Algérie

J'ai été poignardé et j'ai dû démissionner Abdelhamid B. Ancien directeur à l'ANEM


J'ai été poignardé et j'ai dû démissionner                                    Abdelhamid B. Ancien directeur à l'ANEM
Je me rendais chaque matin à mon travail avec l'espoir de ne pas voir la cohue devant le siège de l'agence.
Chaque jour, j'avais envie de démissionner, de profiter d'une offre qui passait sous mon nez pour partir ailleurs. D'autres collègues ont eu le courage de le faire. J'attendais mon heure, que les choses s'améliorent. Jusqu'au jour où ma propre direction m'a remercié sous la pression des chômeurs. Ils sont toujours là, à m'interpeller dehors pour discuter d'une offre. Certains me touchent l'épaule, d'autres me menacent verbalement. Une fois, l'un d'eux m'a même pointé un couteau suisse à la figure. Il m'a dit : «Tu vois cette lame, la prochaine fois, c'est dans ton c'ur qu'elle atterrira.» Et c'est arrivé. Des jeunes sont descendus de je ne sais où, alors que le siège de notre agence était quadrillé par les forces de l'ordre, il m'a poignardé au bas-ventre et j'ai dû être hospitalisé pendant plus de dix jours.
Les barreaux ' On nous reproche tout le temps de vouloir nous protéger, mais il n'y a que les agents de l'ANEM qui savent à quel point ces jeunes peuvent être dangereux. Quand ils squattent les lieux, personne ne peut entrer ou sortir. Ils prennent possession de nos bureaux, montent sur les tables. Ils veulent des postes qu'on ne peut pas leur donner. Nous ne sommes que de simples intermédiaires entre les sociétés et les demandeurs d'emploi. Oui, je dis bien «demandeurs d'emploi», car pour moi, ce ne sont pas des chômeurs. Ils travaillent par intermittence, soit dans les palmeraies de leurs parents, soit pour des particuliers et viennent nous déranger pour des postes fortement rémunérés. Quand ils ont le choix entre un poste à 18 000 DA et rien, que choisissent-ils à votre avis '
Je n'ai pas besoin de répondre à la question tant les choses sont claires et j'ai l'impression que personne ne veut comprendre. Quoi qu'on fasse, rien ne changera avec cette mentalité d'émeutier. Vous pensez que c'est notre comportement qui les pousse à la violence ' Oui peut-être. Je ne vous cache pas qu'à l'ANEM, c'est la révolte au quotidien, l'enfer pour celui qui y reste. Et puis, il y a des gens qui font exprès de monter la population contre nous. Des affaires sont tramées sur notre dos, les campagnes électorales sont alimentées par des histoires incroyables. Ils profitent de la vulnérabilité des sans-emplois et on veut tout faire porter à l'ANEM qui reste la seule institution debout, confrontée chaque jour à la foule, au désordre, à la colère et aux agressions. Un système de contrôle pour mettre en confiance les chômeurs ' Vous rêvez ! Nous étions déjà contrôlés par des associations de chômeurs qui travaillent maintenant.
Les uns partent, d'autres arrivent et il n'y a que les agents qui restent à leur place. Nous n'arrivions plus à travailler normalement dans ces conditions. Tout le monde nous dénigre, chacun y va de son côté pour nous décrédibiliser. Tous nos efforts pour améliorer la situation se retrouvent à terre quand une émeute montée de toutes pièces par des personnes aux intérêts occultes éclate. Pour moi, des élus sont derrière tout ça. Ils maintiennent la pression sur le bureau de main-d''uvre pour recruter des gens de leur famille ou des personnes recommandées d'en haut. Pourquoi nous incliner '
A-t-on le choix devant des gens influents ' Il m'est arrivé de refuser, mais on m'a jeté en pâture à la vindicte et j'ai dû démissionner sous les coups de la calomnie et des ragots. Nous avons été agressés, accusés, battus, poursuivis en justice. Je ne jurerai pas qu'on ne donne pas de bulletins à des connaissances, c'est dans l'ordre des choses. Qui refuserait de placer un cousin ou un ami ' Je ne connais aucun Algérien qui ne le ferait pas. On aime rendre service. Mais la cause du retard du traitement des offres n'est que le résultat du désordre qui règne chaque jour dans l'administration. Qui peut s'habituer à l'agitation, aux hurlements, aux coups fracassants sur les portes ' Impossible de travailler dans ce climat, avec autant de pression.
Les responsables de l'ANEM ayant refusé de répondre à nos demandes d'interview, ce témoignage a été reconstitué à partir des propos recueillis lors de différentes déclarations de l'ancien directeur de l'agence avec la journaliste et avec des proches.
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