doux - marchant le long des houx -, croyant naïvement être
rappelés pour prêter main-forte à l'effort national d'un pays transformé en un
vaste chantier, se désenchantèrent dès leur « recrutement » dans les bases de
vie retranchées, où ils se métamorphosèrent en ânovine hachée ! Il ne restera
près du fossé que des crânes tabassés, décapités de leurs carcasses fracassées
!
Devraient-ils s'organiser - à l'image de la
planète des singes - pour se constituer partie civile et poursuivre ces «
mange-tout » qui finiront par désosser - à la cannibale - leurs propres maîtres
qui, insoucieux, les ont livrés dans la nature à leurs risques et périls !? Les
vingt kilos de viande « ânovine » récupérés dans la base vie de Bordj Bou
Arreridj doivent-ils constituer un message pour revoir, voire réétudier la ruée
de Yajou wa Majouj, ou seront-ils simplement classés comme ânerie…!?
Jadis, on nous faisait réciter J'aime l'âne
si doux ! Devrions-nous inculquer, à notre tour, à nos enfants J'aime la viande
anovine si délicieuse, puisque, quoique satiriques, « Nous autres fourbes de la
première classe, nous ne faisons que jouer, lorsque nous trouvons un gibier
aussi facile que celui-là » !?
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Posté Le : 02/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : BKhelfaoui
Source : www.lequotidien-oran.com