Algérie

"J'ai défendu l'armée avec dignité"



Consternation à la cour d'Alger, jeudi. La famille et proches du général-major à la retraite Ali Ghediri sont abattus au prononcé du verdict : Ali Ghediri s'est vu infliger une peine de quatre ans de prison ferme lors de son procès en appel.Ils nourrissaient l'espoir de voir l'ancien candidat à la présidence de la République retrouver sa liberté après 32 mois d'incarcération. Il n'en fut rien ! Au terme d'une longue journée d'un procès bien particulier, la juge, après deux longues heures de délibération, est revenue dans la salle d'audience pour prononcer la sentence : 4 ans de prison ferme contre Ali Ghediri, confirmant, du coup, la peine qui lui a été infligée lors du procès du 23 septembre 2021, et 10 ans de prison ferme contre Hocine Gasmi.
Le procureur de la République, lui, a requis, quelques heures auparavant, une peine de 10 ans de prison ferme à l'encontre de l'ancien haut gradé de l'armée et la confiscation de tous ses biens.
Pour l'autre accusé, Hocine Gasmi, poursuivi pour "faux et usage de faux, usurpation d'identité, intelligence avec l'ennemi et atteinte au moral de l'armée", le parquet a requis une peine de vingt ans de prison ferme avec confiscation de tous les biens.
Le réquisitoire a choqué la famille de Ghediri. Effondrée, sa fille a fondu en larmes et a quitté la salle avant d'être rejointe par son frère. Quant à sa femme, elle est restée clouée à son banc, en pleurant silencieusement avant que l'avocate Aoucha Bekhti ne la console comme elle peut.
Il faut dire que durant tout le procès, la juge s'est montrée très amène avec les deux accusés, notamment Ali Ghediri qui s'est présenté avec sérénité devant le tribunal.
Sûr de lui-même, le général-major à la retraite s'est employé à déconstruire l'accusation pour laquelle il est poursuivi, à savoir "participation en temps de paix à la démoralisation de l'armée" suite à une interview accordée au journal El Watan le 25 décembre 2018.
C'est autour de cette sortie médiatique que la juge a axé les débats. L'accusé assume pleinement ses propos dans le forme et dans le fond. "Avant cette interview, j'ai publié trois contributions dans le même journal. Après quoi, un journaliste d'El Watan s'était présenté à moi pour un entretien. J'ai assumé la pleine responsabilité du contenu et de la forme de l'entretien", a-t-il affirmé.
En vrai militaire assumant pleinement ses actes, il a assuré avoir pris sa retraite en 2015 et n'a exprimé que ses "opinions personnelles". Il s'est même allé à quelques confidences, en révélant avoir proposé à Bouteflika, au début de son 2e mandat, de changer l'intitulé de la République et de passer le flambeau à la jeunesse.
"Je lui ai dit en 2005, en tête à tête, qu'il est venu le temps de faire confiance aux jeunes mais aussi de changer l'intitulé de la République pour entrer dans une nouvelle ère", a-t-il confié. Une conviction qu'il a réitérée dans sa contribution "Lettre aux aînés" où il a appelé les moudjahidine qui ont assumé leur devoir à laisser la place à la génération de l'après-indépendance.
"Je l'assume, c'est ma conviction personnelle", a-t-il soutenu, avant d'ajouter : "Un groupe de personnes ayant fait la guerre d'indépendance ont acquis une légitimité historique et bâti un système politique qui a gouverné le pays jusqu'en 2019. Ce système s'est reposé sur trois piliers : Gaïd Salah, Bouteflika et Toufik. Dès qu'un pilier a voulu prendre le dessus, ça a créé un déséquilibre institutionnel."
À la question de la juge de savoir s'il n'a pas lancé un appel à l'armée à intervenir dans le champ politique et à l'ancien vice-ministre de la Défense à jouer un rôle, le général-major à la retraite a rétorqué : "Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Partout dans le monde, les armées n'obéissent qu'aux instructions de leurs chefs et non à des appels. Pour ce qui est du défunt Gaïd Salah, je n'ai aucun problème personnel avec lui-même si on n'a pas été sur la même longueur d'ondes concernant le 4e mandat de Bouteflika. Et en 2015, c'est moi qui ai demandé à quitter l'armée."
Sur cette accusation de vouloir impliquer l'armée dans les joutes politiques, Ali Ghediri a répondu du tac au tac. "Tu n'implique pas quelqu'un qui est déjà sur l'arène. Et c'est l'histoire qui a fait que l'Armée est sur le terrain politique. Elle est née des entrailles de l'ALN et de l'OS (Organisation secrète)", a-t-il asséné.
Et de poursuivre : "Tous les présidents de l'Algérie indépendante de Ben Bella à Bouteflika sont tous issus de l'ALN ou de l'OS." Ne s'arrêtant pas là, le général-major à la retraite a tenu à souligner qu'Ahmed-Gaïd Salah lui-même a, dans ses discours du 30 mars et du 2 avril, parlé de politique, non sans commenter au passage l'épisode où l'ancien vice-ministre de la Défense a enjoint à l'ancien ministre de la Justice : "Il faut aller jusqu'au bout."
"Quand un chef militaire s'adresse de cette manière à un ministre, qu'est-ce qui reste ' Moi, ça m'a fait mal", a-t-il dit. Affecté d'être accusé de vouloir attenter au moral de l'Armée, M. Ghediri a soutenu que "quand il fallait défendre l'armée, je l'ai fait avec dignité. Je suis fils de moudjahid qui est un invalide de guerre. Mon fils et ma fille sont de hauts gradés et mes frères aussi sont dans l'armée. Et après ça, ils viennent m'accuser d'atteinte à l'armée".
Pour lui, tous ses ennuis ont commencé avec sa candidature à la présidentielle d'avril 2019. "Des hommes des services m'avaient approché en me disant que la haute hiérarchie est mécontente de ma candidature, tout en me conseillant de la retirer. J'ai refusé, car on ne m'a pas appris à faire marche arrière", a-t-il asséné.
Révolté, Ali Ghediri poursuit sa défense avec force et assurance. "L'accusation a été préparée, pensée et élaborée dans les laboratoires", a-t-il accusé. Une accusation appuyée par Hocine Gasmi. Ce dernier a déclaré qu'après son arrestation, le 8 mai 2019, il est emmené dans la caserne "Antar" avant d'être présenté l'ex-patron de la sécurité intérieure Wassini Bouaza.
"Il m'a dit que ce n'est pas toi qui est visé et si tu nous aides tu sortiras demain. Il m'a demandé de reconnaître que Ali Ghediri est de mèche avec les généraux Toufik et Tartag, ainsi que Saïd Bouteflika. J'ai refusé", a-t-il confié. Tout est dit.

Arab C.


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