L’exil intérieur Le docteur en sociologie de l’histoire et de l’art, Benamar Médiene a fait paraître un nouvel ouvrage illustré sur l’artiste peintre M’Hamed Issiakhem aux éditions Casbah.
Dès l’entame de ce beau livre, l’auteur, ami de longue date du peintre, annonce dans ces vers : "M’Hamed Issiakhem est un rescapé, toute sa vie, il a habité la foudre, un rescapé de mille embuscades, de la mort, du désastre obscur, cet autre nom de la folie ; le rescapé d’une guerre faite à lui- même, par lui- même, grenade contre grenade, et il passe inlassablement dans son art comme dans la vie , la même ligne électrifiée ".
Cette ode témoigne ainsi de la grande détresse de Issiakhem et de son incommensurable talent. Ecorché vif, tourmenté, Issiakhem était de la trempe des artistes que l’on a relégué dans l’ombre en raison de ses idées et principes de vie. L’homme, au travers de son œuvre, relate sa souffrance et sa douleur vive.
"Lorsque je peins, je souffre et je suis dans le doute". "Le doute, la souffrance, les fuites et le retour aux hantises comme Le Caravage, Van Gogh, Toulouse- Lautrec, Modigliani, Scheel…", Issiakhem répète les obsessions des artistes artificiers qui ont fait exploser l’art académique et les vertus bourgeoises qui le légitimait. "Tout artiste est à l’écoute des minorités culpabilisées, minorité du fou encerclé, du marginal affamé, de l’ouvrier éreinté, de la femme humiliée, du peuple tyrannisé", écrit Médiène.
Dans cet ouvrage d’art illustré de magnifiques toiles de l’auteur, Médiène se délecte en y confiant ses impressions. Il traduit les moments forts, les peines, et la palette sobre d’Issiakhem. Une œuvre empreinte d’affliction, d’incertitudes qui raconte l’homme dans toute sa solitude. Elle dit l’homme avec son inquiétude, son angoisse et surtout son exil intérieur. Tous ses tableaux représentant des portraits de femmes sont douloureux et tristes. Ils témoignent de cette souffrance propre à l’artiste qui lui collait à la peau tel un fardeau, à la place des années. Insoumis et rebelle, son pinceau a dessiné des formes rudes, des visages émaciés, où l’austérité primait.
Ce qui donnait force au tableau et montrait toute la détresse de l’homme et de l’artiste. Tel un imprécateur, Issiakhem semble voué aux gémonies ce monde dur, et impitoyable. Ce livre d’art admirable allie l’homme dans sa dimension humaine et universelle. Son œuvre aux tons sombres et aux formes rigides est une empreinte de tout le drame du monde.
Issiakhem restera un grand maître de l’art pictural reconnu universellement. Il n’a connu ni la gloire ni les lampions dans son pays, mais son talent indéniable marquera des générations entières d’artistes peintres et les arts plastiques en Algérie. Issiakhem est "une école de l’art pictural", selon Médiène.
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Posté Le : 24/05/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Kheira A.
Source : www.horizons-dz.com