Algérie

«J'accuse Tayeb Belaïz»



«J'accuse Tayeb Belaïz»
La stratégie d'usure empruntée par l'appareil judiciaire ne semble guère faire courber l'échine à l'ex-magistrat et syndicaliste Abdallah Haboul. Face à un appareil solidaire qui multiplie les fins de non-recevoir, Haboul, obstiné et convaincu de la justesse de son combat, use de sa connaissance parfaite du droit algérien et de la complexité des procédures pour tenir bon.Le 19 février, alors que son procès bouclera 9 ans jour pour jour, la chambre criminelle (section 2) de la Cour suprême statuera sur le pourvoi en cassation qu'il a introduit contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'Alger du 12 mai 2013, qui a déclaré un non-lieu sur la plainte avec constitution de partie civile déposée fin 2008 par l'ancien magistrat au niveau du tribunal de Bir Mourad Raïs contre l'ex-inspecteur général du ministère de la Justice, Ali Badaoui.Petit rappel des faits : Abdallah Haboul, membre actif du Syndicat national des magistrats (SNM) ayant dénoncé «la justice de nuit» en 2004, subit, comme d'autres, des représailles contre son engagement. En décembre 2005, il est convoqué devant le conseil de discipline du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).«Durant ma comparution, le secrétaire général du ministère, Ali Badaoui, m'a traité de juge malhonnête, alors j'ai déposé le 18 février 2006 une plainte administrative au bureau du ministre de la Justice, conformément à l'article 29 du statut de la magistrature, pour l'ouverture d'une enquête et prise de mesures, sachant que l'incident a eu lieu en présence de 17 personnes, les membres du Conseil, mon avocat et le secrétaire général.» Mais le ministre ignore la demande de Haboul et le deuxième rappel.De peur que l'affaire ne tombe dans la prescription, Haboul dépose, le 7 octobre 2008, une plainte pénale contre Badaoui pour outrage et insulte. Le tribunal de Bir Mourad Raïs accuse réception de la plainte mais ne donne aucune suite. Un fait révoltant pour le plaignant, qui conclut à une manipulation politique du cours de la justice. «Ma plainte a disparu et je ne connais pas son sort. Qui est responsable de cet acte ' Est-ce le parquet ' Non. Cet acte arbitraire, cette infraction à la loi ne peut être possible qu'en connaissance de Belaïz», souligne Haboul qui, dans une déclaration à El Watan, accuse directement l'ex-ministre de la Justice et garde des Sceaux : «Je l'accuse formellement.Il a couvert son inspecteur général et son acte tombe sous le coup de la loi.» Il rappelle aussi que l'article 410 du code pénal punit de 2 à 5 ans d'emprisonnement «quiconque sciemment détruit, soustrait, recèle, dissimule ou altère un document public ou privé de nature à faciliter la recherche de crimes ou délits, la découverte de preuves ou le châtiment de leur auteur».Loin de désespérer, Haboul revient à la charge et dépose, en décembre, une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction de Bir Mourad Raïs. Mais ce dernier, qui refuse d'abord de fixer la caution, signe ensuite une ordonnance refusant la plainte.Le tribunal ignore les témoinsLe plaignant fait appel, en janvier 2009, devant la chambre d'accusation de la cour d'Alger, qui donne raison au juge d'instruction. C'est alors que l'ex-magistrat introduit un pourvoi en cassation contre l'arrêt de 2009. Deux ans après, en mars 2011, la chambre criminelle de la Cour suprême annule la décision de la chambre d'accusation et renvoie l'affaire à Bir Mourad Raïs. En cinq ans, Abdallah Haboul vient de gagner sa première bataille juridique. Le juge d'instruction du tribunal de Bir Mourad Raïs prend son temps et finit par auditionner le plaignant le 5 mars 2012 et prend encore tout son temps pour entendre le mis en cause? une année après !En conclusion de quoi il signe une ordonnance de non-lieu le 17 mars 2013. De nouveau, Haboul interjette appel, demandant à ce que les témoins soient entendus. Le 12 mai 2013, l'affaire passe devant la cour d'Alger qui confirme, malgré l'insistance de la défense du plaignant pour que les témoins soient entendus, en vain. Enième épisode : Haboul fait appel et l'affaire sera jugée le 19 février prochain. Haboul n'est pas un Don Quichotte.C'est vrai que son combat ressemble à celui de David contre Goliath, mais il ne désarme pas. «Le ministre n'est pas à son premier acte arbitraire. J'ai demandé au président de la République l'ouverture d'une enquête contre lui, contre Fella Henni (ex-présidente du Conseil d'Etat, ndlr) et cinq magistrats. Mais je n'ai pas eu de réponse.» Haboul qualifie ces faits d'«entrave à la justice» et souligne : «S'ils ne veulent pas ou s'ils ne peuvent pas ouvrir une enquête, qu'ils me répondent, c'est tout ce que je leur demande.»




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